31.1.06

Haïti : sondage et révélations

L’agence haïtienne d’information AlterPresse publie un article sur un sondage visant à évaluer les chances des candidats à l’élection présidentielle du 7 février prochain (voir Trois candidats à la présidence se détachent du lot). Citons ce qui suit : «Selon ce sondage, réalisé entre le 5 et le 12 décembre 2005, l’ancien chef d’État René Préval conserve une grande avance avec 37 % des intentions de vote, suivi de l’industriel Charles Baker avec 10 % et l’ancien Président Leslie Manigat avec 8 %. Les 32 autres candidats se partagent les 45 % restants, mais les pourcentages respectifs n’ont pas été mentionnés dans le rapport consulté par AlterPresse.»

Le sondage a été mené par le cabinet de recherche CID-Gallup basé à San Jose (Costa Rica), filiale de la maison Gallup, et les résultats ont été publiés par Angus Reid Consultants. Ajoutons cette note d’AlterPresse, «Selon les données fournies, 1 200 adultes ont été interrogés durant cette enquête. Aucune marge d’erreur n’a été fournie. Le commanditaire de ce sondage n’a pas non plus été mentionné.» Résumons-nous : commanditaire inconnu, pas de méthodologie, pas de marge d’erreur.

Comment une maison de sondage peut-elle dévoiler quelque chiffre que ce soit quand, de l’avis de personnes sur place, de larges secteurs de la capitale Port-au-Prince et du reste du pays demeurent des enclaves que même les forces de sécurité hésitent à investir? Les sondeurs ne peuvent donc pas avoir accès à ces zones, ce qui fausserait en théorie la représentativité. Les entrevues téléphoniques? Dans ce pays de sept millions d’habitants, selon les chiffres de la CIA pour 2002, le réseau téléphonique par fil (quand il fonctionne) ne serait composé que de 130 000 abonnés (on compterait aussi 120 000 portables).

Par ailleurs, dans son édition de dimanche dernier, le New York Times rapporte les propos de Brian Dean Curran, ex-ambassadeur des États-Unis à Port-au-Prince (2001/2003) qui dénonce les agissements du International Republican Institute en Haïti (voir New York Times, Mixed U.S. Signals Helped Tilt Haiti Toward Chaos). Curran n’est pas le premier ex-diplomate à critiquer ouvertement les politiques de ses employeurs en Haïti, voir à cet égard Relève de la garde (diplomatique) en Haïti (2005/08/10) et Haïti : Foley se vide le coeur (2005/08/14).

Selon Curran, l’IRI aurait miné les tentatives de réconciliation après les élections sénatoriales disputées de 2000, largement financé les groupes d’opposition au président Aristide, et organisé en République dominicaine des séances de «formation» politique pour ces groupes. L’IRI serait aussi associé aux groupes armés qui ont provoqué le départ d’Aristide. Le très long article du Times signé par Walt Bogdanich et Jenny Nordberg se lit comme le scénario d’un thriller politique qui met en vedette Stanley Lucas (directeur de l’IRI à l’époque, issu d’une famille de grands propriétaires terriens), et dans les rôles de soutien des noms biens connus dans ce dossier comme Roger Noriega, Otto Reich, Elliott Abrams, Guy Philippe, Louis Jodel Chamblain.

L’IRI n’a pas tardé à réagir par la voix de son président Lorne Cramer (Statement by IRI President Lorne Craner Responding to The New York Times Article, format PDF) qui réfute évidemment toutes les allégation de l’ex-ambassadeur.
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29.1.06

De Rosnay et le pronétariat

leftL’ouvrage de Joël de Rosnay La révolte du pronétariat : Des mass média aux médias des masses, écrit en collaboration avec Carlo Revelli et publié chez Fayard, est un de ces livres pluriels dans lequel tout le monde trouvera son compte. Il s’articule autour de la théorie selon laquelle «S’organisant en une seule entité, le Web peut faire émerger une intelligence et même une véritable conscience collectives. Il met ainsi en question les relations de pouvoir verticales qui régissent aujourd’hui les sphères de l’économique et du politique.[...] il devient en fait un outil puissant entre les mains des citoyens pour faire naître une économie et une démocratie nouvelles.» L’aspect pluriel vient de ce que de Rosnay appuie son propos sur une perspective historique tirée de son observation de longue date des phénomènes réseaux, qu’il décrit pour les néophytes certaines technologies d’émergence récente, et que sans tomber dans une prospective péremptoire il décrit ce que pourrait être l’effet à long terme d’Internet sur une bonne partie de la population de la planète.

Je ne m’attarderai ici que sur deux points du livre, soit l’état des lieux d’Internet en ce moment, et l’éventuelle conscience collective qui transformera les relations de pouvoir.

Doit-on vraiment parler de Web 2.0? Personnellement, cette notion m’irrite un peu, et je fais partie de ceux qui croient que «les contours de cette nouvelle nouvelle économie demeurent encore flous et l’on pourrait craindre d’être en présence de l’énième terme à la mode» et que «à ce jour, il n’y a pas encore de véritable révolution technologique» pour justifier une balise comme 2.0, et que «les applications sont développées de manière à favoriser l’essor de nouveaux usages inédits, souvent collectifs, de la part des pronétaires». (p. 182).

