30.10.04

Bush était-il «branché»? (suite)

Revenons sur la question à savoir si George Bush portait lors des débats contre John Kerry un dispositif radio qui permettait de lui souffler «à distance» des arguments, des données ou des faits pour mieux répondre à son adversaire? (voir l’entrée du 11 octobre dernier).

Le site IsBushWired a continué de suivre la controverse entourant cette saillie de forme rectangulaire sous le complet autrement impeccablement taillé du président. Pour la première fois depuis le début de la controverse, soit le 30 septembre, un grand média étasunien (la chaîne ABC) a le 26 octobre demandé directement au président de quoi il en retournait. «Un faux pli dans ma chemise» a-t-il répondu en riant.

Plus récent élément dans l’affaire, le netmag Salon a publié le 29 octobre l’avis d’un spécialiste en analyse d’images de la NASA, le Dr. Robert M. Nelson. Ce dernier est sans équivoque, Bush portait un dispositif quelconque, il est impossible que cette saillie rectangulaire soit attribuable à un faux pli ou à un défaut de confection.

Mais quel était ce dispositif? De nombreuses théories ont vu le jour au cours des dernières semaines.

La plus crédible voudrait que Bush soit «branché» en permanence sur un centre de communications pour des raisons de sécurité. L’argument serait acceptable pour plusieurs. Mais si c’est le cas, pourquoi nier le fait si ce n’est qu’il contrevait au protocole d’entente de 32 pages (notamment l’article 5, paragraphe c), signé par les représentants des deux candidats et déterminant la conduite des débats (voir le protocole, format PDF).

L’autre question a trait à la timidité des grands médias à aborder la question, et du clan Kerry à demander des explications.

La première est attibuable à la «blogophobie» dont font preuve les médias qui, dès le début, on traité l’affaire comme une de ces «rumeurs qui circulent sur Internet». Peu importe le nombre de spécialistes de haut niveau qui se sont prononcés sur la possibilité, même légitime, que Bush ait porté un dispositif de communication quelconque, rien n’y a fait, la blogophobie l’a emporté.

On s’explique moins la seconde hésitation, celle du clan Kerry. Dans une campagne où on a utilisé les anciens emplois de la première dame comme argument, où l’électorat des chasseurs a été courtisé au prix de quelques oies sauvages, et on en passe, l’affaire du dispositif d’écoute n’aurait-il pas eu meilleure résonnance?
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23.10.04

L’isolement politique croissant de Gérard Latortue

Après les critiques adressées au gouvernement de Gérard Latortue par Marc Bazin du MIDH (voir l’entrée précédente), c’est au tour du porte-parole de la Convergence démocratique (anti-Aristide), Micha Gaillard, de vivement critiquer le gouvernement intérimaire pour avoir procédé à des remaniements au sein du cabinet ministériel sans consultation préalable. Il a déclaré à l’Agence haïtienne de presse (AHP) «qu'il est urgent pour la crédibilité du gouvernement d'y intégrer des représentants de secteurs ayant participé à la lutte contre le président Jean-Bertrand Aristide, dans le but de donner naissance à un leadership politique pouvant faciliter la réussite de la transition.»

Par ailleurs, toujours selon l’AHP, des habitants du quartier populaire Bel-Air affirment avoir eu une récente rencontre avec des émissaires du président intérimaire, Boniface Alexandre. On sait que ce quartier est souvent ciblé par les forces gouvernementales dans leur chasse aux présumés auteurs des récentes violences que l’on associe au mouvement Lavalas (pro-Aristide). Citons : «Dans des déclarations faites à plusieurs médias de Port-au-Prince, ces habitants ont indiqué que les émissaires de Boniface Alexandre leur auraient fait savoir que le président provisoire ne saurait absolument rien des poursuites lancées contre les partisans de Fanmi Lavalas. Ils en auraient imputé toute la responsabilité au premier ministre Gérard Latortue et au ministre de la justice, Bernard Gousse.»

La présidence reconnaît donc qu’il y a des actions menées contre les militants pro-Aristide, et en rejette la responsabilité sur la primature de Gérard Latortue et son ministre de la Justice.

Il convient aussi de noter l’éditorial de l’influent Miami Herald du 19 octobre qui réclame le retour des Marines en Haïti. «Il est douloureux d’entendre M. Latortue raconter comment il a plaidé auprès des autorités étasuniennes pour qu’elles laissent en place un petit contingent de Marines, et de les voir quand même quitter. Ce contingent faisait partie de l’effectif plus important dépêché en Haïti pour stabiliser la situation après le départ du président Jean-Bertrand Aristide le 29 février. Il est maintenant clair, comme il aurait dû l’être à ce moment, que le retrait des forces U.S. était prématuré, surtout si on tient compte du rôle joué par les États-Unis dans le départ prématuré de M. Aristide. Il est temps d’envoyer de nouveau des troupes U.S.»

