29.7.05

Haïti : Amnesty International s’inquiète, l’ONU en période de déni

Dans un rapport publié ce 28 juillet, Amnesty International dresse un constat sévère à l’endroit du «gouvernement de transition», de la Police nationale et de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) en ce qui a trait à la violence qui règne dans le pays.

«Depuis que le gouvernement de transition a pris ses fonctions début mars 2004, aucun effort sérieux n’a été fait pour s’attaquer au problème du désarmement, malgré une forte augmentation de la violence et des décès par armes à feu.[...] Le gouvernement de transition semble de plus en plus clément à l’égard des anciens militaires et des autres groupes illégaux liés à l’ancienne opposition, tandis qu’il poursuit avec acharnement les factions soupçonnées de soutenir l’ancien président Jean-Bertrand Aristide.[...] Il est apparu en outre que les autorités haïtiennes toléraient certains groupes armés illégaux, tels que les anciens rebelles et les anciens militaires et leurs acolytes, tandis qu’elles poursuivaient les bandes armées présumées favorables à Jean-Bertrand Aristide.»

Concernant la circulation des armes en Haïti, on apprend du rapport de AI que «Des recherches menées en 2004 et 2005 par le programme Small Arms Survey, basé à Genève, montrent que, en Haïti, près de 170 000 armes se trouvent entre les mains de particuliers, de divers groupes armés et bandes criminelles, de services de sécurité et de responsables de l’application des lois. Selon le rapport de Small Arms Survey, il n’existe pas à ce jour de registre complet, précis et actualisé des armes à feu; il existait bien un registre national, mais il a été abandonné, bien que des permis de port d’armes aient été accordés début 2005. Les chiffres officiels donnés dans le rapport indiquent que, en 2001, la police nationale avait enregistré 20 300 armes possédées légalement par des civils.»

Pour ce qui est des rapports qu’entretient la MINUSTAH avec la Police nationale, AI constate qu’il s’agit d’une alliance douteuse, du moins sur le plan des perceptions de la population. «Le soutien dont la MINUSTAH pouvait jouir au sein de la population haïtienne s’amenuise avec chaque violation commise en toute impunité par la police nationale. Ce soutien a aussi diminué chez les habitants des quartiers défavorisés et chez les partisans du mouvement Lavalas - actuellement la principale force politique en Haïti - car la MINUSTAH a pour mission d’aider la police nationale, qui continue de commettre des violations généralisées contre ces deux catégories de population.»

En plus de ces «violations généralisées» contre la classe des démunis et les militants du président dûment élu Jean-Bertrand Aristide, rappelons que huit membres de la Police nationale ont récemment été arrêtés pour leur implication dans ce nouveau fléau que connaît le pays, soit les enlèvements pour rançon (voir le billet Haïti : enlèvements et violences onusiennes).
De plus, comme le rapportait l’Agence haïtienne de presse le 4 juillet dernier, au début du mois, la Police nationale serait un véritable foyer de corruption. «Un responsable du groupe des 184, Charles Henri Baker, a critiqué le premier ministre intérimaire Gérard Latortue qui, a-t-il dit, dénonce la corruption comme n'importe quel citoyen, alors que son rôle est de prendre des dispositions contre les corrupteurs et les corrompus. Gérard Latortue avait dénoncé la semaine dernière l'émission de 2 000 chèques à l'ordre de policiers fictifs. Selon lui, 6 000 chèques sont émis tous les mois alors que la PNH dispose d'un effectif de 4 000 policiers.» Pas de quoi inspirer confiance dans cette police composée entre autres, comme le souligne AI, d’anciens militaires (les Forces armées d’Haïti ont été officiellement dissoutes il y a dix ans).