Je soumettrais que si l’on perçoit un nouvel intérêt pour les applications Web, c’est que nous sommes en présence d’une convergence (au sens de tendre vers un même résultat) où les notions de convivialité et d’expérience sont indissociables. Il est vrai que les applications Web sont de plus en plus conviviales et attrayantes, à preuve les blogues, les services de partage de photos, les services transactionnels, etc. Cependant, on oublie souvent être en présence d’une clientèle réseaucentrique de plus en plus expérimentée. Si on se rappelle l’époque où le nombre d’abonnés à un accès Internet doublait à tous les ans, il fallait donc se rendre à l’évidence : à tout moment, au moins la moitié de la clientèle possédait moins d’un an d’expérience du réseau et des outils, et faisait prudemment ses premiers pas dans la découverte de ce nouvel univers.

Or, depuis que les fournisseurs d’accès ont «fait le plein», les utilisateurs sont de plus en plus expérimentés, maîtrisent mieux les outils, et sont donc plus susceptibles d’essayer et d’adopter des modes de communication évolués. J’ajouterais que la croissance se fera désormais chez les jeunes (démographie oblige) et dans les collectivités jusqu’alors privées de services efficaces ou à haut débit. Dans les deux cas, ces clientèles adopteront d’emblée les services proposés. Mais de là à planter la balise 2.0, il y a tout un pas. D’ailleurs, l’origine de l’expression Web 2.0 est attribuable à Dale Dougherty, v.-p. de O'Reilly and Associates (un éditeur de livres), et à MediaLive International (organisateur d’événements), qui l’ont proposé comme terme «vendeur» pour un série de conférences. Le terme n’est donc qu’un slogan de marketing.

Il est intéressant de lire de Rosnay au sujet de l’intelligence collective et du micro-organisme planétaire (chapitre 7). «Le développement d’Internet rappelle certains des principes fondamentaux mis en oeuvre par l’évolution biologique[...] La leçon que nous apporte la biologie est la suivante : la complexité émerge de la dynamique des interactions entre agents, qu’il s’agisse de molécules, de fourmis ou d’acheteurs dans un marché. Des propriétés nouvelles émergent de cette collectivité organisée. L’individu n’a pas de plan d’ensemble de la structure qu’il construit “de l’intérieur”. Les propriétés de ces systèmes complexes ne sont en aucun cas programmées dans les éléments qui les constituent. La vie, la conscience réfléchie, l’économie, Internet, naissent de manière chaotique, de la dynamique des interactions.»

La théorie n’est pas nouvelle (voir The Global Brain: speculations on the evolutionary leap to planetary consciousness, Houghton Mifflin, Boston, MA, 1983), mais de Rosnay a le mérite de la décrire plus qu’adéquatement et d’en déterminer les modes d’application. Que les acheteurs dans un marché soient des agents interactifs contribuant à une dynamique, l’idée a déjà été cité dans le Manifeste des évidences (Cluetrain Manifesto, 1999).

En 1995, j’ai rencontré à l’occasion d’une conférence à Hull le théoricien Gottfried Mayer-Kress qui me parlait alors de ce «cerveau global» (voir The Global Brain Concept). Pour que la théorie se vérifie, il faudrait d’abord atteindre une masse critique d’utilisateurs de quelques milliards (idéalement dix milliards). Une fois cette masse atteinte, la dynamique entre les «neurones» de ce cerveau planétaire permettrait de s’attaquer efficacement à des problèmes collectifs. Et dans un sens, la planète deviendrait auto-gérée. On est loin du compte, il faudrait d’abord songer à procurer de l’eau potable à la moitié de la population de la planète qui n’y a pas accès. Puis n’y aurait-il pas des lobes prépondérants dans ce cerveau en fonction des cultures, du revenu, de la scolarité, de la langue?

À cet égard, de Rosnay est optimiste, voire rassurant. «Tout le monde craignait l’avènement d’un monde de communication unifié (avec le satellite, le téléphone, le portable et Internet) qui aurait eu pour langue dominante l’anglais. On assiste au contraire à l’émergence d’un monde tribal, avec des valeurs et des cultures propres.[...] Certes, les plus grands sites sont anglo-saxons, en particulier américains.[...] Mais dans tous les pays du monde, des communautés Internet devenues très populaires se sont créées dans leur langue d’origine.» (p.p. 197, 198).

Et sa conclusion laisse place à l’ouverture : «Bien au-delà de ce qu’on appelle aujourd’hui “l’opinion publique”, que mesurent régulièrement les sondages, et bien au-delà de ce que Jung, après Freud, appelait la “conscience collective”, on voit émerger une “coconscience collective réfléchie”.[...] Cette coconscience collective peut rester en lutte en son sein et donc devenir schizophrène. Elle peut aussi allier des ressources autour de grands desseins pour l’humanité. Dans ce cas, reste à savoir lesquels...» (p. 213).
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28.1.06

Google.cn

Google menottéLa décision de Google d’«adapter» son moteur de recherche pour se plier aux exigences de censure des autorités chinoises continue de faire beaucoup de bruit. Et voilà qu’on lit dans La Presse Affaires que «Les dirigeants de Google ont par ailleurs reçu un appui de taille aujourd'hui de la part du patron de Microsoft, Bill Gates. Il affirme que la censure n'est pas une raison pour les compagnies de s'empêcher de faire des affaires en Chine. Devant des délégués réunis au Forum économique de Davos, Bill Gates a dit croire que l'Internet “contribue à l'engagement politique de la Chine”. Il a par ailleurs insisté sur l'importance du marché chinois. Plus de 110 millions de Chinois sont connectés à Internet.» Et voilà, tout est dit. Le mécontentement à l’endroit de Google s’exprime de différentes manières. On lit dans Zorgloob, un blogue consacré à Google, que «Certains propriétaires de blog ont simplement décidé de ne plus afficher d'annonces AdSense sur leur blog, affirmant qu'il ne tolèrent pas de travailler en collaboration avec une compagnie qui se plie si facilement aux exigences d'un État (Google avait refusé de révéler des informations au gouvernement des États-Unis, alors pourquoi a t il cédé pour la chine?)». Puis, il y a les «créatifs». Par exemple, la blogueuse Michelle Malkin invite les amateurs de manipulations graphiques à lui envoyer des logos modifiés de Google témoignant de leur opposition à la censure. Celui affiché plus haut est l’oeuvre du blogueur Murdoc.
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27.1.06

