28.9.05

The Economist : abonnements gratuits à certains blogueurs

Le site Web de la publication britannique The Economist, economist.com fonctionne en mode payant hybride, c’est-à-dire qu’une partie de son contenu est accessible sans frais, une autre partie est accessible aux personnes inscrites (inscription sans frais) avec en valeur ajoutée des bulletins par courriel; les abonnés payants ont droit à l’ensemble du contenu et à l’accès illimité aux 30 000 articles archivés depuis 1997.

Or, on apprend du magazine Folio que The Economist a remis gracieusement des abonnements au site Web à un certain nombre de blogueurs «influents» qui écrivent sur la politique et l’économie. Sans en préciser le nombre, la direction dit avoir fait une sélection de blogueurs connus, avoir fait des recherches sur Google et consulté le palmarès de Technorati.

Selon Ron Diorio, responsable de Economist.com, les blogueurs commencent à exercer une influence sur les médias traditionnels. Le principe veut que si ces blogueurs mentionnent un contenu du site Web auquel ils n’auraient autrement pas eu accès, ces mentions avec liens amèneront un achalandage d’abonnés potentiels sur le site, en plus de favoriser l’achalandage «général» et d’augmenter les revenus publicitaires.
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24.9.05

RSF et les blogues

Reporters sans frontières (RSF) vient de publier un Guide pratique du blogger et du cyberdissident disponible chez les libraires français (10 euros) depuis le 22 septembre, en téléchargement sans frais (PDF, 1Mo) et aussi en consultation Web par section à la même adresse. Publié avec le soutien du ministère français des Affaires étrangères et de la Caisse des dépôts et consignations, le Guide est disponible en cinq langues (français, anglais, chinois, arabe et persan).

C’est un ouvrage collectif, RSF ayant invité divers acteurs de la mouvance Web pour les diverses sections du Guide qui vont des définitions et lexique, aux méthodes de contournement de censure et de sauvegarde de l’anonymat, en passant par les choix de plate-formes et les méthodes de référencement. S’il y a peu de contenu vraiment original ou inédit, la plupart du contenu existant ailleurs sur le Web, c’est un excellent ouvrage d’introduction à l’univers des blogues et le Guide a le mérite d’avoir rassemblé des éléments épars.

Julien Pain, responsable du bureau Internet et libertés de RSF écrit en introduction : «Dans les pays où la censure est reine, lorsque les médias traditionnels vivent à l’ombre du pouvoir, les bloggers sont souvent les seuls véritables journalistes. Ils sont les seuls à publier une information indépendante, quitte à déplaire à leur gouvernement et parfois au risque de leur liberté. Les exemples de bloggers emprisonnés ou harcelés ne manquent pas.[...] Lorsque produire de l’information est une activité à risques, les bloggers ont tout intérêt à préserver leur anonymat. Car les cyberpolices veillent et sont devenues maître dans l’art d’épier la Toile et débusquer les “trouble-Net”.»

La définition de ce qu’est un blogue, le lexique et la section «Bien choisir son outil» viennent de l’équipe de pointblog, alors que la section sur la création et la mise à jour d’un blogue est une adaptation en français des instructions de la plate-forme Civiblog. La section «Quelle éthique pour les bloggers» est signée par Dan Gillmor, bien connu pour ses interventions en journalisme citoyen, alors que Mark Glaser du Online Journalism Review traite de «Faire sortir son blogue du lot». Quant à «Savoir bien référencer son blog sur les moteurs de recherche», le choix de Olivier Andrieu de Abondance.com pour en décrire les processus est évidemment des plus judicieux.

Jay Rosen de PressThink pour sa part m’a fait sourire quand dans la section des témoignages il écrit : «Lorsque j’ai commencé à me renseigner sur les techniques de blogging, j’ai reçu toutes sortes de réponses. Un des conseils qui m’a été donné était : “Tu dois écrire des ‘posts’ courts”. C’est le bon style, d’après certains. C’est ce qui marche, m’ont dit d’autres. Et surtout cette remarque, la plus suspecte de toutes : c’est ce qu’attendent les lecteurs débordés qui naviguent sur le Web. Ils n’ont pas de temps pour de longues et profondes analyses, ai-je entendu dire. Par tout le monde. Cela m’a rendu méfiant. Je n’avais pas l’intention d’écrire de longs ‘posts’ de 2 000 mots, mais c’est ce qui est arrivé lorsque j’ai essayé d’exprimer dans mes ‘posts’ quelque chose que les autres ne disaient pas.»

J’ai souri parce que certaines personnes m’ont écrit pour me dire que mon billet précédent sur le droit à l’image était trop long... Heureusement que d’autres comme le consultant genevois Laurent Haug comprennent que «1 billet de 10 lignes vaut mieux que 5 billets de 2 lignes... Il faut essayer de regrouper ses dires. Les bloggeurs issus du journalisme comme Manue, Paul Mason ou Jean-Pierre Cloutier ont tendance à fonctionner comme ça, en concevant leurs interventions comme des longs métrages plutôt qu’un zapping de minis sujets.»

Les sections du Guide sur le blogging anonyme, les techniques de contournement de censure et la confidentialité des courriels sont assez approfondis et de bonne facture. En fin de document, RSF reprend ses arguments de documents précédents sur les champions de la censure d’Internet et cite comme tête de liste la Chine, le Viêt-Nam, la Tunisie, l’Iran, Cuba, l’Arabie Saoudite et l’Ouzbékistan.

En ce qui a trait à l’Ouzbékistan, on peut lire «“Il n’existe aucune possibilité de censurer l’Internet du pays”, a déclaré, en juin 2005, le ministre de l’Information ouzbek. Une telle affirmation fait sourire dans un pays où tous les sites d’opposition sont inaccessibles et où les journalistes en ligne sont régulièrement victimes de menaces et d’agressions.»

