31.1.05

La Presse lance officiellement un blogue

Il y a quelques jours, je vous faisais part de carnets mis en ligne par le quotidien La Presse et je posais les questions à savoir «Verra-t-on une suite à ces carnets? Est-on en période de rodage de la formule? Osera-t-on appeler un chat un chat?» Les réponses sont peut-être, peut-être, et oui. Peut-être ces carnets étaient-ils des sondes, peut-être rodait-on la formule, mais on a osé appeler un chat un chat.

Les amoureux du français, c’est le blogue de deux linguistes de La Presse lancé aujourd’hui avec un premier billet de Paul Roux (conseiller et chroniqueur linguistique) auquel s’ajoutera, promet-on, des contributions de Fabienne Couturier (membre de l'équipe de révision du journal) et Lucie Côté, collaboratrice de longue date de M. Roux.

Paul Roux nous écrit à propos du blogue : «J’y reprendrai certains éléments de la chronique Mots et Actualités (qui continuera à être publiée le dimanche dans le cahier Lectures de La Presse). Mais une plus grande place sera faite à vos réactions, réflexions et commentaires.»

Les amoureux du français rejoignent donc Martine Rousseau et Olivier Houdart, correcteurs au quotidien parisien Le Monde qui lançaient le 12 novembre dernier leur blogue Langue sauce piquante. D’ailleurs, ils nous écrivent ce lundi : «Pris d'une allégresse certaine, nous lisons le mille et unième commentaire sur LSP, ce lundi gris et hivernal, dernier jour de janvier, à 19 h 08...).

Même si on est toujours dans le gabarit de Cyberpresse, Les amoureux du français (aussi accessible à cyberpresse.ca/amoureux) a une belle apparence blogue, colonne de droite pour les archives et des liens utiles, fonction commentaire, et lien courriel; bref, il a bonne mine. Il ne restera qu’à ajouter une balise meta pour les mots clés, et le tour sera joué.

Les paris sont ouverts, à qui le tour maintenant?
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28.1.05

TBL, on lui doit tant...

Tim Berners-LeeBonne nouvelle. On apprend que Tim Berners-Lee, celui dont la contribution a été essentielle à l’avènement du Web, a été désigné Britannique de l'année 2004. D’après AFP, «Son désintéressement ajouté à sa modestie et à son ingéniosité ont convaincu un jury de couronner Berners-Lee Britannique de l'année 2004. "Il a choisi de ne pas exploiter commercialement son invention. Il en a fait don à la communauté quasi délibérément", a expliqué jeudi l'historien David Starkey, membre du jury qui avait présélectionné 21 noms parmi les centaines de noms proposés par le public. "S'il en avait tiré une exploitation commerciale, il ferait aujourd'hui passer Bill Gates pour un indigent." Berners-Lee a imaginé ce qui est devenu le World Wide Web en 1990 alors qu'il travaillait au laboratoire européen de recherche sur les particules à Genève, pour faciliter le travail entre scientifiques à travers le monde. Au lieu de déposer un brevet, il a ensuite choisi de le mettre à disposition sur internet.»
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Un répertoire de blogues d’analystes en TI

La société de recherche et de veille Tekrati vient de publier une étude révélatrice sur l’adoption tardive de la formule blogue par les analystes du secteur des technologies de l’information. Dans la première partie de ce rapport spécial (Special Report: The State of Analyst Weblogs, Part 1), on soumet que si les analystes ont tardé à prendre le virage blogue, c’est que la formule représente une remise en question du processus de veille de l’information, un processus dans lequel l’analyste est au centre des interactions entre clients et sujets de recherche. Selon Tekrati, seulement 10 % des 350 cabinets d’analyse en TI qui constituent son répertoire principal tiennent des blogues.

Parmi les constatations de Tekrati, notons le fait que la plupart de ces blogues sont publics, alors qu’une minorité est réservée aux seuls clients des cabinets d’analyse. Les blogues sont revendiqués principalement par des particuliers au sein des grands cabinets d’analyse, bien que certains cabinets expérimentent avec des blogues collectifs. Le cabinet bien connu Jupiter Research compte pas moins de 16 blogues de ses analystes vedettes (sur un effectif de 70 analystes).

Cordonniers mal chaussés? Tekrati a observé que bon nombre de ces blogues ne répondent pas aux normes de mise en page HTML, qu’il est souvent impossible d’apporter des commentaires aux billets publiés par les analystes, ou d’inscrire un rétrolien (trackback) au billet. En revanche, on constate que ces blogues ne sont pas uniquement des véhicules de promotion commerciale des services des analystes et des cabinets, et qu’on y aborde des questions de fond.

La semaine prochaine, Tekrati publiera la deuxième partie de son rapport spécial sur les blogues d’analystes, et ces derniers partageront leurs expériences en tant que blogueurs. Entre temps, Tekrati a constitué un répertoire des blogues d’analystes qui compte à ce jour 65 inscriptions.
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26.1.05

L’inflation des blogues

Je constate dans certains cercles une tendance assez déconcertante depuis un certain temps, soit celle de l’inflation verbale et médiatique autour de tout ce qui a trait aux blogues. Je n’ai rien contre les blogues, on l’aura compris depuis longtemps. J’ai été un des premiers chroniqueurs à parler du phénomène il y a plus de quatre ans (Chroniques de Cybérie, 17 octobre 2000), et j’en remercie encore la bonne amie qui m’avait mis sur la piste. Mais j’ai l’impression que récemment on fait fausse route en donnant dans l’inflation et dans la surenchère concernant le phénomène.

On se rappellera que les blogues ont vraiment «décollé» avec le 11 septembre 2001, puis avec les warblogs quand George W. a lancé sa campagne d’Afghanistan. Le phénomène s’est ensuite amplifié avec l’invasion de l’Irak, puis avec la présidentielle de l’an dernier aux États-Unis. Parallèlement, les outils et les plate-formes se sont multipliés, et les blogues aussi. Ils occupent une place grandissante dans l’économie de l’attention, menacent d’érosion le public acquis des médias traditionnels (MT), et portent même le germe d’un changement dans les pratiques journalistiques. Là où on tombe dans l’inflation, c’est quand on prête aux blogues plus de vertus qu’ils ne méritent.

Prenons le cas de la révolution orange en Ukraine. S’il était intéressant de voir des Ukrainiens commenter la saga électorale, le petit nombre de blogues qui était accessibles en anglais et en français ne permettaient pas de contre vérification de l’information diffusée en raison de la barrière linguistique. Comme le soulignait à juste titre John Rosenthal du Transatlantic Intelligencer, la plupart des blogues non-ukrainiens ont été à la remorque des MT dans ce dossier, et ont peu contribué à diffuser un portrait juste de la situation. On est resté avec l’image du bon pro-occidental et du méchant pro-soviétique, sans donner dans la nuance.

On peut porter un constat tout aussi triste sur la crise humanitaire provoquée par les tsunamis. Steve Outing du Poynter Institute écrivait le 6 janvier : «Le séisme et les tsunamis en Asie du Sud, et leurs conséquences, représentent un point tournant pour le journalisme participatif. Ce que le 11 septembre 2001 a fait pour déclencher le phénomène des blogues et leur créer une renommée, les tsunamis de décembre 2004 l’a fait pour élargir le concept du journalisme citoyen dont les blogues sont partie prenante.» Outing étaye sa cause en mentionnant le grand nombre de photos et de vidéos (principalement de touristes et d’étrangers) qui se sont retrouvés en ligne et qui constitueront pour les historiens une masse inestimable de documents originaux sur la tragédie.

Dans un cas comme dans l’autre, les blogues (sauf celui de Rosenthal, russophone) ne m’ont rien apporté de plus que ce que les MT avaient à m’offrir. D’une part, à cause de la polarisation accentuée de la crise ukrainienne, d’autre part parce que les grandes chaînes de télévision ont toutes reprises les vidéos amateurs des tsunamis.

C’est maintenant au secteur des affaires de vanter les vertus des blogues. Lors du récent Blog Business Summit, on a parlé de blogues en temps de crise pour les grandes entreprises. Rapidité et souplesse d’intervention, possibilité de donner un «visage humain» à une entreprise, rétroaction immédiate de la part des consommateurs, méthodes pour fédérer les blogues de manière à contrer l’image négative... on n’a rien épargné pour persuader les dirigeants d’entreprise qu’ils devaient investir l’espace des blogues.

Tendance annoncée. Airbus dévoile son A-380? Boeing riposte par l’entremise de son p.d.-g. Randy Baseler et lance un blogue. Le fabricant automobile General Motors (merci Thom!) en a assez de la couverture peu élogieuse de la presse spécialisée? La haute direction lance un blogue, Fastlane, et se sent même tenue de publier son code d’éthique en matière de blogues.