Quant à la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), et à l’intervention meurtrière du 6 juillet dernier (voir également le billet Haïti : enlèvements et violences onusiennes), l’ONU adopte une attitude prudente. Dans un communiqué (format PDF) émis le 7 juillet, la MINUSTAH a nié avoir ciblé des civils, mais que des opérations dans des quartiers à haute densité de population comportent toujours des risques qu’il y ait des victimes civiles, et qu’elle regrettait toute atteinte à la sécurité des civils.

Selon des témoins indépendants sur place (Médecins sans frontières, journalistes locaux, délégation de syndicalistes étasuniens), l’opération aurait fait au moins 23 morts alors que la MINUSTAH ne reconnaît que 6 victimes, des «bandits» selon le porte-parole.

Kevin Pina, un journaliste en poste en Haïti, commente aujourd’hui dans le quotidien britannique The Independent : «Bon nombre de témoins ont déclaré que les victimes ont été tuées par les forces de l’ONU, la Police nationale n’était même pas présente. J’estime renversant que l’ONU n’ait pas dans une telle mission pris soin d’être accompagnée de médecins et d’ambulances, ce qui serait une précaution élémentaire que l’on soit à la recherche de bandes criminelles ou de civils. Il est révélateur que tant de victimes aient été tirées à la tête. Je crois que l’absence d’ambulances s’explique par le fait qu’ils ne tiraient pas pour blesser, ils tiraient pour tuer.»

Hier le responsable des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Jean-Marie Guehénno, déclarait à la suite d’une séance d’information à huis clos du Conseil de sécurité : «Il est difficile pour la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) d'opérer dans des environnements urbains», indiquant que dans l'idéal il faudrait des capacités spéciales dont elle est dépourvue, telles que des équipes d'intervention spéciales pour capturer des chefs de gangs. «Ce n'est pas tant une question d'avoir des troupes robustes», a-t-il ajouté en réponse à l'évocation de la possibilité du transfert de troupes canadiennes et françaises. Il faut des équipements de nuit, du personnel entraîné. Selon M. Guehénno, «les pays fournisseurs de troupes sont conscients du problème», a-t-il indiqué, ajoutant que la tenue d’élections à l’automne était toujours «possible».

En complément d’information, dans l’hebdomadaire Haïti Progrès, un article qui dérange, Les Canadiens ont-ils été impliqués dans un massacre en Haïti? : «Pierre Pettigrew, en tant que ministre des Affaires extérieures ne saurait tout ignorer des activités criminelles menées par ses troupes en Haïti le jour même du coup d’État du 29 février 2004 et par la suite, comme en rendait compte Anthony Fenton dans plusieurs articles et celui ci dessous, daté du 8 septembre 2004, dont nous vous présentons la traduction de l’anglais. “Le 29 juillet, le commandant du contingent militaire canadien en Haïti, le lieutenant-colonel Jim Davis, reconnaissait au cours d’une téléconférence fort animée par les médias qu’au moins 1 000 personnes avaient été tuées à Port-au-Prince depuis le 29 février. Il reconnaissait aussi que les forces d’occupation avaient pris part à un massacre de 40 à 60 civils Lavalas dans le quartier du Bélair le 12 mars.[...] Il y a encore beaucoup de questions en suspens quant au rôle joué par le Canada dans la planification et l’exécution de ce changement illégal du régime d’un dirigeant populaire démocratiquement élu (et de plus de 7 000 autres fonctionnaires élus), et les assassinats politiques qui sont perpétrés pour faire taire la voix des masses haïtiennes tandis qu’on pave la voie pour de prétendues "élections libres et honnêtes". Le silence général entourant ces faits dans les milieux politiques canadiens doit être rompu, ces faits doivent être divulgués publiquement, et il faut qu’une enquête approfondie sur ces horribles questions se tienne.» À lire.
|