Critique inattendue du MIDH, sévères reproches de la Convergence démocratique, désaveu de la présidence, éditorial avec le poids qu’on lui sait dans un grand quotidien de Floride, tout porte à constater l’isolement politique croissant de Gérard Latortue et à se demander combien de temps il demeurera en poste.
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22.10.04

L’inattendue prise de position de Marc L. Bazin

On apprenait le 21 octobre de l’AHP que Marc-Louis Bazin, chef du Mouvement pour l'Instauration de la Démocratie en Haïti (MIDH), avait adressé de sévères critiques au premier ministre intérimaire Gérard Latortue.

En 1982, Bazin (recommandé par le FMI) a brièvement occupé le poste de ministre des Finances sous Jean-Claude Duvalier avant de quitter le pays pour retourner à ses activités à la Banque mondiale. Après la chute de Duvalier en 1986, il rentre au pays et fonde le MIDH.

À l’élection présidentielle de 1990, il est le principal opposant de Jean-Bertrand Aristide et bénéficie de l’appui inconditionnel des États-Unis. Le 15 décembre 1990, la veille du scrutin, l’ex-président des États-Unis Jimmy Carter (qui dirigeait une mission de surveillance de l’élection) et l’ex-représentant des États-Unis aux Nations Unies Andrew Young rencontrent Aristide. Ils sont porteurs d’une lettre qu’ils lui demandent de signer et dans laquelle il reconnaît Marc Bazin comme président élu. Ceci se passe la veille de l’élection, alors que personne n’a encore voté. Le lendemain, les électeurs choisissent Aristide dans une proportion de 67 %, Bazin ne récolte que 14 % des voix exprimées.

Par la suite, Young a tenté d’expliquer le geste disant qu’il s’agissait d’une garantie que les États-Unis voulaient avoir car ils craignaient que si Bazin remportait l’élection, Aristide ne reconnaîtrait pas le résultat. (Voir Occupying & Obscuring Haiti de Mark Dow dans New Politics, vol. 5, no. 2, hiver 1995).

En septembre 1991, Aristide est renversé par une junte militaire qui dirigera le pays jusqu’en 1994. De juin 1992 à juin 1993, Bazin, désigné par la junte, occupe le poste de premier ministre et a pour mandat de former un «gouvernement de consensus». Certains observateurs ont prétendu que cette nomination visait à apaiser le Département d’État à Washington. Rappelons que c’est à cette époque que sévit le FRAPH (Front pour l’avancement et le progrès d’Haïti), organisme para-militaire financé par la CIA. Le bilan est lourd : 4 000 morts, 300 000 «réfugiés internes» et 60 000 «boat-people».

Or, c’est ce même Marc Bazin qui, le 21 octobre 2004, déclare sur les ondes d’une radio locale que Gérard Latortue a cru que le pouvoir qu'il détient lui a été donné par le groupe d’opposition dit des «184» pour appliquer leur politique consistant dit-il à faire la chasse aux partisans de Jean-Bertrand Aristide.

Pour citer l’AHP, «Le responsable du MIDH a précisé qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que M. Latortue ait des préférences pour le leader des 184 André Apaid, mais il se devait de tenir balance égale entre les deux groupes, au lieu de se faire l'instrument de l'un au détriment de l'autre. [...] Le leader du MIDH a critiqué ceux qui avaient laissé entendre que la présence d'Aristide constituait un blocage au développement du pays. [...] Marc Bazin rappelé par ailleurs aux tenants du pouvoir actuel que le peuple haïtien n'a jamais donné mandat à un quelconque secteur pour faire partir le président Aristide. "Si la population avait estimé que M. Aristide ne répondait plus à ses aspirations, elle aurait pu l'exprimer à travers des élections", a fait savoir Marc Bazin, estimant que la population a des comptes à régler avec les secteurs qui ont pris sur eux la responsabilité de renverser le président Aristide.»

Comme on le sait, le gouvernement Latortue essuie de sévères critiques pour le manque de sécurité en Haïti. Par ailleurs, on apprenait que Gérard Latortue avait apporté quelques changements à son cabinet, que l'ancien général Hérard Abraham conservait son poste de ministre de l'Intérieur et des Collectivités territoriales, mais que la sécurité nationale ne relèvait plus de sa compétence mais bien de celle de David Paul Bazile, lui aussi ancien militaire, nommé secrétaire d’État à la Sécurité publique.