Précisons ici que le secrétaire-général de Reporters sans frontières, Robert Ménard, a reconnu recevoir des fonds de la Fondation nationale pour la démocratie (National Endowment for Democracy, NED), une organisation qui relève du State Département étasunien, et dont le rôle principal est de promouvoir l’agenda de la Maison-Blanche à travers le monde. M. Ménard a été très clair sur le sujet : «Absolument, nous recevons de l’argent de la NED. Et cela ne nous pose aucun problème». Voir dans RISAL Reporters sans frontières financé par les États-Unis et le forum du 18/04/2005 sur le site du Nouvel Observateur. Or, la NED est très active en Ouzbékistan ayant fédéré tous les groupes d’opposition. (Voir le site du NED et .) Elle dispose également de programmes pour les autres États censeurs ciblés par RSF.

RSF expliquait en juillet dernier ces contributions. «Nous ne recevons pas d’argent du Département d’État américain, de la CIA ou de la coopération américaine USAID. Les seules subventions que nous percevons en provenance des États-Unis sont celles des fondations Center for a Free Cuba et National Endowment for Democracy (NED). La première nous a accordé, en 2004, une subvention de 50 000 dollars, ce qui représente 1,3 % du budget total de Reporters sans frontières. La NED nous a aidé, pour la première fois en 2005, en nous versant une subvention de 39 900 dollars. Cette somme représente également 1,3 % du budget prévisionnel de l’organisation et n’a donc aucune incidence sur nos prises de position. Il est également important de préciser que la somme allouée par la NED concerne un projet destiné à "soutenir les journalistes arrêtés, emprisonnés ou menacés en Afrique". Ce projet concerne l’Afrique et uniquement l’Afrique.»

Toujours est-il que pour bon nombre, cette association à un organisme politique étasunien détonne.

Pour revenir au Guide, il y aurait aussi un commentaire pertinent à formuler, soit que la menace à la liberté d’expression sur les blogues ne vient pas uniquement des cyberpolices et que des cas récents confirment la complicité des grandes entreprises. Comme le rappelle Lindsay Beck de Reuters, «La "cyber police" chinoise a intensifié ses contrôles sur les cent millions d'internautes du pays, ce qui ne décourage pas les sociétés occidentales spécialisées dans internet d'investir. Selon des observateurs critiques, des sociétés comme Google, Yahoo et Microsoft fermeraient les yeux sur les manoeuvres de la cyber police pour mieux s'installer sur un marché en plein essor, plutôt que de mettre leur influence au service de la liberté d'expression et du droit à l'information.[...] L'espace MSN de Microsoft aurait même censuré de son propre chef des phrases comme "droits de l'homme" ou "indépendance de Taiwan" de ses informations en ligne. Plus récemment Yahoo a été accusé de fournir aux autorités chinoises des données utilisées contre un journaliste, Shi Tao, condamné à 10 ans de prison pour avoir fait circuler par courriel un message interne du parti communiste.»

Dans le cas de Google, selon Carrie Kirby du San Francisco Chronicle, la société aurait exclu de sa version chinoise certaines publications, mais se défend d’avoir agi sous des pressions externes. «Certaines sources ne sont pas inclues parce que les sites sont inaccessibles [Ndb. bloqués par les autorités] et donc ne contribuent pas au service offert à nos utilisateurs en quête d’information» a déclaré Debbie Frost, porte-parole de Google. Tant Yahoo que Google disent se conformer aux lois locales.


Mise à jour 25 septembre 2005


Le ministère chinois de l’Industrie de l’information (eh oui, ils ont un ministère spécifique pour l’«industrie» de l’information) vient de publier conjointement avec le conseil d’État de nouvelles lignes directrices visant à «normaliser la gestion des nouvelles et de l’actualité». En vertu de ces nouvelles règles, un éditeur de nouvelles en ligne devra disposer d’un capital nominal de 10 millions de yuans (1,45 million de $ CAD, 1,02 million d'euros) et doit avoir à son emploi au moins cinq rédacteurs qui possèdent au moins trois ans d’expérience dans des médias traditionnels. Détails dans le Shanghai Daily.
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19.9.05

Droit à l’image : l’affaire Duclos

La rue, zone interditeLe photographe Gilbert Duclos devenu réalisateur a récemment présenté un film remarqué dans le cadre d’un des nombreux festivals du cinéma à Montréal, La rue, zone interdite (Productions Virage). Pour mémoire, rappelons que Duclos a été au coeur de la cause Aubry c. Éditions Vice Versa inc., poursuivi en justice pour avoir photographié une jeune fille en public et avoir permis la diffusion de la photo par l’éditeur d’une revue artistique sans la permission du sujet; au terme d’une saga judiciaire les deux parties intimées ont été condamnées à verser à la jeune fille 2 000 $ en guise de dommages. La rue, zone interdite ravive le débat sur le droit à l’image et le droit à l’expression artistique, un débat qui prend une nouvelle importance avec l’engouement pour les blogues (dont bon nombre diffusent des photos) et la popularité croissante des services d’albums photos comme Flickr.

Je précise que je n’ai pas encore vu le film de Duclos, ce à quoi je remédierai dès que les circonstances me le permettront. Par ailleurs, je vous suggère l’entrevue avec le réalisateur dans VOIR, et le reportage à la Première Chaîne de Radio-Canada.

Je dois dire que j’ai été relativement secoué en 1998 lorsque la décision de la Cour suprême a été connue, étant moi-même à mes heures «photographe de rue» (et plus largement dans des endroits publics), et ayant toujours admiré les oeuvres de Doisneau, Cartier-Bresson, Boubat et autres praticiens de cette discipline. C’est à tout ce genre photographique que porte atteinte la jurisprudence canadienne établie dans l’«affaire» Duclos. Et comme le soulignait le Juge en chef Lamer en 1998, «Il existe une controverse en droit français, et une incertitude correspondante en droit québécois, quant à savoir si le droit à l'image est un droit de la personnalité autonome ou une composante du droit à la vie privée.»

Mais revenons sur la saga juridique de cette affaire, sur les motifs des décisions, et sur les valeurs avancées par toutes les parties qu’il importe aux photographes de rue, blogueurs ou non, de connaître. Les informations et citations qui suivent sont tirées du jugement en Cour suprême du Canada dans le dossier Aubry c. Éditions Vice Versa inc. dont le texte est reproduit avec l'aimable autorisation du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal.