Méchant contraste

Méchant ContrasteLundi, 30 janvier, l’émission Méchant Contraste diffusée à l’antenne de Télé-Québec à 19 heures sera consacrée aux blogues. J’ai eu, comme d’autres blogueurs et blogueuses, le plaisir de m’entretenir avec une des équipes de l’émission (Martine a même photographié l’installation montée pour son entrevue). J’ai bien hâte de voir comment seront traités les sous-thèmes annoncés (Vous avez dit blogue? Une nouvelle forme de journalisme est née, Blogues et blues à la rescousse!, Je blogue donc je suis!, Être plutôt qu'avoir, Un homme de parole). Menu chargé pour 30 minutes. Si vous n’êtes pas libre lundi à 19 heures, rappelons que l’émission est rediffusée à six reprises au cours de la semaine, horaire de rediffusion sur le site Web de l’émission.
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L’individualisme réseaucentrique

CommunicationC’est le concept proposé par Barry Wellman de l’université de Toronto et un des co-auteurs de la plus récente étude du Pew Internet Project (The Strenth of Internet Ties). L’étude porte sur la valeur que les utilisateurs du réseau accordent aux transactions relationnelles et leur importance dans la constitution d’un capital social. Allant à l’encontre de certains hypothèses selon lesquelles la communication en réseau contribuerait à l’isolement des individus, les auteurs de l’étude soutiennent au contraire que les modes de communication dans Internet (et principalement le courriel) servent à constituer des réseaux sociaux solides même si les éléments qui le composent sont dispersés géographiquement.

Autre constatation des chercheurs, la constitution de ces nouveaux réseaux ne se fait pas au détriment des réseaux sociaux de proximité (quartier, village, collectivité) déjà existants. Pour Wellman et les autres chercheurs, plutôt que de compter sur une seule collectivité pour assurer un capital social, l’individualisme réseaucentrique se manifeste par une recherche de diverses personnes et/ou ressources dans Internet en fonction de diverses situations.

L’étude révèle aussi des différences sensibles entre utilisateurs et non utilisateurs d’Internet quant à l’étendue de leurs réseaux sociaux. L’étendue médiane d’un réseau social (liens proches «significant ties» et liens privilégiés «core ties») serait pour l’ensemble de 35 personnes, de 37 pour les utilisateurs du réseau et de 30 pour les non-utilisateurs.

Aux États-Unis (échantillon unique de l’étude), plus de 60 millions de personnes (le tiers des utilisateurs) auraient fait appel à leur réseau social pour prendre des décisions importantes pour la gouverne de leur vie, dont la poursuite d’études ou le perfectionnement professionnel, le soutien à apporter à une personne aux prises avec un problème de santé, le choix d’un établissement d’enseignement pour soi ou pour un enfant, l’achat d’un véhicule, une décision financière, le choix d’un domicile, un changement d’emploi, une maladie dont on est soi-même affecté. Le nombre de personnes sondant ainsi leur réseau social pour obtenir des conseils aurait augmenté du tiers depuis 2002.

Sur le plan technique, on constate un écart entre les utilisateurs branchés à haut débit et ceux reliés par réseau téléphonique commuté. En 2002, 56 % des utilisateurs à haut débit disaient qu’Internet avait joué un rôle «important ou crucial» dans au moins une prise de décision, alors que cette proportion n’était que de 38 % pour les utilisateurs par accès commuté. En 2005, ces taux sont respectivement de 57 % et 38 %.
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Les photos du prix Antoine-Désilets sur le Web

Photo : Robert Skinner

J’ai vu cette superbe exposition de photographies de presse inscrites au prix Antoine-Désilets attribué par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec présentée en décembre dernier lors de son congrès à Québec. Par la suite, elle a été ouverte au grand public jusqu’au 22 janvier à la Maison de la culture Frontenac à Montréal. Elle a maintenant son petit coin Web sur le site de la FPJQ. Heureuse initiative s’il en est une.

Le prix rend hommage à un des grands noms de la photographie au Québec, Antoine Désilets, qui a dans les années soixante à quatre-vingt embelli les pages du quotidien montréalais La Presse. On l’oublie souvent, mais Désilets a aussi écrit un livre d’introduction aux principes de la photographie qui a été d’une aide précieuse pour guider les premiers pas de nombreux amateurs et professionnels de la photo au Québec à l’ère argentique. Les candidats au prix devaient être membres de la FPJQ, et les photos proposées devaient avoir été publiées par une entreprise de presse québécoise entre le 1er octobre 2004 et le 30 septembre 2005. Quarante photos, prises ici et ailleurs, classées en cinq catégories (Feature, Nouvelles, Photo-reportage, Portrait, Sport), quarante instants de vie parfois drôles, parfois pénibles, toujours humains.