Mais la question est la suivante : si la situation continue de dégénérer, et que Latortue doive jeter l’éponge, se pourrait-il que Marc Bazin cherche à le remplacer en se présentant comme un candidat de «consensus»?
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21.10.04

Les visages de la répression en Haïti

Arrestation de trois anciens parlementaires du parti Fanmi Lavalas (pro-Aristide) qui venaient de participer à une revue de l’actualité de la semaine sur les ondes d’une radio locale. Selon Haïti-Progrès, «C’est sur ordre du gouvernement de facto que les agents de la PNH fortement armés et portant des cagoules ont encerclé pendant environ six heures de temps la station, avant d’y pénétrer par effraction en présence du juge Gabriel Ambroise pour arrêter les trois ex-sénateurs.»

Six cent morts en deux semaines selon le journaliste Kevin Pina qui est sur place (transcription d’une entrevue du 15 octobre). La plupart des victimes étaient des partisans du président en exil Jean-Bertrand Aristide.

Arrestation du père Gérard Jean-Juste, religieux oeuvrant dans les quartiers défavorisés, et détention illégale depuis une semaine pour «trouble à l’ordre public», un délit entraînant une amende maximum de 0,40 $ US (source, Bill Quigley, professeur de droit à l’université Loyola de Nouvelle-Orléans).

Concernant le rôle des forces dites de «stabilisation» des Nations Unies, la MINUSTAH, Brian Concannon, avocat étasunien et membre du Bureau des Avocats Internationaux (BAI) qui s’intéresse à Haïti depuis 1996 commente : «L’implication de la force des Nations Unies ne se limite pas à tolérer que ces choses arrivent, elles les appuie directement. Elle fournit un soutien à ces gens [civils en cagoules qui se disent de la police nationale] lorsqu’ils investissent les quartiers pauvres, c'est elle qui a dressé un périmètre de sécurité autour de la station de radio pour les arrestations. C’est beaucoup plus qu’un laisser-faire. Elle joue un rôle actif.»

De l’Associated Press : «Les États-Unis ont décidé de lever un embargo sur les armes imposé à Haïti depuis treize ans, selon des responsables haïtiens. [...] Les autorités américaines n’ont pas immédiatement confirmé la levée de l’embargo sur les ventes d’armes à Haïti mais le département d’État américain a affirmé qu’il considérerait au cas par cas les commandes d’armes passées par le gouvernement haïtien.»

De l’Agence haïtienne de presse : «Le Conseil des sages a fait mercredi des recommandations au gouvernement intérimaire en vue de mettre un terme au climat de violence qui secoue la capitale haïtienne depuis plus de deux semaines. [...] “Les autorités intérimaires devraient mettre sur pied un service de renseignement qui leur permettraient de frapper les auteurs intellectuels des violences”, a fait savoir M. Rouseau qui déclare rejeter l'opinion selon laquelle la pauvreté est source de violence.»

De Daniel Lak de la BBC : «Dans un immeuble de quatre étages à proximité du marché de Pétionville, j’ai trouvé ce qui semble être une petite armée, une centaine d’hommes en tenues de combat toutes neuves, plusieurs armés de fusils d’assaut. Leur commandant, Rammissanthe Ravix, un ex-officier des forces armés haïtiennes (Ndlr. Chef des “démobilisés”), propose de “nettoyer” Port-au-Prince si la police et les forces de l’ONU s’en montrent incapables. “Nous avons beaucoup d’armes, elles sont cachées, et nous avons deux plans très efficaces” m’a-t-il dit. “Nous mettrons fin à la violence en supprimant les hommes de violence.»

On se résume : le gouvernement intérimaire est engagé dans une vague de répression tous azimuts, appuyée par la force de «stabilisation» des Nations Unies, les États-Unis (qui ont appuyé le renversement d’un chef d’État dûment élu) songent à lever l’embargo des livraisons d’armes vers Haïti, le «Conseil des sages» propose ni plus ni moins de reconstituer les tonton macoutes pour espionner les intellectuels, et les militaires «démobilisés» qui réclament le retour d’une force armée nationale, tout en opérant au vu et au su de tous, promettent de «nettoyer» la capitale.