Les faits : Une jeune fille de 17 ans, Pascale Claude Aubry, intente une action en responsabilité civile contre le photographe Gilbert Duclos et Les Éditions Vice Versa inc., pour avoir respectivement pris et publié une photographie la représentant assise sur un marchepied, devant un immeuble de la rue Ste-Catherine, à Montréal. On admet de part et d'autre que la photographie a été prise dans un lieu public et publiée sans le consentement de la plaignante. La photographie a été publiée par Les Éditions Vice Versa inc. dans la revue Vice Versa, une revue à vocation artistique dont le numéro en cause s'est vendu à 722 exemplaires. La photographie a été portée à l'attention de la plaignante par un ami qui a acheté un exemplaire de la revue. Pascale Claude Aubry intente donc une action en dommages-intérêts pour la somme de 10 000 $, dont la moitié à titre de dommages compensatoires et l'autre à titre de dommages exemplaires.

En 1992, à la Cour du Québec, tribunal de première instance, le juge Bourret fait droit en partie à l’action de Pascale Claude Aubry. «Reconnaissant que la publication non autorisée de la photographie constituait une faute à laquelle ont contribué l'éditeur de la revue ainsi que le photographe qui lui a confié la photographie, il les a condamnés solidairement à payer la somme de 2 000 $. Le jugement souffre cependant d'une certaine ambiguïté quant à la nature des dommages que cette somme vise à compenser.[...] Par ailleurs, la photographie n'ayant aucun caractère diffamatoire, ni en elle-même ni par association au texte qui l'accompagnait dans la revue, le juge Bourret a refusé toute indemnité à ce titre. Il a également, en l'absence de preuve d'intention malicieuse chez les défendeurs, refusé d'accorder des dommages exemplaires.»

Duclos et Vice Versa portent la cause devant la Cour d’appel qui majoritairement, en 1996, confirme la décision du tribunal de première instance. Ce jugement apporte toutefois une précision. «Les juges LeBel et Biron (ad hoc) ont tous deux conclu que la faute résidait non pas dans la prise de la photographie, mais dans sa publication. Selon le juge LeBel, qui écrit pour la majorité, l'intimée se trouvant dans un lieu public lors de la prise de la photographie, on ne saurait voir dans ce seul geste une violation de son intimité. La publication non autorisée de la photographie constituait, toutefois, une atteinte à l'anonymat, composante essentielle du droit à la vie privée.» Bref, il serait permis de photographier une personne dans un lieu public, mais interdit de la publier ou de la diffuser.

Cependant, le juge Baudouin enregistre une opinion dissidente sur la question des dommages. «À son avis, on ne saurait imputer un dommage du seul fait de la diffusion fautive de la photographie. On ne saurait, non plus, dissimuler sous le vocable “dommages nominaux” l'absence de preuve des dommages. Cela est d'autant plus important, à son avis, lorsque le droit à la vie privée est revendiqué à l'encontre de la liberté d'information ou de la liberté artistique.» C’est pourquoi le juge Baudouin refuse de considérer comme une preuve suffisante la seule affirmation de l'intimée : «le monde ont ri de moi» (sic).

Gilbert Duclos et Les Éditions Vice Versa inc. interjettent appel devant la Cour suprême qui, le 9 avril 1998, les déboute. Les juges L'Heureux-Dubé, Gonthier, Cory, Iacobucci et Bastarache estiment que «Le droit à l'image est une composante du droit à la vie privée inscrit à l'art. 5 de la Charte québécoise. Dans la mesure où le droit à la vie privée cherche à protéger une sphère d'autonomie individuelle, il doit inclure la faculté d'une personne de contrôler l'usage qui est fait de son image. Il faut parler de violation du droit à l'image et, par conséquent, de faute dès que l'image est publiée sans consentement et qu'elle permet d'identifier la personne en cause.[...] La pondération des droits en cause dépend de la nature de l'information, mais aussi de la situation des intéressés. En somme, c'est une question qui dépend du contexte. Sur le plan de l'analyse juridique, il est inutile de recourir à la notion de l'“information” socialement utile” retenue par la Cour d'appel.[...] Le droit d'un artiste de faire connaître son oeuvre n'est pas absolu et ne saurait comprendre le droit de porter atteinte, sans justification aucune, à un droit fondamental du sujet dont l'oeuvre dévoile l'image.»

Deux juges expriment une opinion dissidente, soit le Juge en chef Lamer et le juge Major, ce dernier souscrivant au résultat en arrive le Juge en chef selon lesquelles il n'y avait aucune preuve de préjudice. Mais le Juge en chef va beaucoup plus en profondeur dans l’analyse de la publication d'une photographie prise sans permission. «Puisque le droit à l'image fait partie du droit au respect de la vie privée, nous pouvons postuler que toute personne possède sur son image un droit qui est protégé. Ce droit surgit lorsque le sujet est reconnaissable. Il faut donc parler de violation du droit à l'image, et par conséquent de faute, dès que l'image est publiée sans consentement et qu'elle permet l'identification de la personne.»

Mais qu’en est-il de l’expression artistique ou autre? «Les juges LeBel et Biron ont analysé cette question à la lumière de la notion de l'“information socialement utile”. À leur avis, il y a préséance de la liberté d'expression et du droit du public à l'information lorsque l'expression en cause porte sur une information “socialement utile”.[...] La photographie d'une seule personne peut être “socialement utile” parce qu'elle sert à illustrer un thème. Cela ne rend cependant pas acceptable sa publication si elle porte atteinte au droit à la vie privée. Au plan de l'analyse juridique, nous ne voyons pas l'utilité de retenir la notion du “socialement utile”.[...] En l'espèce, la responsabilité des appelants est à priori engagée puisqu'il y a eu publication de la photographie alors que l'intimée était identifiable. Nous ne croyons pas que l'expression artistique de la photographie, dont on a allégué qu'elle servait à illustrer la vie urbaine contemporaine, puisse justifier l'atteinte au droit à la vie privée qu'elle comporte. L'intérêt dominant du public à prendre connaissance de cette photographie n'a pas été démontré. L'argument que le public a intérêt à prendre connaissance de toute oeuvre artistique ne peut être retenu, notamment parce que le droit de l'artiste de faire connaître son oeuvre, pas plus que les autres formes de liberté d'expression, n'est absolu.»