Ukraine, tsunamis, Airbus/Boeing, Ford... et l’esprit blogue dans tout ça?

Ce qui est regrettable dans ce type d’inflation, c’est qu’on présente les blogues comme une panacée à tous les maux dont peut souffrir la communication alors qu’il n’en est rien. Et on risque, à force de surenchère, de créer des attentes auxquelles il sera impensable de répondre.

Tentons donc de replacer le débat sur l’avenir des blogues dans une perspective plus réaliste, et de comprendre que les blogues ne seront qu’un instrument parmi tant d’autres dans un nouvel ordre communicationnel.

Mise à jour : 27 janvier

Jack Shafer, dans Slate, reprend pour l’ensemble mes propos. «Dans l’empressement qu’on manifeste à définir une nouvelle technologie et à vanter ses mérites, la tendance humaine à la surenchère s’installe. [...] Les blogues d’actualité, de politique, de sports, de collectivités, de jardinage, de technologie, de magasinage, de radio, de vidéo, et les blogues sur les blogues ont tous un énorme potentiel. Mais nous devons à cette technologie prodigieuse de ne pas trop lui en demander trop vite.»
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25.1.05

Microsoft de nouveau sur la sellette

On se souviendra que, fin novembre 2004, la société Microsoft lançait sa plate-forme blogue nommée Spaces. Mais voilà qu’on apprend de Mike Wendland du Detroit Free Press que le nom Spaces était déjà utilisé par une petite entreprise d’édition de blogues de la région de Rochester (New York), Edict Spaces. L’entreprise a été fondée en 1987 par Tor Hough pour offrir des services de conception de sites et d’applications Web, et a pris le virage blogue en 2002.

Hough dit avoir communiqué avec Microsoft concernant l’utilisation du nom Spaces, qui sur son site est toujours suivi du logo TM (marque déposée), et avoir aussi communiqué avec des avocats spécialisés en droit commercial. Il n’a reçu jusqu’à présent aucune réponse de Microsoft, mais n’a toujours pas porté plainte.

Le journaliste Mike Wendland a cependant obtenu une déclaration d’un porte-parole de Microsoft qui soutient que les vérifications diligentes ont été effectuées avant d’adopter le nom Spaces pour sa plate-forme d’édition de blogues.

Edict Spaces envisageait prendre de l’expansion et son propriétaire était en pourparlers avec des investisseurs potentiels. Ces derniers ont toutefois décidé de retarder leur décision jusqu’à ce que la question du nom du service soit résolue.
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22.1.05

Marketing sur les blogues

On apprend dans NewsWeek que le cabinet de marketing The Stonebrick Group a dressé une liste de 100 personnes dont l’opinion compte en Silicon Valley, et entend leur fournir gratuitement des produits pour qu’ils en fassent l’essai et, surtout, pour qu’ils en parlent dans leur entourage.

Cette technique de marketing n’est pas nouvelle, mais Newsweek attribue sa remontée actuelle au journaliste Malcolm Gladwell et à son livre à succès «The Tipping Point» dans lequel il détermine trois types d’interacteurs sociaux en marketing, soit les connecteurs, les connaisseurs et les vendeurs (voir cette entrevue avec Gladwell). Qu’un produit se retrouve entre les mains d’un connecteur ou d’un réputé connaisseur, tout le monde voudra se le procurer.

Gladwell évoque la théorie des mèmes dont je vous parlais, dans un autre contexte, en octobre 1999. En bref, un mème est un objet mental qui, tel une créature biologique, lutte pour sa survie. Le mème se sert de l'individu qui en est porteur afin de se disséminer. Cette dissémination n'est pas, au contraire du domaine biologique, uniquement liée à une activité de reproduction mais dépend des moyens de communication offerts à l'individu. Or la variété de ces derniers, depuis la banalisation de l'accès aux moyens de télécommunication, est de plus en plus aisée.

Le groupe Stonebrick a donc identifié une centaine de ces «porteurs» en Silicon Valley, et leur distribuera sous peu un lot de nouveaux produits à la demande (et moyennant honoraires) de fabricants. Auren Hoffman, le patron de Stonebrick, a dit vouloir éviter d’inclure sur sa liste des «blogueurs de carrière» ou des journalistes.

En revanche, bon nombre des «porteurs» de bonnes nouvelles identifiés par Stonebrick tiennent des blogues, et non des moins consultés. Tenons pour exemple l’entrepreneure et technologue Esther Dyson, le promoteur et éditeur Tim O’Reilly, le financier Ross Mayfield, le technologue Joi Ito, etc.

Dan Gillmor trouve l’approche singulière et il se demande si les porteurs/blogueurs dévoileront le fait qu’ils reçoivent ces produits gratuitement, et qu'ils peuvent les conserver s’ils le veulent (à la différence des journalistes qui sont tenus de retourner les produits qu'ils ont mis à l’essai). Ito et Mayfield ont déjà commenté le billet de Gillmor. Ils précisent qu’ils ne sont pas tenus de parler de ces petits cadeaux (pour la petite histoire, le premier produit livré est un bidet high-tech), et que s’ils en parlent, ils dévoileront leur participation à ce réseau mémétique.
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Suivi : blogueurs justiciables

Dans l’affaire des blogueurs justiciables pour avoir publié les détails techniques d’une nouvelle interface audio pour les utilisateurs de Apple, l’auteur du site ThinkSecret, Nicholas Ciarelli, bénéficiera des services pro bono de Terry Gross du cabinet Gross & Belsky. Apple, qui poursuit Ciarelli pour avoir dévoilé des secrets commerciaux, exige aussi qu’il dévoile le nom de ses sources. Gross a déclaré que Ciarelli avait eu recours à des méthodes journalistiques reconnues et qu'il avait droit à la protection en vertu du premier amendement de la Constitution. Il entend demander le retrait de la plainte déposée par Apple. Détails dans InfoWorld et Mercury News.
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21.1.05

Blogues, journalisme et crédibilité

Ce vendredi et samedi se tient la conférence Blogging, Journalism & Credibility au Kennedy School of Government de l’Université Harvard.

Retenons quelques points marquants jusqu’à maintenant, comme le mémoire de Jay Rosen (PressThink) intitulé Bloggers vs. Journalists is Over et dans lequel il annonce la fin des «hostilités» entre blogueurs et journalistes. Il faudrait aborder davantage, selon Rosen, la question plus générale de la confiance, plutôt que de continuer à résumer trop sommairement le débat à la crédibilité des blogues et à savoir s’ils devraient se doter d’un code d’éthique.

«La confiance s’installe dans différents cadres, que ce soit dans l’univers en ligne ou physique, dans les blogues comme en journalisme, ou comme dans la vie de tous les jours» écrit-il. Autrement dit, que ce soit pour les journalistes ou les blogueurs, la confiance se mérite, et ils ne sont pas différents à cet égard.

Rosen cite Xeni Jardi de BoingBoing qui, répondant récemment à une question d’un journaliste du New York Times à savoir si les blogues allaient remplacer les médias traditionnels, a déclaré : «C’est un peu comme croire que les marchés champêtres allaient remplacer les restaurants. Dans les premiers on trouve des denrées de base, alors que les seconds se situent ailleurs dans le processus».

Le point de vue de Rosen sur la fin du conflit entre blogueurs et journalistes est contesté par Jon Garfunkel qui estime cette déclaration vaine et non avenue. «S’il y a un point commun entre tous les Jos Blogueurs» soutient Garfunkel, «c’est qu’ils vont continuer de critiquer les médias traditionnels et de crier victoire chaque fois que l’un d’eux commet une erreur. Et ce n’est pas qu’un rapprochement entre les deux puisse flotter dans une conférence qui se tient à Harvard qui changera la situation.»

Garfunkel va même jusqu’à affirmer que, pour bien comprendre la mouvance actuelle des médias, il faudrait éviter tout rapprochement entre blogueurs et journalistes, et entretenir la dichotomie. Il serait même salutaire pour le public que les médias traditionnels (MT) ne lâchent pas de vue les excès des blogues et les dénoncent.

Je lui donne par contre raison sur un des points qu’il souligne, soit que l’on mette tous les blogues dans une seule et même catégorie, ce qui fausse grandement l’analyse du phénomène.

Si vous voulez tout lire ce qui se dit sur les blogues au sujet de cette conférence, y compris les opinions de ceux et celles qui y participent ou y présentent des mémoires, cap sur Bloglines qui a regroupé 46 fils Web RSS.
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19.1.05

Feedster et la recherche d’emploi

Le moteur de recherche de fils RSS et XML Feedster vient d’inaugurer son service de recherche d’emploi, FeedsterJobs. En période de rodage, FeedsterJobs propose plus de 5 000 emplois par jour (voir le communiqué de presse). Ce ne serait que le premier service de recherche «vertical» que Feedster entend lancer.