Pendant ce temps le Canada envisage pour décembre une réunion des forces de la diaspora, Marthe Lapierre de l’organisme Développement et Paix profite de la tribune complaisante de la radio publique pour accuser les partisans de Jean-Bertrand Aristide de fomenter les violences récentes, et il est question qu’Amnesty International, que l’on a vu plus empressée dans d’autres cas, dépêche en Haïti une mission d’enquête la semaine prochaine.
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17.10.04

Présumées décapitations en Haïti

On peut fixer au 30 septembre dernier, anniversaire du coup d’État de 1991 qui avait renversé une première fois le président élu Jean-Bertrand Aristide, le début de la récente vague de violence en Haïti. C’est aussi le début des rumeurs concernant les décapitations de policiers présumément perpétrées par des partisans d’Aristide et dont la presse fait depuis grand état.

Le 6 octobre, la journaliste Amy Bracken de l’Associated Press écrit : «Des membres de la force de maintien de la paix des Nations Unies et de la police haïtienne ont investi un bidonville de la capitale pour tenter de mettre fin à une campagne d’éléments loyaux au président déchu Jean-Bertrand Aristide qui ont procédé à un certain nombre de décapitations à l’instar des insurgés irakiens. [...] Trois policiers haïtiens ont été décapités la semaine dernière quand des partisans d’Aristide ont lancé l’opération appelée “Opération Bagdad”.»

Le 9 octobre, Mary O’Grady du Wall Street Journal écrit : «Cette brutalité opportuniste inclut la décapitation de trois policiers haïtiens. Les journalistes haïtiens nomment cette attaque “Opération Bagdad”.»

Des sources locales offrent une analyse pertinente des rumeurs de décapitation que nous nous permettons de reprendre ici.

«La manifestation du 30 septembre organisée par des militants pro-Aristide marque le point tournant des récentes violences politiques. Lorsque la Police nationale haïtienne (PNH) a fait feu sur des manifestants pacifiques sans armes, plusieurs rumeurs ont commencé à circuler sur les ondes des stations de radio de droite. [Ndlr. On parle ici entre autres de Radio Vision 2000, propriété de la famille Boulos proche du mouvement des “184". Voir l’article de Kevin Pina sur les médias haïtiens.] Des sources “dignes de foi” affirment que des “hommes armés masqués ont désarmé des policiers haïtiens, ont fait feu sur eux, et se sont emparés de leur véhicule qu’ils ont conduit jusqu’au quartier Bel-Air où ils l’ont incendié”. Toujours le 30 septembre, le ministre de la Justice Bernard Gousse déclare que “des manifestants ont fait feu et tué trois policiers et on croit qu’ils en ont enlevé un quatrième.” Aucune mention de “décapitation”.

On pourrait présumer que si Bernard Gousse, un fervent anti-lavalassien, n’était pas en possession des corps des policiers, ou même que s’ils avaient été décapités, il aurait fourni ces détails le 30 septembre. Le 1er octobre au matin, des nouvelles non confirmées font état de la découverte des corps décapités de trois policiers dans un autre quartier, La Saline. Très rapidement, on apprend que trois policiers ont été tués dans un échange de tirs avec des “bandits” (lire ici “trafiquants de drogue”) le matin du 30 septembre, avant même que ne se mette en branle la manifestation à l’autre bout de la ville.

C’est alors que la journaliste de l’Associated Press (AP) Amy Bracken lance la rumeur incroyable des policiers décapités qui sert à construire le mythe de l’Opération Bagdad. Utilisant des sources au parti-pris affiché, les journalistes de l’AP fournissent au gouvernement d’occupation toutes les justifications voulues pour assiéger les quartiers pauvres qui constituent des enclaves du mouvement pro-Aristide (Lavalas).»

L’élément clé dans la déconstruction du mythe de l’Opération Bagdad vient du Haiti Information Project d’après qui : «les autorités gouvernementales n’ont pas publié le nom des policiers décapités. Le gouvernement a systématiquement refusé les demandes de journalistes indépendants et de groupes de droits de la personne d’examiner les corps.»

Aucune vérification indépendante n’a donc été faite sur les allégations de décapitation.

Ce qui équivaut à une campagne de désinformation bien montée (recours au mot «terroriste» et déclinaison de «Bagdad» dans le discours) qui sert les intérêts du gouvernement intérimaire et de ceux qui, à Washington, Paris et Ottawa le soutiennent.