21.7.05

À la bonne heure

Un projet de loi devant les législateurs étasuniens, le Energy Policy Act of 2005 a créé un certain émoi au Canada. C’est qu’en son article 111, le projet ferait en sorte que l’on amende le Uniform Time Act de 1966 pour devancer d’un mois au printemps, puis retarder d’un mois à l’automne, la période dite de l’heure d’été instaurée pour la première fois en 1918 pour des motifs de conservation d’énergie. Cette mesure fut par la suite abandonnée à la fin de la première guerre mondiale, puis reprise de 1942 à 1945 durant le second conflit mondial. Enfin, c’est en 1966 sous l’administration Johnson que le Uniform Time Act était adoptée, harmonisant les pratiques de changement d’heure aux États-Unis. Voir les très complètes explications de Ève Christian, Changement d’heure saisonnier.

Bref, au Canada, on se désole de ne pas avoir été consulté plus tôt si on se fie à ce qu’on a pu entendre à une certaine tribune radiophonique. Comme le souligne à juste titre une intervenante sur le site Web de l’émission, «Comment se fait-il que personne n'avait entendu parler de ce projet de "changement d'heures" chez nos voisins? Le rôle de l'ambassade du Canada n'est-il pas de scruter les projets de lois et voir, avant le fait, les impacts sur notre pays?»

Les commentaires étaient nombreux, on se demandait s’il fallait harmoniser notre changement d’heures à celui qui sera en vigueur aux États-Unis, et on faisait état d’incidences dans des secteurs aussi divers que le transport, les opérations boursières, etc.

Ma question porterait plutôt sur les effets de la modification des dates de changement d’heure sur l’informatique. Tous les ordinateurs récents sont munis d’une horloge/calendrier dans laquelle est programmé le changement d’heure aux dates déterminées par les lois nord-américaines. Faudra-t-il changer ce dispositif pour qu’il ajuste aux bonne dates l’horloge de l’ordinateur, ou devrai-je ajuster manuellement l’horloge quatre fois par année? Ces changements affecteront-ils l’heure inscrite aux agendas électroniques? Existera-t-il une rustine logicielle pour contrer ce problème, et affectera-t-il des systèmes informatiques plus critiques du type de ceux dont on craignait l’implosion au passage à l’an 2000?

Juste des questions, comme ça...
|

20.7.05

Mauvaise nouvelle : RISAL en veille

C’est toujours dommage de voir un site valable interrompre ses opérations, et la mise en veille du RISAL (Réseau d’information sur l’Amérique Latine) en est un bon exemple. On apprenait ces derniers jours que «RISAL s'est mis en “mode veille” ces derniers temps... et pour une durée indéterminée. Des vacances en quelque sorte, mais la rentrée de septembre ne sera pas forcément la rentrée de RISAL. Ça dépendra. RISAL réfléchit à son avenir et son devenir. RISAL se pense. RISAL se pose. Pendant cette période de repos (bien mérité!), nous publierons encore, peut-être, parfois, des articles, en fonction de l'actualité peut-être, mais surtout des envies et des opportunités. Car RISAL ne fonctionne que grâce à l'envie, la volonté et la disponibilité de quelques amateurs passionnés, mais qui par ailleurs ont d'autres projets, et ont besoin d'un peu de liberté et de prendre le large.»

Risal est un réseau de militants de l’information et de traducteurs, pour la plupart non professionnels. Les nombreux reportages, interviews et analyses du site permettent à un public francophone, ne maîtrisant pas l’espagnol, d’avoir accès à des informations et des dossiers souvent négligés par les grands médias. Mais comme le site ne reçoit aucun soutien financier et n’a aucun revenu, que tout est basé sur «la bonne volonté et l’engagement des gens à informer et exprimer leur solidarité par la diffusion d’informations sur des expériences sociales, des enjeux géostratégiques, des luttes et résistances populaires, des réalités économiques en Amérique latine», on comprend les artisans pour cette mise en veille.