Vérification faite, dans certaines disciplines, un grand nombre d’offres d’emploi provenaient de divers sites du très populaire réseau Craigslist (voir l’incarnation montréalaise), ce qui ne fera évidemment qu’augmenter sa popularité.

Ce qui m’amène à vous parler d’une information glanée en décembre dernier et dont j’avais oublié de vous parler. Le cabinet de consultation Classified Intelligence (CI) a publié un rapport (250 $) sur l’effet du service de petites annonces Craigslist (maintenant partenaire de eBay), y compris des offres d’emploi, sur les journaux de la région de San Francisco.

Quiconque peut publier une petite annonce gratuitement sur un site Craigslist, les seuls à payer pour une publication sont les entreprises à la recherche de personnel. C’est ainsi que Craig Newmark, qui travaille à ce réseau depuis 1995, finance ses opérations. Selon The Register, le Craigslist de San Francisco enregistre plus d’un demi million de visites par mois, plus de 150 millions de pages vues.

Or, soutient Classified Intelligence, alors que les grands quotidiens de San Francisco publiaient 4 900 offres d’emplois au cours de la semaine du 21 novembre 2004, Craigslist en proposait 12 000. Autrement dit, selon CI, «l’incidence financière directe de la publication d’un si grand nombre d’offres d’emplois sur la Craigslist est, pour les journaux imprimés de la région, la perte de revenus oscillant entre 50 et 65 millions de dollars par année.» Ce n’est pas rien.

Qui plus est, selon CI, des entreprises de presse de la région comme le Chronicle ou Knight-Ridder Digital ont recours elles-mêmes au Craigslist pour embaucher du personnel. La solution pour les imprimés, selon CI, serait d’innover en proposant des forfaits imprimés/en ligne aux annonceurs.
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Les «carnets» de La Presse

On a droit depuis un certain temps à des «carnets» sur le site Web du quotidien montréalais La Presse. D’abord le Carnet de voyage en Indonésie (2 billets) de Marc Thibodeau et Karim Benessaieh dépêchés sur place pour couvrir les effets des tsunamis, le Carnet de voyage du Sri Lanka de Nicolas Bérubé (5 au 9 janvier) sur le même sujet, et le Carnet de voyage du Japon de Nathalie Collard qui y couvre la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles.

On les appelle donc les carnets de voyage, même si la formule s’apparente aux blogues. Pas de commentaires directs sur ces carnets, les courriels sont dirigés à la rédaction et non aux journalistes, les URL défient tout exercice mnémotechnique, on n’échappe pas aux gabarits de cyberpresse, l’environnement est très aseptique, la publications de billets est parfois assez espacée, mais on est près de la formule blogue.

Verra-t-on une suite à ces carnets? Est-on en période de rodage de la formule? Osera-t-on appeler un chat un chat? À suivre.
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18.1.05

Florence Aubenas et Hussein Hanoun al-Saadi, mise à jour

«Interviewé hier par la chaîne satellitaire Al-Arabiya, le président irakien par intérim, Ghazi al-Yaouar, a mentionné, sans fournir le moindre élément susceptible de l'étayer, la piste crapuleuse. “Je ne pense pas qu'il y ait une partie politique qui aurait intérêt à enlever un Français. Je pense que l'affaire [Aubenas] pourrait être liée à une rançon ou quelque chose de ce genre”, a-t-il dit, tout en reconnaissant ne pas disposer à ce stade d'“information sur la journaliste”. Un silence motivé, selon lui, par la volonté des éventuels ravisseurs d'«accroître la tension avant de poser leurs conditions... Lors de sa visite à Paris, jeudi, Ghazi al-Yaouar avait promis de “tout faire” pour retrouver Florence Aubenas et son guide irakien. Dans un entretien avec la direction de Libération, il avait déjà évoqué un acte de brigandage sans pour autant écarter la possibilité d'un rapt politique.»

Source : Libération

Voir, aussi, le dossier complet de Libération., et notre billet initial (6 janvier).
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17.1.05

La presse en dépression

Merci à mediaTIC pour nous avoir souligné le texte de José-Manuel Nobre-Correia paru dans la revue Politique, livraison de décembre 2004, sous le titre Journalisme : une certaine mort annoncée. Selon l’auteur, après avoir effectué des bonds en avant avec chaque nouvelle technologie qui apparaissait, l’art d’informer s’est heurté à des mécanismes de freinage et de distorsion et risque maintenant un retour en arrière.

À propos d’Internet, Nobre-Correia estime que «jamais comme aujourd’hui, tout un chacun a eu la possibilité d’émettre des messages à des coûts si bas, tout en parvenant à toucher une audience potentielle si vaste. Les médias et les éditeurs “traditionnels”, tout comme les journalistes “classiques” ont ainsi perdu leur “monopole” séculaire de la fonction d’informer. La récente vague des “weblogs” est à cet égard significative.»

La conclusion est sombre : «Autrement dit : tout porte à croire que le journalisme comme métier d’information de masse est en voie de disparition. Restera toutefois le journalisme comme métier d’information des élites ou du moins de groupes sociaux restreints. D’autres techniques, immémoriales, reprendront du service, telle la rumeur; d’autres, très anciennes, retrouveront le terrain perdu, telle la propagande; d’autres encore, plus récentes sur les formes que nous leur connaissons aujourd’hui, gagneront encore de l’importance, telle la publicité. Des techniques qui ne relèvent pas du métier d’information, mais qui ont toujours prétendu et prétendront encore informer.»

Autre son de cloche, plus réconfortant pour la presse celui-là, celui du chroniqueur William Safire dans l’édition du 17 janvier du New York Times (inscription requise). Safire reconnaît que la fonction journalistique traverse une période difficile; la crédibilité des médias est mise en cause, les juges veulent forcer les journalistes à dévoiler leurs sources, le président «Yahoo» (l’expression est de Safire) se moque de la presse, et que dire de l’arrivée en masse des blogueurs dans le champ d’attention du grand public.

Or, selon Safire, le journalisme traditionnel (mainstream journalism) est promis à un avenir meilleur. Pour ce qui est des blogueurs, les perspectives de revenus les feront «rentrer dans le rang» et leurs activités s’assimileront à celles des journalistes traditionnels sur le plan de l’actualité locale. En matière de nouvelles nationales ou internationales, les médias traditionnels n’ont rien à craindre des blogues. Safire aborde les autres questions qui hantent le journalisme de nos jours et n’y trouve pas de problème insurmontable. Il faudrait, selon lui, attendre le retour du balancier.

Et si l’avenir s’inscrivait entre le pessimisme de Nobre-Correia et les lunettes roses de Safire? L’enjeu est cependant de taille car comme le souligne le premier, «L’histoire a en effet mis clairement en évidence la parfaite interdépendance entre les avancées du système démocratique et le degré d’autonomie de l’information. Et il est pour le moins douteux que l’avenir de nos sociétés puisse échapper à un tel principe...»
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16.1.05

Le Joblog

Bien d’accord avec Martine quand elle dit qu’il n’y a pas de «comité d'accueil de la blogosphère québécoise», mais je souhaite tout autant qu’elle la bienvenue à Josée Blanchette dans le merveilleux monde des blogues. Elle a profité d’une de ses chroniques dans le quotidien Le Devoir pour lancer son blogue (sous l’oeil bienveillant de Benoît Munger, me disait-elle).

Et d’accord aussi avec Martine qui écrit de Josée, «Avant que les blogues ne fassent leur apparition, les chroniques de Josée dans les journaux et magazines avaient déjà ce ton personnel et provocateur que l'on cherche souvent à reproduire dans les blogues.» À titre d’exemple, une nouvelle définition des blogues selon Josée : «On appelle ça du journalisme citoyen ou du journalisme participatif, voire de la néochronique ou de l'éditorial à compte d'auteur.» Yes, shooting from the hip.

Ce qui est à déplorer, cependant, c’est que si peu de journalistes des médias traditionnels (MT) québécois fassent l’expérience du blogue. J’aime beaucoup celui de Charles-Albert Ramsay (journal Les Affaires) qui m’en apprend sur le centre hospitalier projeté pour Montréal, ou sur un premier partenariat public-privé. Chez Bertrand Hall (Radio-Canada), on oscille entre ton perso et commentaires sur l’actualité, ce qui n’est pas un tort. Belle résonnance dans ce commentaire sur un gouvernement «qui donne $125,000 pour le tsunami et dépense 30 millions$ pour hésiter à construire un hôpital…» Il y en a d’autres, mais ils sont rares. La France est mieux servie du côté des blogues de journalistes, et aux États-Unis on compte au moins 450 journalistes de MT qui ont des sites perso ou des blogues.