Par exemple, dans le dossier de la levée de l’embargo sur la fourniture d’armes à Haïti, l’AFP rapportait le 15 octobre : «Depuis le 30 septembre, des partisans armés du président déchu Jean Bertrand Aristide ont multiplié les actes de violence à Port-au-Prince dans le cadre d'une opération baptisée “Opération Bagdad”, faisant une trentaine de morts en 15 jours. [...] La levée de l'embargo sur les armes avait été également demandée ces derniers jours par le patronat haïtien qui a réclamé la “livraison immédiate” à l'État d'équipements, d'armes et de munitions, afin que “la force du droit puisse primer sur le diktat des terroristes”.»

D’autre part, la campagne sert à maintenir la pression sur Jean-Bertrand Aristide et à le rendre responsable des violences qui ont cours en Haïti. Le 14 octobre, Aristide déclarait au quotidien Le Monde : «"les responsables du coup d'Etat du 29 février sont la France et les Etats-Unis". "Ce qui se passe actuellement chez nous, le massacre d'innocents à longueur de journée, la répression aveugle, la violence, le sang, tout cela ne fait que confirmer mes premières déclarations", affirme-t-il, allant jusqu'à parler d'un "génocide". Sa conviction est inébranlable : depuis 200 ans, depuis l'indépendance, la France s'acharne à déstabiliser Haïti. Les anciens colons "ont organisé 53 coups d'Etat". Le but : "Empêcher qu'un pays de nègres soit une référence de liberté." Pour lui, il s'agit de "pur racisme". Les États-Unis et la France se sont alliés, et des millions de dollars ont été dépensés pour armer "des bandits, des vendeurs de drogue qui, aujourd'hui encore, sèment la terreur dans les rues de Port-au-Prince", assure-t-il.»

Réponse du porte-parole du Quai d'Orsay à une question du point de presse. Avez-vous une réaction aux propos tenus par l'ancien président Aristide parus hier dans un grand journal du soir? «Nous notons que l'ancien président semble, par ses propos, encourager le climat de violence qui règne actuellement à Haïti.»
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Des policiers anti-émeutes chinois partent pour Haïti

Selon l’agence Reuters, des policiers anti-émeutes chinois partent pour Haïti. «Quatre-vingt-quinze policiers anti-émeutes chinois dont 13 femmes ont quitté Pékin pour Haïti, où ils formeront le premier contingent militaire chinois jamais déployé en Occident. [...] Les policiers ont suivi une formation de trois mois à l'issue de laquelle ils ont passé des examens sous la supervision des Nations unies. Spécialement formés à la gestion des émeutes et des foules, ces policiers travailleront normalement en collaboration avec la force de paix multinationale sur l'île.»

Connaissant les hauts faits d’armes de la police chinoise en matière de gestion des émeutes et des foules, ça promet.
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16.10.04

À propos d’une devise

Port-au-Prince, 15 octobre 2004 (AHP) Le dirigeant du Comité des Avocats pour le Respect des Libertés Individuelles (CARLI), Renan Hédouville, s'est déclaré vendredi préoccupé par les déclarations du ministre de la Justice Bernard Gousse, selon lesquelles la police avait un nouveau slogan. Dans une déclaration jeudi le ministre Gousse avait indiqué que la PNH pouvait adopter désormais le slogan suivant «Nou pa pè, nou pap janm pè» (Ndlr. Nous n'avons pas peur, nous n'aurons jamais peur), comme le sien propre. Ce slogan avait été utilisé par l'ancienne opposition actuellement au pouvoir lors de leurs manifestations anti-Aristide. Selon Renan Hédouville, Bernard Gousse devrait rectifier ses propos, s'il s'agit d'un écart de langage.
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15.10.04

Pax Christi en Haïti

Une délégation de l’organisme Pax Christi (mouvement catholique international pour la paix) s’est rendue en Haïti du 27 au 30 septembre 2004 pour enquêter sur la situation des droits de la personne. Quelques extraits d’un rapport accablant.

«L’état des droits de la personne en Haïti est pire qu’il ne l’a été depuis des années. Nous convenons avec le peuple haïtien que l’exil forcé du président Aristide par les États-Unis était dans les faits un coup d’État contre un gouvernement dûment élu, et son remplacement par un gouvernement illégalement désigné par une minorité, disposant des pouvoirs économiques et militaires, et appuyé par les États-Unis, la France et le Canada.»

«La délégation a visité le Pénitencier national à Port-au-Prince. On y trouve 868 détenus, dont 847 sont en attente de procès, seulement 21 détenus ont été condamnés. Les autorités pénitentiaires déclarent que la majorité des détenus n’ont pas comparu devant un magistrat, et ne savent pas quand ils pourront comparaître.»