Espérons le retour de RISAL, sinon, notre sincère gratitude pour le travail accompli.
|

17.7.05

Haïti : enlèvements et violences onusiennes

Comme le rapportent les grandes agences de presse, Haïti traverse une période de violence sans précédent avec un nombre alarmant d’enlèvements contre rançon. Comme d’habitude, on jette le blâme sur les partisans de Jean-Bertrand Aristide qui voudraient déstabiliser le pays pour empêcher la tenue d’élections prévues pour cette année, et exiger le retour du président dûment élu.

Sans exclure que certains de ces enlèvements soient l’oeuvre des milieux près du président Aristide, en consultant les dépêches de l’Agence Haïtienne de presse (AHP), on peut se permettre de douter que ces actes criminels leur soient uniquement imputables.

En se basant sur des témoignages de personnes enlevées puis libérées, les caractéristiques des enlèvements varient beaucoup. Dans certains cas, elles ont été détenues dans des maisonnettes de bidonvilles, dans d’autres cas dans de luxueuses demeures en banlieue montagneuse de Port-au-Prince. Si des ravisseurs ne parlaient que créole, d’autres ne s’exprimaient qu’en anglais.

Des victimes d’enlèvements ont été transportées dans de vieilles voitures, d’autres dans des véhicules de luxe aux vitres teintées. À cet égard, début juillet, la Police nationale d’Haïti a invité les propriétaires de véhicules à vitres teintées à les faire «déteinter», ce qu’un certain nombre aurait fait.

Des enlèvements ont nécessité la complicité de personnes travaillant dans des banques et institutions financières. Dans un cas, les ravisseurs ont exigé pour rançon une somme importante en dollars US. La victime a dit qu’elle ne disposait pas de cette somme. Les ravisseurs lui ont alors fourni un relevé à jour de son solde bancaire.

Puis, une arrestation effectuée par la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) en a laissé plusieurs perplexes. Tiré des dépêches de l’AHP, «L'arrestation la semaine dernière à Port-au-Prince d'un citoyen haïtien de "bonne famille" pour implication présumée dans de nombreux cas de kidnapping notamment d'étrangers pourrait définitivement effacer le cliché qui veut que tous les cas d'enlèvements soient signés quartiers populaires. Jusqu'à la semaine dernière, la formule toute faite à répéter était la suivante : "kidnapppé à Nazon, Pétion-Ville, Cité Soleil ou Thomassin, direction Bel-Air". Une formule, qui pour beaucoup, aurait pour vocation première de faire de la diversion, fourvoyer les enquêteurs et en même temps justifier et encourager les opérations musclées menées dans les quartiers populaires.[...]

L'arrestation le 23 juin dans les hauteurs de Thomassin d'un certain Jerry Narcius, si c'est effectivement son nom, devrait contribuer à désiller les yeux de plus d''un. Cette arrestation a provoqué tout un tollé. On a tout de suite entendu des gens réclamer de la porte-parole de la PNH qu'elle dise toute la vérité sur cet individu, qu'elle révèle par exemple son identité, comme on le fait d'habitude pour les quidams. On a réclamé que l'individu soit confié à la police et à la justice haïtienne. On a ensuite, le lendemain à l'Aéroport, accusé la mission onusiennne de vouloir soustraire le Narcius à la police parce qu'il serait un de ses employés.[...]

La Mission a rejeté les accusations selon lesquelles Narcius travaillerait pour elle de même que les rumeurs selon lesquelles il serait de nationalité canadienne. La force onusienne a fait savoir que si elle a décidé de prendre en main le dossier c'est uniquement pour protéger l'individu qui est désormais une pièce importante dans le cadre de la lutte contre kidnapping. On le soupçonne même d'implication dans l'enlèvement de la montréalaise Huguette Goulet. Selon les informations, il aurait même déjà fait des révélations qui pourraient conduire à des gens du même milieu que lui et issus d'autres secteurs... pas n'importe lesquels.»

Depuis, plus rien sur cette arrestation, plus rien sur les enquêtes.