C’est vrai qu’on peut difficilement demander à des cumulards de prendre le temps de bloguer. Entre la chronique à écrire, l’autre article pigé, l’émission à animer, la présence à l’émission d’un ou d’une collègue, le commentaire occasionnel parce qu’ils sont à portée de micro, et que sais-je encore, leurs semaines sont déjà bien chargées. On ne peut être partout à la fois, même si on le voudrait.
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14.1.05

«Pourrais-je vous citer...»

En marge de la conférence Blogging, Journalism & Credibility qui se tiendra les 21 et 22 janvier prochains sous l’égide de la faculté de Droit de l’université Harvard, Rebecca MacKinnon de Rconversation commente une proposition de Martin Kuhn, postulant au doctorat en journalisme et communication de masse, visant à l’adoption d’un code d’éthique pour les blogueurs. Curieusement, le texte en question ne figure pas sur le site de Kuhn, mais on le trouve en format PDF depuis le blogue de MacKinnon.

Toujours est-il que MacKinnon a sursauté tout autant que nous à ce passage du code d’éthique proposé par Kuhn : «Se rendre imputable de l’information qu’on publie. Citer et inclure des liens vers toutes les sources mentionnées dans un billet, et obtenir la permission préalable pour proposer des liens vers d’autres blogues ou contenus Web.»

Pour MacKinnon, «Il est impossible d’adhérer à cette proposition si on veut bloguer sur des sujets à point nommé, et inutile si les liens pointent vers des espaces publics du Web dont le but est d’obtenir la plus large diffusion possible de leurs contenus.»

Le débat n’est pas nouveau, on en a parlé il y a neuf ans, et l’argument n’a pas tenu. On se demande donc pourquoi, s’il faut un code d’éthique des blogueurs (ce dont on doute), qu’il faille retomber dans une des aberrations qu’on croyait dissipée depuis belle lurette.

En marge de la question des citations et de l’éthique, on jase dans la blogosphère d’une modification apportée à un document en format PDF qui rendrait impossible d’effectuer un copier/coller du texte. Il s’agit du rapport d'enquête d’un groupe d’experts sur les erreurs déontologiques de la chaîne CBS dans l’affaire des faux états de service militaires de George Bush. L’affaire, on s’en souviendra, a éclaté en pleine campagne présidentielle, et s’est soldée par le congédiement de quatre employés, et la retraite en douce, bientôt, du présentateur Dan Rather.

Or, alerté par un collègue journaliste, Seth Finkelstein du blogue Infothought a procédé à un examen du fichier PDF du rapport du groupe d’experts, et constaté qu’on en avait modifié les propriétés depuis sa publication initiale pour interdire les copier/coller. On aurait modifié de la même manière la version du rapport publiée par le cabinet d’avocats retenu par CBS dans cette affaire.

On dira que ce n’est pas l’affaire du siècle, et j’en conviendrai, mais cette modification du fichier PDF, après sa diffusion initiale, porte à croire que CBS ne veut pas faciliter la tâche à ceux et celles qui voudraient commenter ou citer ledit rapport.
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13.1.05

Les armes de destruction massive, en citations

C’est maintenant officiel, on n’a trouvé aucune arme de destruction massive en Irak. Voir la transcription du point de presse du porte-parole de la Maison blanche du 12 janvier.

Bref on peut respirer, et c’est plus qu'on puisse en dire pour 1 517 militaires de la coalition, et plus de 100 000 civils irakiens.

Curieux de l’évolution de cette idée des ADM en Irak, Today In Iraq nous propose une liste des citations clés dans ce dossier, du 26 août 2002 au 12 janvier 2004, mettant en vedette tous nos personnages favoris dans cette saga, comme George Bush, Donald Rumsfeld, Colin Powell, le général Tom Franks, Condoleezza Rice, Paul Wolfowitz et autres.

Une de mes préférées, celle de Paul Wolfowitz, secrétaire adjoint à la Défense, dans une entrevue accordée au mensuel Vanity Fair, édition du 28 mai 2003 : «Pour des raisons bureaucratiques, nous nous sommes entendus sur une question, les armes de destruction massive (pour justifier l’invasion de l’Irak), car c’était la seule sur laquelle nous pouvions faire consensus.»
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Des appuis aux blogueurs justiciables

AsteroidLe 23 novembre dernier, le site/blogue AppleInsider publie un article dévoilant les détails techniques d’une nouvelle interface audio pour les utilisateurs de GarageBand (système de traitement de musique), et dont le nom de code serait  Q97 ou Asteroid. Le produit est encore en développement, selon le magazine spécialisé dans la technologie Apple, et sera lancé en janvier à l’occasion de la foire MacWorld, mais on propose même aux lecteurs une représentation graphique de l’interface, ses modes de connexion, les plate-formes compatibles, le volume d’unités produites envisagé, le fabricant sous-traitant, le prix de détail suggéré, etc. Bref, AppleInsider donne le topo complet sur un produit qui n’est pas encore sur le marché.

L’information publiée est attribuée à des personnes proches de Apple, manifestement des «insiders». Le site/blogue PowerPage publie également un article sur Asteroid (retiré du son site depuis).

Le 13 décembre, devant un tribunal californien, Apple obtient la permission d’émettre des subpoenas à l’endroit de AppleInsider et de PowerPage pour qu’ils divulguent l’identité des sources de la fuite. Le 4 janvier, Apple obtient également la permission d’exiger du site ThinkSecret qu’il dévoile aussi le nom de ses sources pour un article qui publiait des détails du nouveau Mac écono avant même son lancement.

Le 10 janvier, la Electronic Frontier Foundation (EFF) se porte à la défense des intimés pour «protéger leur droit à tenir confidentielle l’identité des personnes qui lui ont communiqué l’information.» Voir sur le site de l’EFF les documents afférents à la cause. Pour l’EFF, les blogueurs et éditeurs de sites Web jouissent des mêmes droits que les journalistes en vertu des lois et de la Constitution des États-Unis, nommément de pouvoir garantir la confidentialité à leurs sources.

Selon ThinkSecret, l’interface n’a pas été dévoilée lors de la foire MacWorld en raison du tapage médiatique et des actions juridiques qui entourent l’affaire des fuites.

Dans les documents présentés devant le tribunal californien, Apple dit ne pas vouloir s’en prendre aux garanties constitutionnelles de libre expression, mais affirme que ces garanties «ne s’appliquent pas aux pratiques illégales des mis en cause de s’approprier et de diffuser des secrets commerciaux obtenus en violation flagrante des obligations de confidentialité.»

Le tribunal californien a pris les demandes de Apple en délibéré. Un histoire à suivre. Mais les observateurs rappellent à juste titre la cause des journalistes Judith Miller du New York Times et Matthew Cooper du magazine Time qui ont été accusés de mépris du tribunal pour avoir refusé de nommer leurs sources ayant mené à l’identification d’un agent de la CIA en 2003.

Il semble donc que ces jours-ci, la notion de blogueur/journaliste hante bien des esprits. Aussi à lire, l’article de Adam Penenberg dans Wired News sur une autre perspective du débat, soit les éventuels conflits d’intérêts pour les journalistes de médias traditionnels qui publient des blogues personnels.

Parallèlement à l’affaire Asteroid, la Media Bloggers Association lance un projet de défense juridique à l’intention des blogueurs qui seraient aux prises avec des problèmes de diffamation ou de propriété intellectuelle en raison de ce qu’ils publient sur leurs blogues. La MBA a confié au juriste Ronald D. Coleman la direction de ce projet. Lui-même blogueur (Likelihood of Confusion), Coleman entend constituer un réseau d’avocats qui pourront se porter à la défense de blogueurs aux prises avec d’éventuelles poursuites.
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12.1.05

Backfence, bientôt dans un quartier près de chez-vous

On sait encore peu de choses précises sur Backfence, un service d’information à base de journalisme participatif qui doit voir le jour au cours du premier trimestre dans la région de Reston et de McLean (Virginie). Ses fondateurs sont Mark Potts (un des co-fondateurs de WashingtonPost.com) et Susan DeFife (jusqu’à tout récemment v.-p. de la société NPD Group, spécialiste en information stratégique aux entreprises).

Backfence misera sur le Web de proximité (on utilise le terme hyperlocal) en mettant à la disposition de collectivités toute l’information de nature communautaire (au sens large) à l’aide de sites Web intégrant blogues d’information, forums d’échange et de discussion, wikis, fils RSS, annonces classées, annuaire local de «pages jaunes», etc., le tout étant produit bénévolement par des résidants de ces collectivités. L’accès sera gratuit pour tous, et l’infrastructure se financera par la publicité locale. Si le premier Backfence s’avère concluant, Mark Potts à déclaré au Washington Post qu’on envisage en implanter d’autres dans 16 agglomérations métropolitaines d’ici trois ans.