«La ministre Privert [Ndlr. Jocelerne Privert, ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Aristide] est emprisonnée depuis six mois sans avoir comparu devant un magistrat, alors que la loi prévoit la comparution d’un prévenu dans les 48 heures. [...] Le premier ministre Yvon Neptune, arrêté après avoir accordé une entrevue critique des autorités [...] est emprisonné depuis juin 2004. [...] Un député, Jacques Mathlier, a été arrêté pour incendie criminel mais disculpé par un magistrat le 12 juillet. Plutôt que de le libérer, le ministère de la Justice a alors ordonné son transfert au Pénitencier national où il est détenu depuis.»

«La délégation a également visité un poste de police local à Port-au-Prince où 36 hommes sont détenus dans une salle de 12 pieds par 12 pieds. Aucun d’entre eux n’est formellement accusé de quoi que ce soit, aucun n’est comparu devant un juge, un d’entre eux y est incarcéré depuis le 4 septembre. Ces personnes n’ont droit à aucun soins médicaux ni à aucune nourriture. S’ils ont accès à des vivres, ce sont leurs familles qui les apportent, et ces denrées sont ensuite partagées avec ceux qui n’ont pas de familles. Parmi les détenus on trouve des personnes souffrant de troubles mentaux et d’épilepsie. Des enfants sont incarcérés avec les adultes, dont garçon de 13 ans et deux jeunes de 15 ans.»

«Les dirigeants d’un gouvernement démocratiquement élu et ses partisans sont emprisonnés ou ont été transformés en réfugiés dans leur propre pays, alors que les militaires et des bandes armées associées au pouvoir agissent à leur guise. Il est clair que l’on assiste à un retour en force des militaires qui, historiquement, se sont opposés à une société civile indépendante et ont constitué une force d’oppression des classes démunies.»

«La constitution haïtienne et le droit international sont violés ouvertement. Il importe de restaurer un État de droit.»
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Le Canada demande à ses ressortissants d’éviter Ha&

«“La situation de sécurité en Haïti continue de se détériorer et la violence risque de s’intensifier au cours des prochains jours, particulièrement le 15 octobre (anniversaire du retour d’Aristide en Haïti, en 1994, ndlr) et le 17 octobre (anniversaire de la mort du héros de l’indépendance Jean-Jacques Dessalines, en 1806)”, souligne le ministère.»

Washington autorise le départ de ses diplomates non-essentiels de Haïti
«Les États-Unis ont annoncé jeudi qu’ils autorisaient leurs diplomates dont la présence n’est pas jugée indispensable à quitter Haïti en raison de la vague de violence dans ce pays. Le département d’État a indiqué dans un communiqué qu’il “autorisait le départ du personnel de l’ambassade non affecté à des missions urgentes”, ainsi que les familles des diplomates en poste à Port-au-Prince. Tous les ressortissants américains sont également invités à “éviter de voyager en Haïti en ce moment en raison de conditions de sécurité instables”, selon ce communiqué.

Secours d'urgence: Une nouvelle crise, politique et militaire celle-là, vient compliquer la situation en Haïti
«Après les ouragans qui ont sévi au nord de l’île, le pays est maintenant entraîné dans des violences politiques au sud. En conséquence, le Département d’État Américain a supprimé les vols vers Haïti. Or, si l’aide extérieure s’arrête, cela posera un gros problème pour les Gonaïves touchées par les ouragans. Comme le souligne Eva DeHart, de For Haiti With Love: “Je ne sais pas comment tout ça va tourner, car la plupart des troubles se situent à Port-au-Prince et on ne peut atteindre les Gonaïves que par le sud. Toutes les routes du nord ont été emportées par les flots.”»
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Haïti : chronique d’un coup annoncé

Disparue depuis quelques jours de l’écran radar des médias après la catastrophe de Gonaïves, Haïti risque de nouveau de se retrouver au premier plan de l’actualité.

Mercredi, l’arrestation du père Gérard Jean-Juste et de deux autres religieux soupçonnés de participation aux actes de violence récents a fait monter la tension d’un cran. Selon l’Agence Haïtienne de Presse (AHP), «Le ministre intérimaire de la justice Bernard Gousse, a fait savoir jeudi qu'il disposait d'informations selon lesquelles le père Gérard Jean Juste serait impliqué dans les violences enregistrées ces derniers jours dans la capitale haïtienne. Il accuse également le curé de la paroisse Sainte Claire d'avoir financé, et hébergé des terroristes.» Ce sont des policiers en uniformes et des civils en cagoules qui ont procédé à l’arrestation.