Avec la consultation en ligne de l’information, on sent qu’on a perdu le plaisir de voir de bonnes photos de presse un tant soit peu plus grosses qu’un timbre-poste. Peu de médias Web consacrent à la photo d’actualité la place qui lui revient; parmi les exceptions citons quand même les reportages photo de la BBC.

Les photos finalistes et gagnantes au prix Antoine-Désilets nous rappellent qu’il ne suffit pas d’«être là» et d’avoir en main un appareil photo pour évoquer un contexte ou un événement, mais que c’est avant tout une question d’instinct pour le photographe.

Seul bémol à cette présentation Web, la navigation à travers gagnants et finalistes et entre les catégories est moins que conviviale et aurait pu se faire plus efficacement par vignettes. Néanmoins, le contenu vaut le «beau» détour.
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Forum social Québécois 2006

Un site Web pour le Forum social Québécois (FSQ) qui découle de la mouvance du Forum social mondial, issue de la volonté de consolider la société civile mondiale, d'inciter à la participation du plus grand nombre au débat démocratique et de favoriser la convergence des revendications et propositions d'action sociales pour résister face à la mondialisation néolibérale. On y trouve des informations à jour concernant la préparation de cet événement citoyen prévu pour juin 2006, ainsi qu’une section liens et documentation (enrichie au fur et à mesure) dans laquelle on peut prendre connaissance des compte-rendus d'assemblée, des derniers outils édités, des bulletins d'information et de dossiers thématiques liés à la mouvance du Forum social mondial, un calendrier des activités programmées à travers la province, une section programmation grâce à laquelle vous pourrez, d'ici quelques semaines, proposer en ligne des activités pour le FSQ (ateliers, animations, performances, etc...). À ajouter à L’Altercalendrier 2006 que nous proposait le netmag Politis en décembre dernier.
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26.1.06

La révolte du pronétariat

PronetariatJe vien de recevoir l’ouvrage de Joël de Rosnay La révolte du pronétariat : Des mass média aux médias des masses écrit en collaboration avec Carlo Revelli et publié chez Fayard. Tous deux sont associés dans la société Cybion et également co-fondateurs du journal citoyen AgoraVox. Qu’est-ce que le pronétariat? «J’appelle “pronétaires” ou “pronétariat” (du grec pro, devant, avant, mais aussi favorable à, et de l’anglais net, qui signifie réseau et est aussi l’appellation familière en français d’Internet, le “Net”) une nouvelle classe d’usagers des réseaux numériques capables de produire, diffuser, vendre des contenus numériques non propriétaires en s’appuyant sur les principes de la “nouvelle nouvelle économie”» écrit de Rosnay. Je vais m’accorder quelques jours de lecture avant de vous en parler davantage, mais je vous invite à consulter le site pronetariat.com si l’envie vous prend d’explorer le concept que recèle ce néologisme.
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25.1.06

Le constat d’échec de Dan Gillmor

Dan GillmorDans Gillmor, que l’histoire des communications retiendra comme un des précurseurs de la vague de journalisme citoyen, dresse un très dur constat d’échec de sa tentative de mettre en pratique les théories de son livre We The Media (voir le billet Nous les médias? du 28 novembre 2004). Il jette donc l’éponge en ce qui a trait à l’expérience Bayosphere, un site qui se voulait pour et par les résidants de la Baie de San Francisco intéressés à la technologie, premier moteur économique de la région, et entend se consacrer désormais au Center for Citizen Media (CCM), un organisme voué à la promotion du concept de journalisme citoyen. Le CCM, encore en voie de structuration, est affilié au Berkeley’s Graduate School of Journalism de l’université de Californie et au Berkman Center for Internet & Society de la faculté de droit de Harvard, et compte sur l’étroite collaboration de noms bien connus en communication (dont Dave Winer, David Weinberger, Doc Searls, Halley Suitt, Jay Rosen, JD Lasica, Jeff Jarvis, Joi Ito, Simon Waldman).

Rappelons brièvement le propos de We The Media. L’évolution de la presse au vingtième siècle a fait en sorte que les grands médias ont agi comme des prédicateurs, que l’information était livrée du haut de la chaire médiatique, et que le public était libre ou non de gober les propos. Ce public avait peu de recours véritables s’il voulait être entendu : écrire une lettre, envoyer une télécopie, laisser un message sur un répondeur, annuler son abonnement, ne plus syntoniser une émission? Pour Gillmor, ce système a engendré un sentiment d’autosatisfaction et d’arrogance chez les journalistes, et s’il a relativement bien fonctionné (du point de vue des médias) pendant des années, il n’est plus viable à long terme. Le journalisme de demain, la diffusion de l’information, s’éloignera du modèle «sermon» et sera davantage une conversation entre producteurs et consommateurs d’information.

Mais voilà que Gillmor et son partenaire Michael Goff ont été forcés de se rendre à l’évidence. Gillmor écrit : «Au cours de l’été dernier, Michael et moi nous sommes rendus compte qu’il était fort peu probable que nous puissions à court terme conclure une entente de diffusion plus large de notre contenu qui justifierait une levée de capital qui irait au delà de la simple mise de fonds initiale. Nous avions des idées d’activités commerciales qui auraient pu attirer du financement, mais elles n’étaient pas principalement axées sur la promotion du journalisme citoyen, ce qui était d’abord et avant tout mon intention. En septembre, nous avons cessé de dépenser l’argent de nos investisseurs pour soutenir Bayosphere, et l’avons fait à nos frais, en y consacrant notre temps.»