En conclusion, sur la question des droits, pour le juge Lamer, «Il ne semble donc y avoir aucune justification pour donner préséance aux appelants, si ce n'est leur position qu'il serait très difficile, en pratique, pour un photographe d'obtenir le consentement de toutes les personnes qu'il photographie dans des lieux publics avant de publier leur photographie. Accepter ce genre d'exception, c'est en fait accepter que le droit du photographe est illimité, pourvu que sa photographie soit prise dans un endroit public.»

En revanche, sur la question des dommages le juge est plus nuancé car, estime-t-il, ils doivent être prouvés. De plus, il distingue entre deux types de dommages, extrapatrimoniaux et patrimoniaux. «Comme le souligne le doyen Nerson dans sa thèse Les droits extrapatrimoniaux (1939), [...] le dommage “peut consister simplement dans le déplaisir qu'éprouve la personne à devenir une ‘figure connue’”. La publication de l'image d'une personne qui divulgue une scène de sa vie privée porte atteinte au sentiment de pudeur “éminemment respectable” de la victime et peut lui causer un préjudice moral considérable.[...] En ce qui a trait à l'aspect patrimonial de l'atteinte à la vie privée, nous sommes d'avis que l'exploitation commerciale ou publicitaire de l'image, qu'elle soit d'une personne connue ou d'un simple particulier, est susceptible de causer à la victime un préjudice matériel. L'indemnité doit alors être calculée en fonction de la perte effectivement subie et du gain manqué (art. 1073 C.c.B.C.).[...] Le témoignage de M. Gilbert Duclos révèle que celui-ci doit habituellement payer entre 30 $ et 40 $ l'heure pour les services d'un mannequin, généralement pour une période de deux à quatre heures. L'intimée aurait donc normalement eu droit à une somme d'argent.»

Tentons de résumer l’ensemble de ces considérations et jurisprudences. Il y a donc un droit à l’image qui est circonstanciel de par l’utilisation qui est faite de l’image. On peut photographier une personne dans un lieu public (rue, parc, immeuble commercial, bar, terrasse, etc.), mais on ne peut publier ou diffuser cette photo, même en prétendant le droit à la liberté d’expression, sans le consentement du sujet.

Il y a aussi un «droit à l’argent» qui découle, pour le sujet, de la réclamation de dommages pour préjudice patrimonial (gain manqué) et extrapatrimonial (préjudice moral). Si on accepte les arguments soumis par le juge Lamer, le préjudice de gain manqué est minime sauf dans le cas d’une hypothétique utilisation commerciale. Pour ce qui est du préjudice moral, le juge Lamer écrit : «Un auteur français affirme que le dommage, en cas d'atteinte au droit à l'image, “peut consister simplement dans le déplaisir qu'éprouve la personne à devenir une ‘figure connue’”.[...] Avec égard, cette affirmation ne saurait signifier que la seule infraction à un droit de la personnalité entraîne au Québec la responsabilité civile en l'absence de preuve de préjudice, contrairement à ce qui semble possible en France : P. Kayser, La protection de la vie privée (2e éd. 1990), aux pp. 222 à 266.» Autrement dit, pas de préjudice moral (qui est extrêmement difficile à prouver), pas de poursuite possible.

Que faire? Dans l'entrevue publiée par l'hebdomadaire Voir, Duclos ne fait pas d'acte de contrition. «Moi, je dis aux gens, prenez le risque! Parce que c'est tellement ridicule, si on suit ce jugement à la lettre, la photographie de rue, tu ne peux plus en faire. La photographie humaniste, dont je suis un adepte, pour faire une bonne photo de ce type-là, il faut en faire beaucoup. Ça va au-delà du photographe. C'est un peu la magie, tout d'un coup, il se passe quelque chose à un coin de rue, tu vois quelque chose et tu es prêt, tu le fais. On peut facilement imaginer que si à chaque image que je fais, je dois passer des heures à m'expliquer aux gens et leur demander de signer un papier comme quoi ils me cèdent leur droit à leur image, je n'en ferai plus de photo. Il se trouve que depuis 150 ans, il y a ce que j'appellerais des photographes flâneurs, qui marchent dans la rue et qui regardent. Doisneau, Cartier-Bresson, Elliot Erwitt, Robert Frank, Marc Riboud... Ils se sont promenés, certains autour du monde, d'autres dans leur petit patelin, ils ont photographié la vie autour d'eux et en ont fait des livres. Aujourd'hui, on regarde ces livres-là et on rêve.»
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17.9.05

Le New York Times en mode payant hybride

TimesSelectC’est ce lundi, 18 septembre, que le New York Times passera partiellement en mode payant. L’abonnement au service nommé TimesSelect coûtera 50 dollars par année et donnera accès entre autres aux éditoriaux et billets d’opinions, à des présentations multimédia, et aux archives complètes. Le reste du contenu, dit-on, sera accessible sans frais. Staci Kramer du site PaidContent (spécialisé dans les contenus payants) s’est entretenu avec des membres de la direction du Times qui lui ont confié que le contenu réservé aux abonnés de TimesSelect ne représentera que 3 % de l’ensemble des consultations du site. Pour ce qui est des flux RSS, ils seront maintenus et un logo signalera les contenus payants.

Annoncée depuis un certain temps, la mise en service de TimesSelect a fait l’objet de nombreuses critiques dans la blogosphère où on estime qu’à une époque d’ouverture des contenus, la démarche du Times va à contre-courant. On sait que les éditoriaux du Times et les textes des 22 columnists attitrés, sans compter ceux des personnalités influentes de tous les milieux qui écrivent dans la section opinions, sont très souvent cités sur les blogues et font partie de la «conversation». (Voir à cet égard l’indice de popularité des médias cités par les blogueurs établi par David Sifry).

Certains voient dans cette réaction négative des blogueurs l’affirmation de la notion que certains véhiculaient au début de la mouvance blogue, soit que les blogues ne sauraient exister sans les médias traditionnels faute de pouvoir produite du contenu original. Martin Nisenholtz, vice-président principal aux opérations en ligne de la New York Times Company, n’est pas étonné de la réaction des blogueurs, et dit que personne n’affirme qu’ils ont tort, et qu’au contraire ils avancent des arguments valables. Le Times proposera aux blogueurs de vendre des abonnements moyennant commission (Voir Times to Charge for Access to Columnists, AP.)