Cité dans Press Think, Potts ajoutait : «En cette période où les consommateurs d’information sont de plus en plus frustrés par ce qu’ils perçoivent être la nature condescendante du journalisme, Backfence se présente avec une approche locale, communautaire et participative pour aider les membres de collectivités à partager l’information qu’ils estiment importante pour eux.»

Backfence prendra de vitesse un projet semblable, Pegasus News, dont les promoteurs prévoient le lancement à la fin de 2005 à Dallas. Si ces projets intéressent les observateurs de la tendance au journalisme participatif, certains autres expriment des réserves sur l’arrivée de nouveaux joueurs dans l’arène média, qu’ils se réclament ou non du modèle participatif.

Comme l’explique le chroniqueur Steve Outing, il est clair que l’entrepreneuriat se saisira de quelques bonnes affaires en journalisme participatif. Par contre, «si une entreprise s’impose comme leader dans ce marché, elle pourrait prendre une telle expansion si rapidement que les entreprises des médias traditionnels auront du mal à la rattraper.»

Et c’est un peu une crainte qu’on partage, soit qu’une idée «bottom-up» comme le journalisme participatif soit accaparée par l’arrivée de tenants du «top-down» entrepreneurial et, qu’à terme, on reproduise les structures qui sont aujourd’hui contestées.
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L’info-minute

Paul Cauchon du Devoir (Après la malbouffe, la «mal info»?) revient sur un thème lancé par l'Observatoire du débat public (France), soit la consommation de l’info-minute. Voir aussi Le Monde et Libération.

Il rappelle l’origine de l’expression : «L'Observatoire du débat public a intitulé son étude “la mal info” parce que, pour décrire leur comportement, les Français utilisaient souvent des métaphores alimentaires : ils parlaient de l'information comme d'un besoin fondamental, aussi important que de se nourrir, se loger ou se vêtir et ils disaient qu'ils avaient “faim”, qu'ils “picoraient”, qu'ils “digéraient”, qu'ils étaient “gavés” de nouvelles.»

Le risque de l’info-minute, comme l’explique Cauchon, est que «lorsqu'on interroge les gens sur les événements de la journée [...] ils ont de la difficulté à se souvenir du contexte et du déroulement exact des événements. Il ne reste souvent que “le sentiment superficiel de savoir.”» Autrement dit, la consommation de l’info-minute laisserait la fausse impression d’être rassasié, et aussi d’avoir «le sentiment d'obtenir trop d'informations superficielles et de ne pas assez comprendre ce qui soutient ces mêmes informations.» Et de conclure Cauchon, «Mais on pourrait toujours ajouter que dépasser la mal info relève de la responsabilité individuelle. C'est aussi à chacun d'aller au-delà de la nouvelle brute et de savoir s'interroger et réfléchir sur ce qui agite le monde.»

J’aurais deux observations sur cette notion de mal info ou d’info-minute. D’une part, les MT (médias traditionnels) ne seraient-ils pas en partie responsable de ce menu d’info-minute qu’ils proposent au public? C’est bien de responsabiliser l’individu, et de faire référence au «devoir de connaissance» du citoyen, mais lui en donne-t-on les moyens?

D’autre part, examinons ce qui se passe sur le Web qui, on le sait, est en train d’éroder sérieusement l’auditoire des MT. Gerry McGovern qui publie le bulletin New Thinking sur les contenus Web nous fait part cette semaine des perspectives pour 2005. Il écrit «Le coefficient d’attention raccourcit, et le contenu raccourcira. Il sera de plus en plus difficile de faire lire à quelqu’un plus de 500 mots.»

Le jugement est peut-être un peu lapidaire, mais ne lance-t-il pas un beau défi à tous les médias, tant anciens que nouveaux?

P.S. Le présent billet compte 399 mots.
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10.1.05

Pew : nouveau rapport, deux points forts

Le Pew Internet & American Life Project vient de publier un autre rapport d’enquête, cette fois sur l’avenir d’Internet (communiqué de presse et aussi texte complet en format PDF). Il est basé sur les réponses de 1 286 experts (technologues, universitaires, dirigeants de services gouvernementaux, personnes proches des médias) à un questionnaire comportant 24 questions.

Retenons deux points forts, d’une part sur la vulnérabilité du réseau, d’autre part sur l’influence des blogues.

Deux tiers des répondants (66 %) s’entendent pour dire qu’au cours des dix prochaines années, l’infrastructure du réseau Internet ou de transport d’électricité fera l’objet d’une attaque dévastatrice. Une compilation des réponses circonstanciées fournies par les répondants est disponible sur le site de la Elon University. Selon le Pew, s’il y a un seul consensus dans les prévisions des experts, c’est sur le sujet d’une attaque d’envergure contre le réseau, qu’elle soit logicielle ou physique. Notons que 11 % des répondants ont réfuté cette hypothèse, et que 7 % ont remis en cause la terminologie.

Concernant les blogues, sur une échelle de 1 à 10 (1=aucun effet, 10=changement radical), leur effet sur les médias traditionnels sera de 8,46. Au chapitre des incidences d’Internet sur les institutions, c’est la note la plus élevée accordée par les répondants, suivie de l’enseignement (7,98), du milieu de travail (7,84), de la médecine et des soins de santé (7,63), de la musique, du cinéma et des arts (7,18), des relations internationales (6,74), du secteur militaire (6,53), de la famille (6,24), des quartiers et des collectivités (6,16) et de la religion (4,69). Voir la compilation des réponses.

Selon un répondant, «L’effet le plus manifeste est la montée en puissance des blogues qui se taillent une part importante du marché de l’attention au détriment des médias traditionnels.»
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8.1.05

Mise à jour

Seulement pour signaler une mise à jour, disons plutôt une réorganisation, de la page de répertoire des blogues. Lorsque cette page a vu le jour, en février 2002, le monde des blogues était bien différent, moins thématique et plus personnel; la formule se cherchait. J’avais donc commencé un classement par noms d’auteurs, et ce sans égard à la langue. On vit ensuite arriver des blogues collectifs, les catégories et les thèmes se préciser, et un plus grand nombre de blogues francophones. La page a donc été réorganisée, structurée en dix catégories, réparties entre blogues francophones et anglophones, ce qui je l’espère en facilitera la consultation.

Ce n’est pas un répertoire exhaustif, certes, mais une sélection de blogues que je consulte régulièrement ou périodiquement. Pour ceux et celles qui voudraient inscrire leurs blogues dans un répertoire, je suggère de le faire sur des moteurs de recherche ou auprès des sites spécialisés comme Blogonautes. FR_BLOG ou encore pour le Québec Québéblogues, ou plus spécifiquement de Montréal, YULBlog.
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Le singulier parcours de Chris Allbritton

Chris AllbrittonAlors qu’on parle à profusion de nouveaux modèles journalistiques et qu’on débat des formes qu’ils pourraient prendre, examinons le singulier parcours de Chris Allbritton, un ancien de l’Associated Press et du New York Daily News qui en est à son troisième séjour en Irak depuis le début des hostilités et qui anime le blogue Back to Iraq.

En juillet 2002, Allbritton effectue à ses frais un séjour de reportage d’une semaine au Kurdistan irakien, province aux velléités sécessionnistes, théâtre d’exactions perpétrées par les forces militaires de Saddam Hussein. Le 12 septembre, George Bush lance l’ultimatum aux Nations Unies de faire appliquer ses résolutions contre l’Irak, sinon les États-Unis interviendront. Les choses se corsent, et Allbritton tient à retourner au Kurdistan. Le 2 octobre 2002 il écrit sur son blogue : «Je veux retourner en Irak. Si les gens me font des dons (j’ai établi un compte PayPal), j’irai et je publierai mes articles et des reportages photographiques sur le Web [...] ce sera l’occasion d’appuyer le journalisme indépendant.»

Le projet stagne, Allbritton continue d’écrire depuis New York des articles et analyses sur la situation irakienne vue des États-Unis. Printemps 2003, c’est la valse des déclarations de Hans Blix (chef des inspections onusiennes en Irak) et le début des manifs anti-guerre. Le 13 février 2003, le projet de Allbritton prend de l’ampleur. Il dispose de 1 200 dollars en économies, et a reçu en cinq mois 771,71 dollars en dons. On est loin du compte pour un projet comme celui qu’envisage le reporter, et qu’il estime à 10 000 dollars, mais on est sur la bonne voie. Allbritton explique davantage sur son site Web à quoi servira l’argent, et promet aux donateurs de les inscrire sur une liste de diffusion par courriel de manière à ce qu’ils reçoivent en primeur ses articles et analyses. Il écrit :«Vous pourrez aussi me suggérer des sujets à couvrir... vous pourrez jouer au chef de rédaction.»