Outre l’absence d’un modèle économique viable, d’autres facteurs ont joué dans l’échec de Bayosphere. Par exemple, les journalistes citoyens ont besoin d’encadrement, de motivation et d’orientation, et doivent comprendre clairement ce qu’on attend d’eux, une tâche à laquelle Gillmor avoue avoir échoué. Gillmor estime aussi que les outils de publication sont très importants, mais qu’ils ne sont en aucun cas un substitut à une solide cohésion de l’équipe de collaborateurs. Il n’aurait pas réussi, dit-il humblement, à inspirer cette cohésion. «Cette transformation dans nos modes de communiquer, de collaborer et de s’informer de ce qui se passe autour de nous ne fait que s’amorcer. Je laisse à d’autre la tâche de prédire l’avenir, mais j’ai confiance que collectivement nous trouverons des solutions» conclut-il.

À la lecture de son texte, on sent un homme certes déçu, mais sans amertume, un homme qui endosse la responsabilité de l’échec. Il a tiré de nombreuses leçons de l’expérience Bayosphere, et entend en faire profiter la collectivité grâce au centre qu’il a fondé. À suivre.
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Bientôt Firefox 2

Firefox, 29,81 %L’outil de consultation Web Firefox, version courante 1.5, sera proposé en version 2.0 d’ici juin ou juillet. Sur le blogue Inside Firefox consacré à l’élaboration des prochaines moutures de Firefox, on dresse le calendrier suivant : premier trimestre 2006, version alpha; version beta vers la fin du second trimestre; version finale vers le début du troisième trimestre. Déjà fort populaire auprès des utilisateurs du Web (en jaune, 29,81 % des consultations sur ce blogue, source : Google Analytics), Firefox 2 offrira des fonctions encore plus conviviales. En plus de l’élimination de bogues connus, on promet une meilleure gestion des marque-pages, des onglets, et des fonctions intégrées de recherche, et on repensera la présentation visuelle.

Reconnaissant la grande vogue des services de courriel Web et la montée en popularité de diverses interfaces invitant les utilisateurs à rédiger des textes en ligne (dont la fonction commentaire des blogues), l’équipe de développement songe à inclure un outil de vérification d’orthographe. Autre ajout qui n’est pas sans intérêt sur le plan du suivi du produit, lorsqu’un utilisateur supprimera Firefox 2 de son système, il sera invité à répondre à un court questionnaire d’enquête sur les raisons motivant son choix.

À en croire les commentaires des utilisateurs à l’annonce sur Inside Firefox de l’arrivée prochaine de Firefox 2, le principal irritant des versions précédentes serait la fuite de mémoire (memory leak) qui fait en sorte que quand un processus se termine, le système est incapable de libérer proprement toute la mémoire qu'il utilisait, occasionnant ainsi une baisse de performance. Notons que ce problème touche principalement les systèmes exploités sous Windows.
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24.1.06

L’étrange «incident» des discours

Mis à part les résultats, certains prévisibles et d’autres étonnants, la soirée électorale a donné lieu à une étrange collision de discours entre le premier ministre défait et le chef du Bloc Québécois. Habituellement, il y a entente informelle entre les chefs de partis et leurs organisations sur l’ordre des discours, le premier à prendre la parole étant celui qui obtient le moins de sièges, suivi des autres chefs en ordre ascendant pour terminer avec le vainqueur. Un des avantages d’une telle convention est qu’on a droit, par l'intermédiaire des médias électroniques, aux discours intégraux de tous les chefs. Or, hier soir, le protocole officieux n’a pas été respecté.

C’est le chef libéral Paul Martin qui a été le premier à s’adresser à la nation. Sauf qu’avant qu’il ne termine son allocution, le chef bloquiste Gilles Duceppe a fait son entrée au lieu de rassemblement de ses troupes, est monté sur scène et a commencer à livrer son propre discours. À Radio-Canada, Bernard Derome s’est montré surpris de la chose, et pendant que M. Martin continuait son allocution il nous a informé que celle de M. Duceppe allait être diffusée intégralement en différé après celle du premier ministre. Ce qui fut fait. À TQS et à TVA, on nous a immédiatement aiguillé sur le discours de M. Duceppe.

Ce qui est dommage, c’est que l’annonce de M. Martin à savoir qu’il ne dirigerait pas son parti à l’occasion des prochaines élections n’a pas été entendue en direct aux réseaux qui ont opté de couper son discours pour diffuser celui de M. Duceppe. Et que ce dernier, alors qu’il tentait de minimiser le recul relatif essuyé par son parti, ne pouvait pour des raisons évidentes connaître la décision de M. Martin. Après que M. Duceppe eut terminé, les journalistes et commentateurs des deux réseaux (TQS, TVA) ont vite fait d’apprendre à leurs téléspectateurs la nouvelle du départ prochain de M. Martin de la vie politique, et de la course à la direction du Parti Libéral qu’il implique.

C’est un détail, direz-vous, mais je me demande quel était l’empressement de M. Duceppe à s’adresser aux «Québécois et Québécoises» alors que le premier ministre (il l’est toujours) n’avait pas terminé son allocution. Disons que le geste était moins qu’élégant.
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23.1.06

Campagne électorale : les blogues auraient eu peu d’effet

C’est ce qu’avance Antonia Zerbisias dans le Toronto Star de samedi (They try, but blogs won't rock the vote). Selon elle, «À deux jours du scrutin, on peut sans crainte conclure qu’ils [les blogues] n’auront pas provoqué de vague susceptible d’influer sur le vote, bien que les médias et les partis politiques aient investi la blogosphère.» Elle reconnaît qu’on manque de données pour quantifier un possible effet sur les intentions de vote, mais cite une enquête Ipsos-Reid selon laquelle seuls les lecteurs de blogues croient qu’ils ont une influence sur l’opinion publique, et que seulement quatre répondants sur dix estiment qu’ils influencent les médias, les partis ou l’élaboration de politiques.