La décision d’opter pour le mode payant est d’ordre financier; malgré des revenus publicitaires en hausse, le site a peine à faire ses frais. Le pari que fait le Times est que les lecteurs en ligne paieront pour un abonnement, ce qui est loin d’être évident. Selon le cabinet de recherche Jupiter, 31 % des utilisateurs d’Internet adultes aux États-Unis ont payé pour des contenus, une hausse de 5 % comparativement à l’an dernier. Le contenu en ligne représente cette année des revenus de 3,8 milliards de dollars, et atteindra 8,9 milliards en 2010, soit une augmentation de plus de 100 %. Par contre, pour le contenu général (excluant les jeux et la musique), le chiffre atteint cette année 2,1 milliards de dollars et n’atteindra que 3 milliards en 2010, une hausse d’environ 50 %. (Voir JupiterResearch: Consumer Resistance to Paid Content Stays High dans DMNews.)

On prévoit donc une hausse plus lente des revenus des contenus généraux comme les sites d’actualité, ce qui pourrait fausser les calculs du Times. Mais il y a un autre risque comme le souligne Steve Outing dans Editor & Publisher. Les columnists du Times (qu’il appelle les joyaux de l’entreprise) feront partie du contenu payant, et seront donc cités moins souvent dans les blogues avec un lien pointant vers le site ce qui diminuera l’achalandage de ce dernier.

Même son de cloche de Danielle Attias, «On peut comprendre la démarche du NYT qui cherche à rendre payant une des rubriques qui génère le plus de valeur dans le titre : les éditos et analyses. Dans un monde de l'information en ligne où les faits sont désormais accessibles sur un maximum de supports gratuitement, l'avantage comparatif des grands titres de presse est de donner leur éclairage propre, étayé et professionnel. Si on lit le NYT, c'est aussi beaucoup pour savoir ce que pense sa rédaction sur tel ou tel sujet. La question reste alors de savoir s'il est plus profitable au titre : de rendre ces contenus payants, ou de les financer par le trafic et la publicité, en faisant naître les conversations autour d'eux.»

Le blogueur d’Ottawa VW trace un parallèle intéressant sur la formule hybride gratuit/payant qu’adopte le Times. Il écrit : «Le Globe and Mail fonctionne de manière semblable avec ses columnists comme Jeffrey Simpson (score Technorati 167) et Margaret Wente (415). Je me demande s’ils se rendent compte que c’est une des raisons pour lesquelles on parle si peu d’eux dans la blogosphère que de Mark Steyn (columnist au Times, score Technorati 11 032).» On pourrait d’ailleurs appliquer cette réflexion aux éditorialistes de La Presse qui sont absents du site Web, ou à ceux du Devoir plus souvent qu’autrement cadenassés.
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15.9.05

Enfin, Google pour les blogues

Google BlogsearchUne excellente nouvelle pour la blogosphère francophone, Google a lancé son Blogsearch, aussi accessible depuis la plate-forme Blogger (propriété de Google). L’autre bonne nouvelle est que si vous utilisez une version francophone de Firefox (ou d’un autre fureteur), l’interface de consultation est automatiquement livrée en français. En mode de recherche avancée, on peut limiter les résultats à l'une des 35 langues proposées dans les options. Google nous a habitué à de la belle ouvrage et ne déçoit pas avec Blogsearch.

L’indexation des blogues pour Blogsearch a débuté en juin dernier, ce qui implique que les billets antérieurs ne sont pas encore dans la base de données, mais Google dit travailler à un système permettant de tenir compte de ces billets. La FAQ décrit le fonctionnement : «Le service Recherche de blogs indexe les blogs à partir des flux d'actualisation qui leur sont associés. Le système consiste à interroger ces flux fréquemment afin de détecter les informations qui ont été modifiées ou ajoutées. Les résultats obtenus pour un blog donné seront ainsi actualisés bien plus rapidement que ceux issus des recherches sur le Web classiques. En outre, il est possible de retrouver des messages blog et de limiter les recherches par dates de façon bien plus précise, car les données sont structurées au sein de ces flux d'actualisation.»

Pour les blogueurs, il importe donc de disposer sur leurs blogues d’un flux d'actualisation Atom ou RSS qui envoie automatiquement un signal (ping) à un service de mise à jour. De plus, Google proposera sous peu un formulaire pour ajouter manuellement un blogue blogue à l’index au cas où il n'aurait pas été indexé automatiquement.

Toujours de la FAQ, «Nous espérons que le service Recherche de blogs aidera nos utilisateurs à explorer la blogosphère plus efficacement et qu'il encouragera certains d'entre eux à se joindre au mouvement. Que vous recherchiez des critiques sur Harry Potter, des analyses politiques, des recettes de salades composées ou toute autre information, le service Recherche de blogs vous permet de savoir ce qui se dit sur le sujet qui vous intéresse.»
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14.9.05

Médias : la conversation s’engage

We the MediaDans son ouvrage We the Media, Dan Gillmor fait une large place à la notion de conversation qui, dit-il, remplacera celle de sermon que tiennent encore bon nombre de médias traditionnels (MT). La théorie veut que les citoyens n’accepteront plus l’unilatéralité de la production et de la diffusion d’information et d’idées du haut des chaires médiatiques, et tiendront davantage à engager une conversation, à amorcer des débats et des réflexions avec les journalistes, avec ceux et celles qui «font» la nouvelle, et avec leurs concitoyens. La technologie des blogues a été essentielle pour étendre les espaces conversationnels avec la fonction «commentaire». Mais voilà que la conversation s’étend aux MT, et de belle manière, notamment avec le Washington Post qui s’est associé au moteur de recherche dans les blogues Technorati.