Au 14 mars 2003, les dons s’élèvent à 1 800 dollars, mais le projet de Allbritton fait l’objet d’un article de Wired News et attire l’attention d’un public plus large. Le 19 mars, c’est le début des opérations militaires en Irak. Le 24 mars, Allbritton atteint son objectif de 10 000 dollars en dons (quelque 350 donateurs), et prend l’avion deux jours plus tard pour la Turquie à partir d’où il entrera en Irak. Le 27 mars, il publie sur son site Web son premier article à partir d’Ankara, lu par 23 000 personnes ce jour-là.

Allbritton en est maintenant depuis à son troisième séjour en Irak. Il continue de recevoir des dons (11 185 dollars en caisse au 6 janvier) et est sollicité pour des textes à la pige par différents médias comme Time. Cité dans Editor & Publisher, Allbritton parle d’un style de journalisme plus interactif : «Mes lecteurs m’écrivaient et me demandaient de fouiller plus à fond des sujets, m’en suggéraient. Je n’avais pas un chef de rédaction, j’en avais des milliers. Et ça, c’est une nouvelle façon de pratiquer le journalisme.»
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7.1.05

Appeler un chat un chat?

Jesse Oxfeld qui tient une chronique sur les blogues dans le netmag Editor&Publisher sous le titre de Newspaper 2.0 a certainement, même si l’année est jeune, déniché une citation qui sera marquante pour l’année 2005. Extrait de son article du 6 janvier : « “Je crois que les blogues peuvent jouer un rôle important dans le journalisme en ligne” affirme Doug Feaver, directeur exécutif de washingtonpost.com. Mais comment les gérer, dit-il, “est la grosse question pour les sites des médias traditionnels.” C’est d’abord une question de terminologie. “Il faudra leur trouver un autre nom” [les italiques sont de nous] dit Feaver à cause du “baggage” que le terme véhicule auprès des chefs de rédaction.»
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Cher oncle Bill

Creative ComradesBill Gates, fondateur et p.d.-g. de Microsoft, a accordé une rare entrevue à News.Com à l’occasion de son passage au Consumer Electronics Show qui se tient ces jours-ci à Las Vegas. Une de ses déclarations sur la propriété intellectuelle fait beaucoup jaser : «Il y a moins de communistes dans le monde qu’il n’y en avait. Il y a certains communistes “modernes” qui veulent en finir avec les diverses mesures incitatives qui profitent aux musiciens, aux cinéastes et aux concepteurs de logiciels. Ils ne croient pas que ces mesures devraient exister.» Cette attaque contre la culture du gratuit en irrite bon nombre, dont Dan Gillmor qui la qualifie de «propagande honteuse», et le blogue BoingBoing qui propose de très jolis graphiques Copyleft (ici, ici et ici).

C’est que sans les nommer, Gates s’en est pris aux concepteurs de logiciels ouverts qui jouissent, on le sait, de la faveur d’un nombre croissant d’utilisateurs. Pour ce qui est du fureteur Firefox, Gates ne semble pas préoccupé et déclare : «Certains utilisateurs vont essayer Firefox, le comparer à Internet Explorer, et utiliser celui qu’ils estiment être le meilleur.» Tout comme 40 % des utilisateurs, sommes-nous tentés d’ajouter.

Sur le phénomène des blogues, Gates affirme que la plate-forme MSN Spaces a attiré un million d’utilisateurs depuis son lancement. Prudence, dit-il, il y a bien des gens qui se lancent dans l’aventure puis abandonnent très rapidement. Mais avec les fils Web (RSS) et des fonctions de recherche «à valeur ajoutée» (concept qui resterait à préciser semble-t-il), la formule blogue arrive à maturité. Il dit s’être prêté à l’exercice d’en créer un, mais ne pas avoir le temps de l’alimenter régulièrement. Selon lui, il faut «tenir» au moins un an pour que ça en vaille la peine. Ceci vient de celui pour qui, s'il voit un billet de mille dollars par terre, il est plus rentable pour lui de vaquer à ses occupations que de le ramasser...

Et aussi :

«Il y a bel et bien des extraits de communisme dans cette économie libertaire que nous vivons avec le Peer-to-Peer et tout ce qui l'entoure. Mais c'est en réalité une nouvelle économie tout entière qui se crée, qui n'a rien d'anti-libérale. Finalement, n'y a-t-il pas chez les industriels un paradoxe à vouloir prêcher d'un côté le libéralisme, c'est-à-dire la libre concurrence entre les entreprises, et vouloir surprotéger de l'autre côté tous les outils juridiques qui permettent de maintenir la concurrence sur le bas côté?»
Guillaume Champeau
Ratiatum


«C’est une chose d’entendre de tels propos de directeurs de studios ou de dirigeants de compagnies de disques... Mais les gens que je connais chez Microsoft sont très loins de ce genre de sottises. Est-ce que Gates ne leur parle pas?
Lawrence Lessig
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6.1.05

Libération sans nouvelle de Florence Aubenas

Florence Aubenas, LibérationUn communiqué laconique (et en anglais) du quotidien Libération annonce que le journal est sans nouvelle de son envoyée spéciale en Irak Florence Aubenas depuis plus de 24 heures. Selon l’AFP, «Florence Aubenas était accompagnée de son interprète irakien, Hussein Hanoun Al Saadi, qui collabore avec les envoyés spéciaux de Libération depuis presque deux ans. [...] Grand reporter, Florence Aubenas était arrivée en Irak le 16 décembre 2004. Journaliste permanente à Libération depuis 1986, elle a couvert de nombreux événements, au Rwanda, au Kosovo, en Algérie, en Afghanistan et en Irak, ainsi que plusieurs grands procès en France.» Florence Aubenas est également auteure avec Miguel Benasayag de Résister, c'est créer et de La Fabrication de l'information : les journalistes et l'idéologie de la communication, de On a deux yeux de trop avec Anthony Suau, et aussi de Lettre à une amie irakienne (disparue) avec la Tunisienne Bensedrine Sihem.

Je ne peux faire autrement que me rappeler qu’il y a quelques jours, le quotidien britannique The Guardian publiait une entrevue révélatrice avec le journaliste français et ex-otage Georges Malbrunot qui déclare 'If I had been British, I'd be dead' (Avoir été britannique, je serais mort). C’est un des meilleurs textes sur la détention des journalistes, touffu de détails et de perspectives inédites. Entre autres, les ravisseurs de Georges Malbrunot et de son collègue Christian Chesnot ont compris qu’ils n’étaient pas des espions, mais des journalistes, et français de surcroît, informations confirmées par une recherche sur... Google. Il y avait certes d’autres enjeux, mais dès lors que leur identité véritable était établie, tous les espoirs étaient permis.

Reste à espérer que Florence Aubenas n’ait pas été enlevée, et que si tel est le cas, ses ravisseurs procéderont à une petite recherche sur Google.
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La transaction

Du blogue de Loïc Le Meur, v.-p. et directeur européen de Six Apart.

«Six Apart rachète Live Journal et compte 6,5 millions de blogs

Les rumeurs étaient donc basées sur la réalité, Six Apart vient de racheter une des plus grande plateformes de blogs gratuits du monde, Live Journal. Je reviendrai plus en détails sur cette acquisition dans les heures qui viennent.

[...]

Après ce rachat, le nombre de blogueurs total dans le monde de Six Apart sur TypePad, Movable Type, Live Journal et Ublog est de 6,5 millions et des milliers nouveaux chaque jour. Il y a en ce moment même plus de 16 000 nouvelles notes par heure, 273 par minute, sur Live Journal.

Live Journal a une communauté de blogueurs (statistiques) beaucoup plus jeune que TypePad et donc très complémentaire, avec très grande majorité de 13 à 20 ans et à 67 % féminine, très internationale.»
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Journalisme participatif : un document fondateur

Commentant la nouvelle orientation professionnelle de Dan Gillmor il y a quelques jours, je parlais de ce qu’il considère une expérience à suivre en matière de journalisme participatif, soit celle du quotidien News & Record (Greensboro, Caroline du Nord). Le journal vient de lancer une série de blogues pour se rapprocher de son lectorat et faire du journal, tant dans l’imprimé qu’en ligne, une agora où la collectivité pourra s’exprimer et réfléchir, mais aussi devenir source de nouvelles et participer à la gestion du médium.

Reprenons brièvement l’historique de la démarche du News & Record. Comme l’explique John Robinson, l’éditeur du quotidien, tout a commencé l’été dernier alors qu’on a demandé au chef de la section des nouvelles locales, Mark Sutter, d’engager une recherche/réflexion sur l’avenir des journaux. Ses conclusions ont fait l’objet de nombreux échanges entre les membres de la rédaction du journal, et en décembre on a confié à Lex Alexander, journaliste, le mandat de rédiger une série de recommandations pour faire du quotidien un médium adapté au journalisme participatif. Le document de Alexander est maintenant diffusé sur son blogue, et aussi disponible en format Word.