Dans son blogue, elle précise ne rien avoir contre les blogues ou les blogueurs, elle-même en tient un. «Je crois cependant que les blogueurs s’accordent plus d’importance qu’ils n’en ont.[...] Je ne dis pas que d’ici la prochaine élection, ou avant, les blogues canadiens n’atteindront pas une masse critique. Je trouve simplement qu’on se parle beaucoup entre nous.»

Pour Duncan Riley du Blog Herald (un Australien), c’est peut-être que les médias traditionnels canadiens sont plus objectifs que les médias étasuniens, et provoqueraient moins de réactions adverses des blogueurs qu’aux États-Unis.

Ce matin, dans Le Devoir, Bruno signe sa chronique hebdomadaire sous le titre Une campagne électorale plus branchée que jamais et rapporte les résultats du Federal Election Digital Awards de l’édition canadienne du magazine PC World. Sans égard aux programmes des partis, PC World accorde au Bloc Québécois la meilleure mention pour son blogue et son site Web. La suite des résultats dans Le Devoir ou PC World.

Il y a une dizaine de jours, Gwenaëlle Sartre rendait compte d’un article de TV5, sur les blogues des candidats à l'élection présidentielle finlandaise du 15 janvier dernier. «On apprend que la majorité de ces blogues sont des trésors de banalité aux fins de convaincre les électeurs qu'ils vivent une existence semblable à la leur» commentait-elle, ajoutant «Bien que l'impact de ces carnets intimes resterait toutefois très limité, on peut constater que le blogue devient un nouveau mode de communication tendance pour les politiciens. Au Canada, en pleine élection fédérale, seul trois partis parmi les douze ont un blogue : le Parti Libéral du Canada par un blogueur-mystère, le Parti Conservateur du Canada par on-ne-sait-qui, le Bloc Québécois par le chef du parti, Gilles Duceppe, mais pas de banalité.»

Dernière observation de Bruno, «je lisais récemment les propos de l'analyste Web Michel Leblanc, de chez Analyweb, qui disait que c'est Paul Martin qui aura généré le plus d'intérêt sur sa personne dans les blogues qui traitaient de la campagne. Leblanc cite les résultats de l'outil de mesure Blogpulse pour démontrer comment Paul Martin a été le chef de parti mentionné le plus souvent par les carnetiers pendant la campagne. Pour ce qui est des partis, c'est le Bloc québécois qui semble avoir eu la faveur des carnetiers, toutes langues confondues.» Analyse intéressante avec graphiques à l'appui, eu égard aux dates des creux et des pointes.
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22.1.06

Campagne électorale : Le Washington Times s’en mêle

Washington TimesLe Washington Times, influent quotidien conservateur de la capitale étasunienne fondé en 1982 par le révérend Sun Myung Moon, publie ce matin un texte de Jeffrey T. Kuhner sous le titre Canada Crumbling? (Le Canada en train de s’effondrer?). Le texte n’est pas une exclusivité, il a déjà été publié au cours des derniers jours par deux netmags conservateurs, soit Town Hall et Insight on the News auxquels collabore régulièrement Kuhner.

Kuhner n’a pas mis ses gants blancs pour traiter de l’élection de demain. «Les Libéraux ont une puissante machine électorale et une aptitude remarquable à s’accrocher au pouvoir. Ils y ont été pour 28 des 38 dernières années. Durant ce temps, ils ont poussé le pays vers la gauche. Ils ont fait du Canada une version ramollie de la France : la nation est caractérisée par un État-providence hypertrophié, une fiscalité élevée, une culture sociale permissive et une politique étrangère qui repose sur le compromis.»

L’auteur passe en revue les «maux» du pays, dont la menace indépendantiste au Québec et l’aliénation des provinces de l’Ouest. Dans ses mots, «Une solide victoire des Conservateurs est nécessaire, non seulement pour restaurer l’intégrité publique, mais aussi pour favoriser la stabilité politique et la vitalité de l’économie. Les politiques de M. Harper en matière de décentralisation, de réforme constitutionnelle et d’allégement fiscal stimuleront la croissance économique et renforceront la cohésion nationale.»

Il s’en prend aux propos anti-étasuniens émis par l’actuel premier ministre au cours de la campagne, et estime que ceux-ci empêcheront les Conservateurs d’obtenir un gouvernement majoritaire. «Et dans cette éventualité, M. Harper héritera d’un gouvernement faible et inefficace. Les réformes vitales ne seront pas entreprises. L’Ouest continuera de rager de colère. Le nationalisme québécois continuera de prendre prise. Et, tragiquement, le Canada continuera de s’effondrer.»

Au moment d’écrire ces lignes, personne dans la blogosphère n’a encore demandé l’application de l’article 331 de la Loi électorale du Canada (voir billet précédent).
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21.1.06

Campagne électorale : Michael Moore s’en mêle

Michael Moore



Le Canada vit la fin d’une étrange campagne électorale. Une élection prévue depuis longtemps, une campagne qui s’est offert une pause à l’occasion des Fêtes, et un retour aux démarches électoralistes au début du mois dans un contexte qui avait étrangement basculé. Et voilà que l’iconoclaste étasunien Michael Moore s’en mêle.