L’autre jour, j’examinais mon outil de relevé de statistiques du blogue et j’ai constaté un bon nombre de consultations dont le point d’origine était le site du Washington Post. Curieux de savoir dans quel contexte le site Web du journal pouvait diriger certains de ses lecteurs vers mon blogue, j’ai consulté la page de référence. C’est que j’avais cité un article du Post dans un de mes billets (Blogues, Web et désastres), que Technorati avait indexé le dit billet, et que le Post publie maintenant avec l’aide de Technorati la liste des blogues (avec liens directs) dans lesquels un de ses articles est cité.

On crée ainsi un produit à valeur ajoutée, car non seulement le lecteur a-t-il accès à l’article, mais aussi aux mentions, commentaires, compléments d’information, rebuffades ou contestations issues de la blogosphère. Grâce à Technorati, et à sa technique d’indexage ultra-rapide du contenu des blogues, on ouvre donc un espace conversant dans le Washington Post, ce qui constitue selon moi une belle avancée.

memeorandumMais s’il y a un site qui incarne réellement la conversation qui s’engage, c’est memeorandum du technologue Gabe Rivera, un nom qui représente la fusion des mots mème et memorandum (en anglais, note de service). memeorandum traite uniquement pour l’instant de l’information politique et technologique. «Le Web bourdonne de discussions sur la politique et les affaires publiques, memeorandum est “la une” de ces conversations» écrit Rivera. À partir de milliers de sites de médias et de blogues, memeorandum recense les articles des MT les plus souvent cités dans les blogues. L’outil «à la Google» qu’il a mis au point effectue une actualisation automatique du contenu aux cinq minutes. Rivera publie également un blogue sur l’évolution de son outil.

Pourquoi memeorandum? Rivera explique qu’il y avait un créneau inexploité dans le secteur des actualités en ligne. «Il y a de nos jours un très grand nombre de commentateurs (et de journalistes) cultivés et compétents qui écrivent sur le Web et signalent des sujets qui méritent d’être largement discutés. Je veux que memeorandum soit à l’écoute de ces signaux» dit-il. Il tient également à découvrir rapidement de nouvelles sources d’information, ce qui s’avérait difficile vu l’engouement pour la formule blogue et l’arrivée en masse de nouveaux auteurs.

Puis, c’est la conversation... Selon Rivera, «La communication sur le Web tend de manière naturelle vers la conversation, ce qui tient de la nature humaine et de l’immédiateté d’Internet. Les billets des blogues réagissent souvent à des articles, des essais ou des éditoriaux, et les liens sont très nombreux. Mais les sites d’actualités ignorent souvent ces conversations qui se déroulent presque en temps réel; certains refusent même de croire qu’il y a conversation. Je souhaite que memeorandum se distingue du lot.»

On entre donc avec memeorandum dans la diffusion des mèmes et des anti-mèmes avec pour origine les MT et pour point d’arrivée un espace citoyen de conversation. Le mème, concept établi en 1976 par le zoologiste Richard Dawkins, est une unité d’information (mot, idée, croyance, mythe, coutume, mode, maniérisme) qui peut être transmise d’individu à individu, ou de génération à génération, soit l’équivalent culturel d’un gène.

En 1999, je citais un texte de Renaud Dumeur, «Synthèse de comportements animaux individuels et collectifs par Algorithmes Génétiques» qui écrivait de Dawkins : «Pour cet auteur, un mème est un objet mental qui, tel une créature biologique, lutte pour sa survie [...] le mème se sert de l'individu qui en est porteur afin de se disséminer. Cette dissémination n'est pas, au contraire du domaine biologique, uniquement liée à une activité de reproduction mais dépend des moyens de communication offerts à l'individu. Or la variété de ces derniers, depuis la banalisation de l'accès aux moyens de télécommunication, est de plus en plus aisée.»

Et Demeur posait une question intéressante : «Il faut considérer qu'avec l'homme, l'apparition du langage a produit une entité comparable à une forme de vie : le mème. Mais à la différence d'une forme de vie biologique, un mème peut être stocké sur différents supports, transmis rapidement et dupliqué à peu de frais. Il est même possible d'appliquer la métaphore des mèmes aux hypothèses les plus extrêmes concernant l'évolution humaine. Ainsi, H. Moravec [Moravec, 1988] décrit des machines artificielles capables de traiter (bien qu'il n'utilise pas explicitement le terme) des mèmes produits par les humains, et capables ensuite d'en créer de nouveaux. Cet auteur utilise le terme de décollage génétique (genetic takeover) pour décrire ce processus qui ferait de la machine pensante un descendant de l'homme. Si l'on conserve l'approche de R. Dawkins, celle du mème égoïste, la machine pensante n'est-elle pas le moyen le plus adapté à la survie de certains mèmes , notamment ceux qui concernent les machines pensantes, qu'elles soient naturelles ou artificielles?»

Gabe Rivera, avec son memeorandum, aurait-il fait franchir un nouveau pas aux machines pensantes? Reconnaissons que le concept de machine pensante est ouvert à bien des contestations. En revanche, la description de l’outil de recherche, d’indexation et de recoupement MT/blogues s’inscrit de plain-pied dans la théorie mémétique, et que les mèmes sont partie intégrante de toute conversation. Sinon, pour les pragmatiques, memeorandum est un outil informationnel redoutable.
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13.9.05

Blogue du Forum jeunesse de l'île de Montréal

Forum jeunesseCommuniqué du Forum jeunesse de l'île de Montréal : «Le Forum jeunesse de l'île de Montréal (FJIM) demande aux candidats à la mairie de la Ville de Montréal de s'engager à participer, au cours de la campagne électorale, à un débat portant spécifiquement sur les enjeux touchant les jeunes. "Que nos politiciens agissent enfin pour contrer l'énorme déficit de participation électorale des jeunes, en leur offrant, par leur présence à un débat conçu par et pour eux, un espace de discussion pouvant les convaincre d'exercer leur devoir de citoyen", déclarait M. Vincent Ranger, président du FJIM, lors d'une conférence de presse tenue ce matin. Faut-il rappeler que le FJIM avait organisé, lors des élections de 2001, un débat des chefs ayant attiré plus de 500 jeunes à l'Université de Montréal. Dans le cadre de la campagne Saute dans l'arène!, le FJIM fera tout en son pouvoir pour influencer à la hausse le vote des jeunes : création d'un blogue sur les élections municipales, tournée des organismes et événements jeunesse, diffusion d'information sur les procédures du vote et les enjeux de l'élection, etc. Le Forum jeunesse de l'île de Montréal est un organisme de concertation qui touche plus de 500 groupes jeunesse établis sur l'ensemble du territoire.»
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Les blogues : réveil rural

