9.8.05

Tim Berners-Lee, le Web et les blogues

Tim Berners-LeeTim Berners-Lee a accordé une entrevue à la BBC, et comme d’habitude le propos est fort éclairant. Rappelons que c’est lui qui à la fin des années quatre-vingt a créé le Web alors qu’il travaillait au CERN, qu’il a tenu à le rendre accessible à tous, qui a créé le World Wide Web Consortium au MIT en 1994, et qu'il continue d’oeuvrer pour l’adoption de normes communes pour le médium. «C’est un nouveau médium, un médium universel, et ce n’est pas un médium qui en soi pousse les gens à faire de bonnes ou de mauvaises choses. Il permet aux gens de faire ce qu’ils entendent bien faire, et de le faire efficacement. Il permet aux gens de vivre dans un espace informationnel qui ne connaît pas de frontières» dit-il.

Digressons un peu. Selon une dépêche, «L'actrice américaine Susan Sarandon a dénoncé lundi à Locarno “le climat actuel de peur (aux États-Unis) chez les acteurs, les scénaristes et les réalisateurs” qui se sont mobilisés contre la guerre en Irak et la politique antiterroriste de l'administration Bush. Lors d'une classe de maître donnée en public au 58e Festival international du film de Locarno, Susan Sarandon, 59 ans, connue pour la virulence de ses prises de position, s'en est aussi pris aux médias de son pays qui mènent des campagnes de dénigrement contre les artistes opposés à la guerre.[...] “Heureusement que l'on a Internet”, a conclu Susan Sarandon, pour qui la vérité sur “la guerre (en Irak) est sur Internet.”» Fin de la digression.

Si Berners-Lee n’a pu entrevoir le phénomène blogue en 1990, certains des principes inhérents du Web tel qu’il le voyait s’en rapprochaient. Il souligne à cet égard que le premier fureteur était un logiciel qui permettait tout autant de lire que d’écrire des pages Web, et de commenter les pages que d’autres avaient écrites.

Concernant les blogues, la crédibilité et la qualité de l’information qu’ils véhiculent, Berners-Lee dit qu’il ne faut pas y aller au hasard. «Lorsque vous dites que c’est bourré de mensonges, si vous ramassez au hasard des bouts de papier qui traînent dans la rue, quelle est la probabilité que vous trouverez quelque chose de valable sur ces papiers?» dit-il. Selon lui, c’est la même chose avec Internet, si on procède au hasard il ne faut pas s’attendre à trouver des contenus de qualité.

J’ajouterais ici qu’il ne faut cependant pas rejeter du revers de la main l’aspect «ludique» du Web, le plaisir d’explorer des espaces moins connus, de faire des découvertes. Cette dimension est souvent compromise par une consultation trop raisonnée, utilitaire du Web conditionnée évidemment par l’hyper efficacité des moteurs de recherche et l’exhaustivité des répertoires spécialisés. Je me souviens d’une conversation avec Chrystian Guy, un des tisserands de la Toile du Québec, qui déplorait lorsque ses activités professionnelles monopolisèrent l’essentiel de son temps ne plus avoir l’occasion de vagabonder de site en site. La belle époque.

Berners-Lee soutient qu’il faut procéder avec méthode et utiliser judicieusement l’inscription dans les favoris de sites valables. Si on trouve qu’un site est nul ou a peu à offrir, pourquoi perdre son temps à le consulter, ce qui vaut aussi pour les blogues. «Prenez les blogues par exemple, certains blogueurs sont très prudents. Lorsqu’un bon blogueur dit que quelque chose est arrivé, il mentionnera une source, il remontera à la source de l’information. Si vous lisez quelque chose et qu’aucune source ne vient appuyer les dires, vous pouvez l’ignorer.»

Le Web dans 15 ans? Berners-Lee voit un médium plus stable, plus intégré dans la société, presque transparent. «Le fait que nous utilisions un stylo et du papier pour écrire est acquis. De même, on espère que l’appropriation du Web se banalisera.»
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