Notons au passage l’emploi récent dans le discours gouvernemental du mot «terroriste». Le patronat emboîte le pas en appelant la nation à protester vendredi contre le «terrorisme» du secteur Lavalas (le parti du président en exil Jean-Bertrand Aristide) en s’abstenant de toute activité durant la journée à Port-au-Prince. Traducteurs traduisez.

Toujours selon l’AHP, «Plusieurs cadres et parlementaires de Fanmi lavalas dont le sénateur Yvon Feuillé et l'ancien député Rudy Hériveaux ont été arrêtés pour les mêmes motifs que le père Jean-Juste. L'ancien premier ministre Yvon Neptune, l'ancien ministre de l'Intérieur Jocelerme Privert, la militante politique Annette Auguste ainsi que divers autres cadres et membres de Fanmi lavalas sont gardés en prison depuis plusieurs mois pour des motifs imprécis.»

Le 7 octobre dernier, le chef du gouvernement intérimaire, Gérard Latortue, avait indiqué que certaines fois c'est par la contrebande que son gouvernement arrivait à acheter des armes, en raison, disait-il, de l'embargo sur la vente des armes à Haïti. Ce jeudi 14 octobre, il annonce que que l'embargo sur la vente d'armes à Haïti a été levé et que le régime intérimaire a déjà placé des commandes pour l'achat d'armes et d'autres équipements pour la Police nationale d’Haïti. La levée de l’embargo sur les armes avait été également demandée ces derniers jours par le patronat haïtien qui a réclamé la «livraison immédiate» à l’État d’équipements, d’armes et de munitions, afin que «la force du droit puisse primer sur le diktat des terroristes».

Trois facteurs viennent compliquer l’équation haïtienne : le faible effectif de la mission de stabilisation des Nations Unies, le rôle des militaires «démobilisés», le retour en douce d’anciens dirigeants militaires.

Le 29 février, le président élu Jean-Bertrand Aristide quitte le pays dans les circonstances que l’on connaît. Des contingents de Marines des États-Unis et des militaires français, déjà en Haïti pour assurer la sécurité des ressortissants étrangers, tentent initialement de maintenir la paix dans le pays. Ils sont vite rejoints par des militaires canadiens et chiliens sous l’égide des Nations Unies (résolution 1529 du Conseil de sécurité). Cette première force multinationale n’a un mandat que de trois mois.

Le 30 avril 2004, le Conseil de sécurité adopte la résolution 1542 qui vise à établir la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) et demande que la passation des pouvoirs de la Force multinationale intérimaire à la MINUSTAH se fasse le 1er juin 2004. L’effectif maximum autorisé est de 6 700 militaires et jusqu’à 1 622 policiers.

Or, au 31 août, l’efectif déployé est de 2 989 personnel en uniforme, y compris 2 765 soldats, et 224 agents de police civile. En outre, l’autorisation de déploiement actuelle vient à échéance le 30 novembre 2004.

Les Forces armées d’Haïti (FAdH) ont été officiellement abolies en 1995 par le président Aristide. Les «démobilisés», lourdement armés on ne sait par qui (???), réclament depuis septembre la reconstitution de l’armée et s’emparent de casernes de police dans les régions. Ils constituent un groupe avec qui il faut composer. Manoeuvre annoncée depuis plusieurs jours par leur chefs, l’AFP confirme ce vendredi que «Des anciens soldats fortement armés basés à Port-au-Prince ont affirmé jeudi que des renforts arrivaient de tout le pays pour mettre fin à deux semaines de fusillades et de décapitations qui ont fait au moins 48 morts.»

Selon le Washington Post, l’effectif des «démobilisés» et des gangs de rue dépasserait celui de la Police nationale qui est de 2 500 hommes. D’autre part, l’«Armée cannibale» qui a mené l’insurrection contre Aristide, et qui était composée de nombreux anciens militaires, n’a jamais été désarmée. Wintner Étienne, un des leaders de l’insurrection armée du printemps dernier, a même été «récompensé» : on lui a attribué le poste de directeur de l’autorité portuaire des Gonaïves.

Selon Jessica Leight du Council on Hemispheric Affairs, on assiste à une «remilitarisation» en règle d’Haïti. Dans un document de recherche publié le 24 septembre dernier, elle aborde la question des «démobilisés» et explique aussi : «Au Ministère de l’Intérieur, le ministre et ex-général Hérard Abraham continue d’ajouter à son cabinet ministériel d’anciens complices. Parmi eux, l’ex-colonel Williams Regala, un des sinistres adjoints de l’ex-dictateur Henri Namphy et un des acteurs principaux du massacre des électeurs lors de l’élection avortée du 29 novembre 1987. Regala a donc rejoint un ancien collègue, le colonel Henri-Robert Marc-Charles, membre de la junte militaire dirigée par Raoul Cédras qui a renversé le président élu Jean-Bertrand Aristide en 1991.»