Vie ruraleLu dans la plus récente édition du magazine Vie rurale, Le blogue comme outil de développement du monde rural québécois : «Le blogue est un outil facile d'apprentissage pour diffuser de l'information rapidement et favoriser les échanges entre l'auteur ou les auteurs du blogue et ses visiteurs. Ces deux qualités importantes laissent présager un bel avenir pour les blogues dans le monde rural québécois. À l'heure de l'information spectacle axée sur les faits divers, de la convergence dans les médias traditionnels, de la "montréalisation" de l'information et des hebdos régionaux de moins en moins nombreux, il apparaît essentiel et vital pour les régions de trouver des solutions de rechange afin d'obtenir une information de qualité. Le blogue est l'outil tout désigné pour devenir une de ces solutions.

[...]

Le blogue est un outil de communication prometteur pour les régions du Québec. Les défis qui attendent les régions dans les années futures obligeront celles-ci à développer des facilités de communication permettant de rejoindre le plus rapidement possible et sans filtre les citoyens. Il ne s'agira plus de pousser l'information mais de créer et partager l'information et le blogue est l'outil par excellence pour remplir ce rôle.»
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11.9.05

Un certain 11 septembre...

Un an après...

Septembre 2002, l’exposition World Press Photo est de passage à Montréal. Dans la grande salle de la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal, c’est l’«État du monde» en photographie qui s’étale. Dans un coin, quatre photos des tours du World Trade Center en flammes, et devant ces photos un couple qui passe de longues minutes à regarder en silence.

L’exposition de l’édition 2005 pourra être vue dans 75 villes de 40 pays, et notamment du 4 au 23 octobre à Toronto à la Allen Lambert Galleria (BCE Place) et à Montréal du 6 au 29 octobre au Parisian Laudry, une initiative du Groupe Contact Image.
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6.9.05

Blogues, Web et désastres

Paul Cauchon, chroniqueur médias au quotidien montréalais Le Devoir signe ce matin un article sous le titre Médias: Méga-désastre en direct. Il y est évidemment question de Katrina, du travail des médias, et aussi de la place centrale occupée par les blogues sur Internet. Il écrit, «Kaye Trammel, de Baton Rouge, est professeur de communications à la Louisiana State University. Elle tient un blogue depuis le début du drame. “Ces blogues n'appartiennent plus aux blogueurs, mais à la communauté, écrit-elle, comme un mécanisme centralisé de communication devant un désastre naturel.” Devant la rapidité des blogues à décrire la situation effrayante sur le terrain, Kaye Trammel se demande si les villes et les gouvernements ne devraient pas, justement, intégrer les blogues dans leurs propres plan d'urgence pour améliorer leur temps de réaction. Question intéressante à analyser.»

Samedi dernier, dans le Washington Post, Kaye Trammell expliquait : «Parce que les blogues sont si simples à créer, leur nombre ne fera que s’accroître, et plusieurs couvriront des situations de crise dans cette perspective personnelle. Maintenant que les blogueurs maîtrisent l’utilisation du médium, n’est-il pas temps que les responsables gouvernementaux fassent de même? Les blogueurs Rex Hammock et Josh Hallett soulignent que ce type de blogues d’urgence devrait constituer un véhicule pour l’information officielle. Comment les municipalités et les gouvernements peuvent-ils intégrer les blogues dans leurs plans d’intervention en cas d’urgence? Pourquoi ne pas parler aux blogueurs locaux et prévoir leur diffuser directement de l’information? S’il y a un risque que les blogues servent à répandre des rumeurs, les responsables ne devraient-ils pas faire taire ces rumeurs en communiquant des bulletins d’information aux blogueurs influents?»

Trammell, Hammock et Hallett expliquent comment ils ont pu continuer à alimenter leurs blogues malgré les pannes de courant (Blackberry, portables, accumulateurs de véhicules, etc.). De là à savoir si les autorités seraient prêtes à mobiliser les blogues en cas de désastre majeur, il y a un grand pas à franchir. D’une part, il convient de préciser que l’information diffusée sur les blogues et du Web ne s’adresserait pas principalement, dans un premier temps, aux sinistrés et aux réfugiés. Une fois la crise estompée, on pourrait consacrer des sites et des blogues à une foule de sujets comme le logement, l’emploi, etc.

Le blogueur Jeff Jarvis (Buzzmachine) vient de lancer un projet, Recovery 2.0, qui consiste à dresser un plan d’intervention structuré. «Soyons francs, le Web n’était pas préparé pour faire face au désastre engendré par Katrina. Si nous avions vraiment tiré des leçons du tsunami ou même du 11 septembre, nous aurions pu faire davantage pour être prêts à aider. Je souhaiterais que nous discutions ensemble pour rassembler ce qu’il y a de mieux sur le Web (logiciels, matériel, infrastructure, médias, finance) pour déterminer les besoins et élaborer des solutions. Le but est d’être prêt pour le prochain désastre pour faire en sorte que les gens utilisent Internet plus efficacement, par n’importe quel dispositif» écrit-il.

Jarvis voit sept utilisations principales : échanger de l’information; rapporter et intervenir dans les cas d’appels à l’aide; coordonner les secours; retrouver des disparus et les mettre en communication avec leurs proches; offrir des contacts pour le logement et l’emploi; mettre en relief les besoins auxquels peuvent répondre les organismes caritatifs; permettre aux sinistrés de se «rebrancher» sur le monde.

La section de son plan qui porte sur la connectivité pose des questions pertinentes. «Bien sûr, il est inutile de discourir sur ces applications s’il est impossible de se brancher. Comment peut-on rapprocher les gens dans le besoin de ces fonctionnalités et de l’information cités plus haut? Devrions-nous être plus nombreux à nous porter volontaires pour aller dans les centres d’hébergement avec nos ordis? Comment peut-on installer des wifi rapidement? Comment les volontaires peuvent-ils effectuer ces opérations pour les gens qui ne sont pas en ligne? Devrait-on disposer d’une vaste salle d’appel Skype où des bénévoles pourraient opérer les systèmes pour les gens?»