«Oh Canada, vous n’allez pas vraiment élire un gouvernement majoritaire conservateur ce lundi, non? C’est une blague, hein? Je sais que vous avez un grand sens de l’humour, et assurément un sens très développé de l’ironie, mais là ce n’est plus drôle. Ou peut-être est-ce une nouvelle forme d’ironie canadienne... l’ironie inversée! Ah bon, maintenant je comprends. D’abord vous vous dites contre la guerre en Irak, et ensuite vous élisez un premier ministre qui est en faveur. Vous déclarez que les gays ont des droits égaux, puis vous votez pour un homme qui croit le contraire. Vous offrez aux autochtones autonomie et territoires, et vous votez pour un homme qui veut supprimer toute forme d’aide à ces citoyens les plus pauvres. Wow! Intense! Seuls les Canadiens peuvent réussir un tel tour du chapeau.»

Moore se défend de vouloir s’immiscer dans la campagne et de vouloir dire aux Canadiens comment agir. «Il y a déjà trop d’Étasuniens qui le font» écrit-il. C’est du bon Michael Moore, oscillant constamment entre premier et second degré sur un fond de vérité.

Pourtant, son billet clin d’oeil n’a pas plu au blogueur TorontoTory (conservateur de Toronto) qui l’accuse d’enfreindre l’article 331 de la Loi électorale du Canada en vertu duquel «Il est interdit à quiconque n'est ni un citoyen canadien ni un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et ne réside pas au Canada d'inciter de quelque manière des électeurs, pendant la période électorale, à voter ou à s'abstenir de voter ou à voter ou à s'abstenir de voter pour un candidat donné.»

Et d’ajouter TorontoTory, «S’il s’agissait d’un conservateur, des accusations seraient portées. Les libéraux ont créé cette loi, mais ne la font appliquer que lorsque c’est à leur avantage.»

Ouf! Ok, tout le monde, une grande respiration... et vivement lundi soir pour qu’on en finisse. Et les paris sont ouverts à savoir dans combien de semaines on dépoussiérera les pancartes J’ai pas voté pour ça!.

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20.1.06

Plus de commentaires sur le blogue du Washington Post

Post BlogCe que Philippe Coste de L’Express appelle le Le cyclone Abramoff n’ébranle pas seulement la classe politique de Washington, mais aussi le grand quotidien de la capitale étasunienne. Coste fait le point en quelques mots sur l’affaire de ce puissant lobbyiste : «La dernière transaction de cet “escroc faiseur de pluie”, sa promesse, faite le 3 janvier 2006, de collaborer avec la justice fédérale en échange d'une possible réduction de peine, a semé une panique générale qui en dit long sur l'étendue de son réseau et sur la gravité de l'affaire. Sans attendre ses aveux complets, bon nombre des 300 élus du Congrès (sur un total de 539) connus pour avoir profité de ses largesses, de ses voyages, fonds de campagne ou pots-de-vin, se bousculent pour transmettre leur argent sale à des œuvres de charité.»

Là où l’affaire Abramoff secoue aussi le Washington Post, c’est que les responsables du quotidien ont pris la décision de fermer la fonction commentaire du blogue de la rédaction, là où les journalistes, commentateurs et membres de la direction peuvent s’exprimer en style libre, et les lecteurs formuler leur opinion.

Tout a commencé dimanche dernier lorsque l’ombudsman (médiatrice) du Post, Deborah Howell, a publié un article (Getting the Story on Jack Abramoff, incription requise) sur l’enquête de deux ans du quotidien pour exposer les activités douteuses d’Abramoff. Elle révélait entre autres que les remises d’argent par Abramoff s’étaient faites tant à l’avantage des élus du Parti républicain qu’à ceux du Parti démocrate.

Mais l’affaire Abramoff et l’article de Deborah Howell qui mettait en cause les élus démocrates ont suscité tellement de commentaires virulents sur le blogue que jeudi, 19 janvier, le directeur exécutif de washingtonpost.com Jim Brady a pris la décision de fermer l’option commentaire. (Voir son billet, Comments Turned Off). Brady explique que le but de ce blogue de la rédaction était d’ouvrir un dialogue avec le lectorat, et que ses commentaires contribuaient à maintenir la vigilance des journalistes. «Il y a cependant des choses que nous savions ne pouvoir tolérer, y compris les attaques personnelles, les injures et les propos haineux. Parce qu’un nombre important de personnes commentant sur ce blogue ont refusé de se conformer à ces règles simples, nous avons décidé de ne plus accepter les commentaires pour le moment.»

Rappelons qu’en vertu de certaines jurisprudences, un éditeur de blogue ne peut être tenu responsable de tous les commentaires exprimés par des tiers, mais qu’il se doit de faire diligence pour supprimer ceux qui sont de nature à enfreindre la loi. Avec plus d’un millier de réactions à l’article de Deborah Howell, la tâche de lire tous les commentaires et de supprimer ceux qui portaient atteinte à l’éthique (environ 20 %) devenait tout simplement trop lourde pour le personnel du Post. Jeudi matin, la tentative de Deborah Howell de préciser ses propos (Deborah Howell Responds) n’avait rien fait pour calmer la situation, ayant engendré 300 réactions en trois heures.