Les recommandations de Alexander portent sur les pratiques journalistiques et le contenu; son mandat ne comprenait pas l’analyse des moyens techniques, ni le plan d’affaires du projet de refonte du quotidien.

Première constatation : le lectorat du journal est en baisse. À cet égard, la situation du quotidien n’est pas unique, tous les journaux accusent une baisse de leur lectorat. (À titre d’exemple, faut-il rappeler que le Washington Post perd 4 000 abonnés par mois, tendance qui va en s’accélérant selon Adam Penenberg de Wired News.) Évidemment, cette baisse de lectorat (et d’abonnés), entraîne un fléchissement des recettes publicitaires.

«Notre auditoire s’éloigne de l’imprimé au profit d’Internet» écrit Alexander, «et certains de nos lecteurs les plus scolarisés et financièrement à l’aise quittent en emportant avec eux le potentiel de revenus publicitaire. Si nous voulons survivre comme entreprise vouée à la nouvelle locale, à l’information et au dialogue, nous devons réagir en affectant de l’effectif et des ressources. Mais ceci implique davantage que de reproduire en ligne notre produit imprimé. Ça signifie comprendre la culture Internet, et plus particulièrement les blogues, et comprendre comment nous pouvons tirer profit du réseau pour mieux informer le public.»

Les suggestions sont nombreuses : inviter des blogueurs aux réunions de la rédaction, toujours proposer des liens Internet dans les articles, transformer la rubrique nécrologique en blogue avec un moteur de recherche et une possibilité de commentaires, agir comme agrégateur de blogues locaux, exiger que les journalistes lisent les commentaires, construire des wikis locaux, numériser toutes les archives et les rendre accessibles sans frais, etc. Bref, selon Alexander, il faut inverser la tendance, et créer un journal sur Internet avec une version papier.

Jay Rosen qui anime l’influent blogue PressThink se réjouit de la teneur des recommandations, même s’il formule des réticences à l’égard de certaines d’entre elles. Par exemple, Alexander recommande de dresser un profil des journalistes qui contiendrait, entre autres, des informations sur leurs affiliations politiques et religieuses, et ce dans un souci de transparence pour les lecteurs. «Plus délicat à faire que semblent le croire ceux qui le recommandent car il y a ici une question de droits» écrit Rosen, «en matière de transparence, je commencerais par demander aux journalistes d’expliquer qui ils sont, d’où ils viennent, quel est leur bagage d’expérience, et de leur laisser le choix de divulguer des informations plus personnelles.»

Le débat est lancé sur le texte des recommandations de Lex Alexander, comme en fait foi la section des commentaires sur PressThink. Dan Kennedy du Boston Phoenix affirme que la qualité d’un journal repose tant sur ce qui s’y retrouve dans le contenu que sur ce qui a été filtré ou exclu comme information, d’où l’importance de contrôles rédactionnels serrés et l’incompatibilité avec l’esprit des blogueurs.

Faux débat, pour Rosen, et loin de ce que suggère Alexander. «Le concept d’un journal entièrement asservi au contrôle des chefs de rédaction est en péril, non pas parce que le blogueurs ont horreur des chefs de rédaction, mais bien parce que ceux-ci ont horreur d’apprendre, d’apprendre sur le Web, sur le fossé qui les sépare de ceux qu’on appelait avant ‘le lectorat”, sur leurs lecteurs, et aussi d’apprendre des blogueurs.»

Un très beau débat en perspective.
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5.1.05

Compte-mots

Le Comité sénatorial canadien des transports et des communications se réunissait l’automne dernier pour étudier l’état actuel des industries de médias canadiennes, les tendances et les développements émergeant au sein de ces industries, le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne, et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.

Je viens de parcourir les transcriptions préliminaires des témoignages entendus par le Comité à Toronto les 13 et 14 décembre derniers, et à Montréal les 15 et 16 décembre. Je remercie d’ailleurs le personnel de soutien du Comité de sa bienveillance pour m’avoir fait parvenir les fichiers de ces transcriptions qui seront disponibles sous peu sur le site des audiences du Comité. Celles précédant le 13 décembre y sont déjà.

La presse a peu fait de cas de ces audiences et des témoignages entendus par le Comité. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec a mis en ligne la présentation livrée par son président, Alain Gravel, de même que l’Association des journalistes indépendants du Québec.

En une période où Internet change la donne pour tous les médias, et où le phénomène blogue commence (du moins outre-frontière) à secouer les médias établis en fractionnant leur auditoire, je croyais qu’il en serait beaucoup question lors de ces audiences. Erreur.

Les sept fichiers de ces transcriptions d’audiences, chacun relatant une demie-journée, oscillent entre 20 000 et 30 000 mots chacun. Ceci inclut la livraison des présentations des intervenants auprès du Comité, et la période de questions et réponses qui s’ensuit généralement. J’ai parcouru ces fichiers à la recherche de deux mots, soit «Internet» et «blog». Dans ce dernier cas, le logiciel me signalerait autant les expressions blog, weblog, blogue, blogueur, et le reste des déclinaisons possibles.

Voici le résultat du compte-mots pour les sept séances en question.

Toronto, le 13 décembre, après-midi
Internet 7
blog 0

Toronto, le 14 décembre, avant-midi
Internet 2
blog 1

Toronto, le 14 décembre, après-midi
Internet 4
blog 0

Montréal, le 15 décembre, avant-midi
Internet 21
Blog 4

Montréal, le 15 décembre, après-midi
Internet 6
blog 0

Montréal, le 16 décembre, avant-midi
Internet 7
blog 0

Montréal, le 16 décembre, après-midi
Internet 14
blog 0

C’est donc dire qu’au total, en trois jours et demi d’audiences d’un Comité ayant pour mandat d’étudier l’état actuel des industries de médias canadiennes, les tendances et les développements émergeant au sein de ces industries, on a prononcé seulement 61 fois le mot Internet, et six fois une déclinaison du mot blogue.

Et ne jetons pas le blâme aux sénateurs, ils étaient venus entendre le témoignages de l’industrie, et de ceux et celles qui y travaillent. Inutile de dire qu’on n’y est pas allé en profondeur dans l’analyse des nouveaux médias.
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Altermédiation

Philippe Batreau nous annonce la création de deux blogues. Le premier, altermédiation (exploration des nouvelles formes d'intermédiation, d'expression et d'accès à l'information, savoirs, connaissances et loisirs) fait partie des blogues hébergés par le quotidien Le Monde. Le second, Le blogue d’Adminet, prolongement blogue du site Adminet France, Web administratif et citoyen.

Batreau écrit : «Au-delà du phénomène de mode, le blog, carnet de bord, journal intime et/ou individuel, collectif, participatif est le signe, symbole, témoin des nouvelles formes de communication et d’information à l’ère réticulaire. Le blog est le produit, effet et cause de l’altermédiation, cette autre intermédiation, médiation de l’autre et de la reconnaissance. [...] Plutôt que subir le réseau et ses flux qui nous traversent et nous englobent, le blogueur et ses lecteurs les construisent, copyleft. Ils s’approprient cet espace qu’ils viennent de co-créer.»

À suivre.
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4.1.05

Blogs.biz

Le magazine financier Fortune publie un article assez long sur les blogues, intitulé «Pourquoi vous ne pouvez échapper aux blogues» avec en sous-titre «Les blogueurs peuvent vanter votre produit, ou le démolir. Quoi qu’il en soit, ils sont devenus une force qu’on ne peut ignorer.»

WebProNews nous apprend que le monde des affaires s’intéresse de plus en plus aux blogues, que des grandes sociétés embauchent des «spécialistes» en blogues.

Les 24 et 25 janvier à Seattle se tiendra la conférence Blog Business Summit. Pour s’inscrire, prière de verser des droits de 795,00 $ US. Si vous êtes un blogueur reconnu, il y a un nombre limité de places à 395,00 $ US à condition que vous ayez parlé de la conférence sur votre blogue. Pour ce qui est des accréditations de presse, on prévient que le nombre de places est très limité

No comment.
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3.1.05

Le Pew et les blogues

Le Pew Internet & American Life Project vient de publier quelques données sur la blogoshpère, The state of blogging. Ceux et celles qui sont habitués aux volumineux et très étoffés rapports du Pew resteront sur leur faim; le document signé par Lee Rainie, directeur fondateur du Pew Internet & American Life Project et ancien chef de rédaction du très conservateur U.S. News & World Report, se présente davantage comme une note de service de quatre pages. Les données sont extraites de deux sondages menés par téléphone en novembre 2004 auprès d’un échantillon de 1 861 répondants, et comporte une marge d’erreur de 5 %. Précisons également que ces deux sondages ont été menés aux États-Unis.