Le plan de Jarvis est ambitieux. «Notre but devrait être que lorsque la prochaine crise surviendra, nous serons prêts comme jamais auparavant. Et c’est plus qu’une question de technologie et de désastres. C’est une question de technologie et de société, de permettre aux gens de s’assumer et de se réaliser, et de voir comment nous de la collectivité Web pouvons y contribuer.»

De nombreux technophiles ont déjà répondu à l’appel de Jarvis et il sera important de suivre l’évolution du chantier Recovery 2.0. Mais ne serait-il pas intéressant de voir l’expérience reprise dans toutes les collectivités locales pour ensuite mailler tous ces groupes d’intervention en un grand réseau d’intervention d’urgence?
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5.9.05

Le choix des mots

Un vent de controverse souffle sur la blogosphère à la suite de la publication la semaine dernière de deux photos prises à la Nouvelle Orléans mardi dernier, 30 août. La première a été prise par Chris Graythen de Getty Images et diffusée par l’AFP. Deux photosElle montre un couple de race blanche marchant dans l’eau, et la légende qui accompagne la photo les décrit comme deux résidants se frayant un chemin dans l’eau à hauteur de poitrine après avoir «trouvé» du pain et des boissons gazeuses dans un marché d’alimentation après le passage de l’ouragan Katrina. La seconde, diffusée le même jour par l’Associated Press montre un jeune homme noir dans la même situation que le couple blanc, lui aussi tant bien que mal tentant de transporter des provisions, et la légende de la photo le décrit comme se frayant un chemin dans l’eau à hauteur de poitrine après avoir «pillé» un marché d’alimentation à la Nouvelle Orléans. Les deux photos sont présentées ici conformément aux dispositions relatives à l’utilisation équitable de la Loi sur le droit d'auteur du Canada.

L’AFP a demandé le retrait de sa photo du couple du site d’actualités de Yahoo! qui a publié un communiqué expliquant la nature de la requête de l’AFP et déclarant regretter que ces photos et leurs légendes respectives, vues simultanément, auraient pu suggérer un préjugé racial. La photo du jeune noir diffusée par l’AP est toujours sur le site de Yahoo!.

Photo Bill FeigLa controverse vient entre autres du blogue politique Daily Kos qui a immédiatement relevé l’incongruité des légendes associées à la sémiologie. Dans le chaos qui sévit à la Nouvelle Orléans, les blancs «trouvent» de la nourriture, alors que les noirs «pillent» des marchés d’alimentation. Une lectrice du blogue ajoute en commentaire une photo au débat, une image saisie par Bill Feig de l’AP où un homme de race blanche «regarde» dans son sac de provisions alors qu’un homme de race noire semble s’enfuir d’un marché. Le blogue Wonkette pour sa part exigeait des excuses de l’AP pour son choix de mots.

Le netmag Salon a communiqué avec les responsables de l’AP, précisant que d’autres images de l’agence contenaient des allusions au pillage dans leurs légendes, mais qu’aucune ne montrait explicitement l’acte de piller. L’AP déclare que les légendes des photos sont écrites après avoir parlé au photographe qui les a prises, et que s’il a vu une situation de pillage, cela explique l’utilisation du mot dans la légende.

Chris Graythen se justifie sur le blogue Pete Flow et décrit les circonstances entourant la photo du couple : des aliments flottaient à la surface de l’eau à proximité d’un marché qui avait été inondé. Puis, dans un courriel au New York Times (relayé par le Hendersonville News, il a dit estimer qu’on ne pouvait qualifier de vol ou de pillage l’action de prendre des choses essentielles à la vie comme de l’eau et de la nourriture. «L’heure n’est pas à juger ceux et celles qui tentent de rester en vie. L’heure n’est pas aux discussions sémantiques sur ce qu’est “trouver” et ce qu’est “voler”. L’heure n’est pas à discuter si c’est une question de noirs et de blancs” écrit-il.

Tricia Wang est une de celles qui a joint sa voix au débat en publiant sur Flickr la juxtaposition des deux photos : «J’ai publié cette photo non pas pour crier au racisme, mais bien parce que je crois que c’est une occasion d’examiner pourquoi on a choisi certains mots et pour voir si la couleur de la peau avait joué un rôle dans ce choix.[...] Il est intéressant de voir dans la juxtaposition des images comment le choix des mots peut grandement influencer la signification d’une image.»

Un autre son cloche dans le débat vient d’un article du quotidien Times-Picayune de la Nouvelle Orléans (qui publie maintenant sur le Web) impliquant certains membres des forces de l’ordre dans le pillage. «Les efforts pour contenir la situation d’urgence provoquée par Katrina ont sombré dans le chaos mardi alors que certains policiers et pompiers se sont joints aux pillards pour vider des magasins. Certains agents ont pris tout ce qu’ils pouvaient, y compris un policier de la Nouvelle Orléans qui a mis un ordinateur portable et un téléviseur à écran plat de 27 pouces dans un panier à provisions.» On ne trouve aucune photo de ces scènes dans les bases de données d’images.
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2.9.05

Blog Finder, de Technorati

TechnoratiLe moteur de recherche dans les blogues Technorati expérimente en version beta un répertoire thématique de blogues «faisant autorité» dans leurs domaines, Blog Finder. En tout, une quarantaine de catégories de Advertising à Weird, et c’est un peu ce qui est dommage, soit que ce répertoire ne recense que des blogues anglophones. Néanmoins, ce classement «à la Yahoo!» permet de faire de bonnes découvertes dans des domaines comme le journalisme (149 blogues), les médias (957), la politique (3 667), la photographie (925). Une fois entré dans une de ces catégories, la recherche peut se poursuivre en fonction des mises à jour les plus récentes, ou par classement alphabétique. Aucune explication n'est cependant donnée sur les critères retenus pour affirmer que tel ou tel blogue «fait autorité» dans son domaine.
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