Pour bien des éditeurs de blogues médias, la gestion des commentaires et de la crainte des débordements est une véritable hantise. Certains m’en ont d’ailleurs fait part en décembre dernier au congrès de la FPJQ à Québec. Dans le cas du blogue sur la politique «tenu» par Michel Vastel sur le site du magazine L’Actualité, on invite à formuler les commentaires à l’«auteur». Pour l’excellent blogue sur le hockey de François Gagnon (Sans Ligne Rouge sur le site de Cyberpresse), tout semble se faire en direct et sans accrochage.

Enfin, le moins qu’on puisse dire, c’est que Jim Brady n’a pas craint de justifier en ligne, et presque en direct (la discussion était modérée), sa décision. Vendredi midi, il animait une séance d’échange avec les lecteurs du Post dont un de l’Utah qui écrivait «if ya can't stand the heat... Publish partisan lies and not expect a backlash? Get real pal!!! Fire that f***ing b**** forthwith and all's well that ends well, no? Otherwise, batten down the hatches, pal, 'cause there's a storm a brewin' and it's gonna be nasty.» Heureusement que le reste des commentaires volait plus haut et a donné lieu à une discussion intéressante.

Mise à jour, 21 janvier

L’entretien par courriel entre Jim Brady et Jay Rosen (PressThink).
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19.1.06

Dooced?

En lisant le blogue de Martine ce matin, je découvre un article de Sylvie St-Jacques (La Presse) sur les risques de perdre un emploi si on s’aventure à parler en termes peu élogieux de son employeur. Elle écrit : «Dans le jargon des blogueurs, l'expression to get dooced signifie “perdre son emploi à cause de son blogue”. Dooce.com, c'est l'adresse du blogue d'Heather B. Armstrong, ex-employée d'une entreprise californienne du multimédia qui, en 2002, a été remerciée de ses services. Motif officiel de son congédiement : avoir médit contre ses patrons sur son site personnel.»

Mon billet Blogues : Universitaires à risque? en octobre dernier abordait la question des blogues dans le secteur de l’enseignement post-secondaire, et des risques de se voir refuser une promotion ou une titularisation.

Poursuivant mes lectures, j’arrive sur le blogue de Mario Asselin qui traite d’une affaire de révocation d’un directeur de lycée français pour cause de blogue. Une affaire complexe sur laquelle Asselin écrit : «Une page d’histoire de la carnetosphère est peut-être en train de s’écrire, car les choses avancent toujours différemment quand le scandale s’emmêle! Cette “affaire” contient tous les ingrédients pour attirer l’attention des masses sur l’utilisation des blogues dans un contexte éducatif. Beaucoup de nuances restent à faire, mais à court terme, je crois que tous les “édublogueurs” doivent s’intéresser aux effets de ces événements…» À lire.
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5.1.06

Photo numérique : le grand dérangement

photo numériqueSi la photo vous intéresse, que vous ayez ménagé la transition de l’argentique vers le numérique ou encore plongé directement dans les images en megapixels, il vous faut lire l’excellent article de Jean-François Nadeau, La pellicule hors foyer publié aujourd’hui dans Le Devoir. D’abord pour les chiffres, puis pour les réflexions, c’est un texte qui fait le point de belle manière sur le grand dérangement provoqué par la montée en puissance de la photo numérique.

La vente des appareils photo traditionnels ne constitue plus que 1 % du marché, écrit Nadeau, qui poursuit : «Selon une étude du cabinet d'analyses économiques IDC menée à partir des États-Unis, quelque 620 milliards de photos seront prises en 2007 comparativement à 120 milliards en 2003. Chaque mois, toujours selon cette étude, le nombre de photos prises augmente de 18 % à l'échelle planétaire. En moyenne, un utilisateur amateur prend aujourd'hui 75 photos numériques par mois.[...] Un tiers des photographes numériques n'impriment aucune de leurs photos. Seulement 10 % des utilisateurs du numérique impriment toutes les photos qu'ils n'ont pas au préalable jetées par un clic de souris.»

C’est énorme, certes, mais Nadeau brosse aussi un tableau des effets de cette mutation sur de grands noms de la photo (Kodak, Ilford, Leica, Nikon, etc.) et sur certains prétendants au marché (Epson, Sony, Panasonic). Il pose également une question fort pertinente : «Comment se conserveront d'ailleurs ces clichés au fil du temps? Personne ne le sait encore très bien. Alors que la pellicule argentique entreposée dans un environnement normal peut se conserver plus d'un siècle, qui peut dire si un fichier sauvegardé en format jpeg ou en format raw aura une durée de vie aussi grande? Les perpétuelles modifications technologiques et la fragilité des supports informatiques couplées à la nécessité d'énergie rendent suspecte l'espérance de durée de ces nouveaux modes photographiques.»

À cet égard, pour information, j’ai fait de nombreuses recherches sur la pérennité des modes d’archivage sur cédérom pour en conclure deux points essentiels : il faut graver à une vitesse de 4X ou inférieure; il faut graver sur un support de qualité (éviter les CD vierges génériques en aubaine).

En guise de conclusion, Nadeau écrit : «Alors que la photographie argentique était physiquement ancrée dans un territoire et existait formellement quelque part, explique André Rouillé [Ndb. auteur du livre La Photographie, Éditions Gallimard], la photo numérique ne demeure le plus souvent qu'une conjonction mathématique transférable par l'entremise d'Internet partout dans le monde “mais dont l'existence physique première n'existe en quelque sorte nulle part”. Si la circulation d'une photo n'est plus limitée par sa matière, les frontières du numérique n'en existent pas moins, bien qu'elles semblent encore invisibles à l'oeil de nombre de photographes amateurs.»
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