Et sur cette toile de fond, le preminier ministre intérimaire Gérard Latortue se dit confiant que «son gouvernement provisoire remettrait, au plus tard le 7 février 2006, le pouvoir au gouvernement issu des élections générales prévues en 2005» et que ce calendrier serait respecté.
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11.10.04

Blog Story

Blog StoryRassurez-vous, ce n’est pas une nouvelle émission de téléréalité, mais bien le très récent ouvrage de Emily Turrettini et Cyril Fievet de pointblog.com. Laissons la parole à Cyril : «Emily et moi avons le plaisir d'annoncer la sortie officielle de “Blog Story”, le premier livre en français consacré au phénomène des blogs. Le livre est en vente sur Internet, et sera progressivement disponible, dans les jours qui viennent, en librairies (France et pays francophones). Il ne s’agit pas d’un ouvrage expliquant comment créer son blog (un mini-guide pratique fournit juste quelques adresses et conseils), mais qui vise davantage à expliquer pourquoi les blogs représentent un phénomène majeur, tant d’un point de vue social que politique ou technique.»

Chez le libraire français Eyrolles, des extraits du livre (format PDF) : Table des matières, Avant-propos : qui n'a pas son blog? Chapitre 4 - 4e raison : tout est "bloguable", et Postfaces de Howard Rheingold et Dan Gillmor.
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Bush était-il «branché»?

Lors du débat Bush/Kerry du 30 septembre à Miami, Dubya portait-il oui ou non un dispositif radio qui permettait de lui souffler «à distance» des arguments, des données ou des faits pour répondre à son adversaire? C’est le débat qui a cours ces derniers jours, phénomène qui a pris naissance sur Internet.

Bush de dosLe 3 octobre, un site apparaît sur le Web, IsBushWired.com (librement traduit, «Bush est-il branché?». On y présente des saisies d’images du débat télévisé où on voit Bush de dos. Ce qui intrigue est une saillie de forme rectangulaire sous le complet autrement impeccablement taillé du président. Les auteurs du site (anonymes) affirment que Bush était relié par dispositif radio à des conseillers, et offrent des témoignages qui soutiennent leurs affirmations, tant sur le plan des possibilités techniques que de l’inhabituel rythme d’élocution parfois hachuré du président. La théorie du branchement se propage alors à la vitesse d’Internet et prend de l’ampleur. Le netmag Salon reprend l’information le 8 octobre, puis suivent les grands médias.

Le 9 octobre, dans le New York Times cite Nicolle Devenish, une porte-parole de la campagne Bush, qui répond aux accusations : il s’agissait probablement d’une froissure dans le tissu du complet. Elle ne peut expliquer pourquoi ce faux pli est de forme rectangulaire qui ne saurait être attribué à un gilet antiballe car le président n’en portait pas ce soir-là.

La BBC interroge même le tailleur de Dubya, Georges de Paris, qui déclare qu’il s’agit d’un faux pli accentué par la position penchée du président. Pourtant, dans le journal The New Yorker du 27 septembre (repris sur un autre site), de Paris explique avec force détails la minutie apportée à la confection des complets du président. Pourrait-on laisser passer un faux pli, rectangulaire de surcroît, de la taille d’un baladeur?

Bush de dos - 2Sur un forum de discussion de Démocrates, on compare les images du premier débat avec celles du deuxième, et on constate que la forme rectangulaire s’est «arrondie». On évoque la possibilité d’un dispositif médical. On cite le dispositif «RC-216 Receive-A-Cue» (voir description sur le site Cryptome) qu’utilise en certaines occasions la Maison blanche. On cite un interprète de l’anglais au bahasa (indonésien, malais) qui travaillait le soir du débat et qui a été étonné de l’érudition de Bush sur l’Indonésie, alors que le sujet ne figurait même pas sur la liste des thèmes qui seraient abordés.

Dans la plupart des médias on parle de la machine à rumeurs qu’est Internet et on se demande si on n’est pas témoins d’une autre de ses éruptions. Quoiqu’il en soit, le site IsBushWired.com ne répond plus depuis deux jours. Certains évoquent la possibilité d’une attaque de déni de service (DoS), d’autres une panne due au trop fort achalandage. À suivre.
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