Des 120 millions d’utilisateurs d’Internet aux États-Unis, 8 millions (7 %) ont créé un blogue. Côté lecteurs assidus, 27 % des utilisateurs en consultent régulièrement, comparativement à 17 % en février 2004, soit une augmentation de 58 % en neuf mois. L’élection présidentielle a été l’occasion pour 9 % des utilisateurs d’Internet de consulter souvent ou parfois des blogues sur la politique. Les lecteurs de fils Web (RSS, XML) recueillent la faveur de 5 % des utilisateurs; c’est la première fois que le Pew mesure l’incidence de cette technologie, et il qualifie ce résultat d’impressionnant. Aussi, 12 % des utilisateurs ont formulé des commentaires sur des blogues, mais pour l’ensemble, seulement 38 % savent ce qu’est un blogue.

Profil type de blogueur : sexe masculin (57 %), âgé de moins de 30 ans (48 %), dispose d’un accès haut débit à domicile (70 %), utilisateurs d’Internet depuis six ans ou plus (82 %), financièrement à l’aise (42 % vivent dans des ménages à revenu annuel de 50 000 $ ou plus), et scolarisés (39 % détiennent des diplômes de premier ou deuxième cycle).

Le profil des lecteurs ressemble à celui des auteurs, sauf pour les personnes récemment attirées par les blogues, un groupe qui compterait plus de femmes, plus de personnes du créneau 30/49 ans, et plus de ménages connectés par ligne commutée.

En octobre 2003, il y a une éternité direz-vous, la société de recherche Perseus publiait les résultats d’une étude sur L’iceberg des blogues, soit que les blogues les plus connus ne constituaient que la partie visible d’un vaste mouvement et n’étaient pas caractéristiques de l’ensemble (voir les considérations de l’auteur sur les nanoauditoires).

Mais malgré le temps qui relativise les données de l’enquête Perseus, cette dernière comportait des pistes d’analyse que l’on aurait aimé voir suivies par le Pew, ou quelque autre organisme de recherche.


Perseus basait ses résultats sur l’analyse de 3 634 blogues en ligne sur huit services d’édition et d’hébergement. Selon Perseus, ces huit services représentaient 4,12 millions de blogues. Or, de ce nombre, 2,7 millions (66 %) n’avaient pas été mis à jour depuis deux mois ou plus; 1,09 millions ne comportaient que le «billet inaugural» sans autre contribution subséquente. La durée de vie moyenne du reste des blogues abandonnés était de 126 jours, 132 000 blogues avaient «tenu le coup» durant un an ou plus, le doyen des blogues abandonnés l’avait été après 923 jours, et 13 600 blogues avaient repris vie après deux mois ou plus d’abandon.

Les constatations démographiques de Perseus détonnaient par rapport à celles du Pew. Par exemple, 51 % des blogues étaient animés par des 13/19 ans, et 56 % par des personnes de sexe féminin. Retour sur l’abandon des blogues, et sans égard aux créneaux d’âges, les hommes (46,4 %) étaient plus susceptibles de mettre un terme à leur publication que les femmes (40,7 %).

Et contrairement à la croyance qui veut que les blogues ne soient que des collections de liens pointant vers des médias traditionnels, Perseus constatait que ce n’était le cas que pour 9,9 % des billets récents sur les blogues répertoriés.

C’est donc ce genre de données, plus qualificatives que quantitatives, et surtout établies de manière longitudinale, que l’on souhaiterait avoir pour analyser la mouvance blogue.
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En guise d'adieu

«L'aventure de Dixit se termine ici. Je crains trop l'ironie de la vie pour oser écrire le mot jamais. Prudemment, je me bornerai à ceci : Dixit disparaît sans promesse de retour.»

Laurent Laplante
Québec, le 3 janvier 2005
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2.1.05

Dan Gillmor, dernier article au Mercury News, nouveau blogue

Dan GillmorDan Gillmor, l’auteur du livre «We the Media» (Nous, les médias) dont je vous parlais il y a quelque temps, a lancé le 31 décembre son nouveau blogue, Dan Gillmor on Grassroots Journalism et signé ce dimanche son article d’adieu pour le Mercury News.

Le livre de Gillmor sur le journalisme participatif (par et pour le peuple), puis l’annonce de son départ du Mercury News pour se consacrer entièrement à un projet en ce sens, ont beaucoup fait jaser le milieu des médias aux États-Unis, et une bonne partie de la blogosphère acquise aux principes que défend Gillmor.

Sans être rabat-joie, il tente cependant de modérer les attentes. «Ce projet est encore embryonnaire» écrit-il, «Je me dois de le préciser car les conversations en ligne et les hypothèses qui ont circulé ont fait planer des attentes absurdes, du moins à court terme. J’ai beaucoup d’idées, certaines très précises, mais le cadre général reste à développer.»

Dans un premier temps, Gillmor entend faire de son blogue une espèce de gare de triage des échanges, des idées et des expériences en journalisme participatif. Premier exemple cité, celui du quotidien News & Record (Greensboro, Caroline du Nord) qui vient de lancer une série de blogues pour se rapprocher de son lectorat et faire du journal, tant dans l’imprimé qu’en ligne, une agora où la collectivité pourra s’exprimer et réfléchir, mais aussi devenir source de nouvelles et participer à la gestion du médium.

(Photo courtoisie de Todd Thacker, OhmyNews)
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À vos compteurs

Depuis une semaine, j’ai l’impression de vivre le nez collé en permanence sur une batterie de compteurs tous aussi sordides les uns que les autres. Christian Christensen, professeur de communication à l’Université d’Istamboul, appelle ça la «pornographie des bilans de victimes».

J’ai trouvé écho à ce sentiment dans le MHM qui publie maintenant sous forme de journal : «le journalisme de crise se vit en journalisme de palmarès : il s'agit désormais surtout d'établir une comptabilité sinistre, puisqu'enfin nous vivons dans la société du Calcul, où la mort même se mesure, comme les prix [...] Nous avons donc le palmarès des victimes occidentales (“Et notre gagnant est... la Suède!”), le palmarès des victimes locales, le palmarès des pays donateurs (où la polémique déjà se développe sur la pingrerie des États-Unis), et LE GRAND COMPTEUR, qui, comme au Téléthon, égrène le Grand Total, ici, tristement, celui des victimes...»

Retour sur la pingrerie des États-Unis dont le compteur d’aide aux sinistrés est passé de 4 à 15 puis à 35 millions de dollars, pour ensuite bondir soudainement à 350 millions. Aurait-on flairé les contrats de reconstruction? Pingres les États-Unis? Mais voyons, quelle idée, car comme le souligne Heather Woksuch n’est-ce pas le pays qui consacre présentement 270 millions de dollars par jour à instaurer la démocratie en Irak?

Il y a aussi d’autres compteurs, des indices, qu’il ne faut évidemment pas perdre de vue, et on lit dans L’Humanité : «Les tsunamis ont tué des dizaines de milliers de personnes, mais les Bourses d’Indonésie et d’Inde battent des records [...] Pour les investisseurs, le chiffre clé, depuis dimanche, n’a pas été le bilan humain catastrophique d’un raz de marée sur les côtes de l’océan Indien, peuplées d’hommes et de femmes qui avaient peu de poids dans les mouvements de l’économie mondiale. Le monde des affaires s’est plutôt penché sur des études constatant que les compagnies d’assurance étrangères sortaient quasiment indemnes des vagues meurtrières [...] “Mais ce n’est pas nécessairement un si grand événement en termes économiques”, remarque Eddie Wong, analyste en chef pour l’Asie chez ABM Amro. “Les dommages subis par les bons hôtels ne semblent pas graves”, note-t-il. “Même si certaines chaînes hôtelières ont pu être affectées, il y a aussi des gagnants en termes économiques tels que les producteurs de ciment”, insiste-t-il.»

Puis, l’étrange compteur birman qui, avec 1 930 kilomètres de côtes, reste obstinément bloqué à 53 disparus. Voisine de la Birmanie, la Thaïlande (3 219 km de côtes) rapporte 4 800 disparus, et le Sri Lanka (1 340 km de côtes, et à même distance de l’épicentre du séisme) 28 000 disparus. C’est vrai qu’en Birmanie, après quatre décennies de régime militaire, on peut aller en prison pour avoir fait étalage de sa pauvreté ou de sa détresse.

Il y a peut-être une vertu à ces compteurs, comme l’explique Christensen. «Les chiffres sont si énormes, et mon expérience de la mort à cette échelle (à n’importe quelle échelle en fait) est si limitée que je ne peux pas comprendre ce qui se passe, je ne peux que me reposer sur les statistiques» écrit-il, ajoutant «La couverture journalistique de la crise est nécessaire pour montrer au monde ce qu’est une crise humanitaire d’envergure, et pour ce faire il faut montrer la mort. Ce dont nous n’avons pas besoin, toutefois, c’est une couverture qui exploite les tendances voyeuristes de notre psyche.»
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