Il semble donc qu’il y ait plusieurs modus operandi pour les enlèvements, trop pour qu’ils ne soient attribuables à un seul secteur. On pourrait établir au moins trois types d’enlèvements selon les motifs des ravisseurs : mouvement populaires violents qui voudraient déstabiliser le pays, mouvements politiques qui ont contribué au renversement d’Aristide et qui se retournent maintenant contre les autorités intérimaires et cherchent à miner leur pouvoir, et individus haïtien ou étrangers qu’on associerait au banditisme pur et simple. D’ailleurs, huit membres de la PNH ont été arrêtés récemment pour leur implication dans des enlèvements.

Puis il y a les violences onusiennes, celles perpétrées par la MINUSTAH, qui ont atteint un sommet inégalé le mercredi 6 juillet. C’est ce jour que 350 soldats de la force onusienne, appuyés par 35 blindés et deux hélicoptères, ont mené une opération dans le bidonville de Cité Soleil à la recherche d’un certain Emmanuel «Dread» Wilmé. Le porte-parole de la MINUSTAH a déclaré que l’opération s’était soldée par la mort de cinq présumés bandits et avait fait quelques blessés. Toutefois dans le même temps, cité par l’AHP, un porte-parole militaire Eloifi Boulbars affirmait que «beaucoup de bandits» avaient été abattus. (Voir aussi AlterPresse, 6 juillet, et communiqué format PDF de la MINUSTAH.)

Le commandant militaire de la MINUSTAH, Augusto Heleno Ribeiro, s'est déclaré «satisfait de l'opération militaire» ayant conduit à la mort de l'activiste Dread Wilmé. Augusto Heleno a fait savoir que l'opération du 6 juillet a été menée pour prouver aux bandits que les forces de l'ordre ont la capacité de rétablir la paix dans le pays. «Nous voulions démontrer aux bandits que nous avons les moyens, la volonté et la puissance qu'il faut pour les mettre en déroute», a-t-il déclaré.

Plusieurs milliers d'habitants de Cité Soleil ont participé le samedi suivant aux funérailles de Wilmé, dont le cercueil couvert du drapeau haïtien était exposé sur la place de Soleil 19. Les milliers d'habitants de Cité Soleil qui ont rendu hommage à Dread Wilmé le présentent comme quelqu'un qui s'est battu en faveur des pauvres de ce bidonville.

Mais toujours selon l’AHP, les images diffusées par des télévisions haïtiennes ont montré que les opérations menées à Cité Soleil en vue de la capture du chef de bande Dread Wilmé «ont été menées sans aucune méthode et de façon indiscriminée, ont fait savoir lundi des représentants de divers secteurs de droits humains. Ces images ont montré une multitude de maisonnettes trouées de balles, des toits de maisons transpercés de haut et des dégâts considérables. Ce qui laisse croire, selon des militants de droits de l'homme que les soldats et les policiers qui ont été impliqués dans cette opération n'ont pas eu de cibles précises, mais ont plutôt frappé les yeux fermés.»

Selon «... une organisation américaine de droit de l'homme, le Labor Human Right [Labor/Human Rights Delegation, sous l’égide du San Francisco Labor Council] qui se trouvait en Haïti au moment de l'opération de la MINUSTAH[...] pour participer au congrès de la CTH [Confédération des travailleurs haïtiens], de nombreuses maisons, une église et une école ont été atteintes. Des transformateurs de courant ont également été brisés. Selon le rapport du Labor Human Right, des témoins ont rapporté que des habitants qui tentaient de fuir ont été abattus. D'autres ont été tués à l'intérieur de leurs maisons. Des corps auraient également été emportés par les soldats étrangers, indique encore le rapport du Labor Human Right qui estime que le nombre des victimes pourrait atteindre les 50.» (Voir le communiqué du 9 juillet.)

Le Comité de Défense des Droits des Haïtiens (CDPH) a fait savoir que les opérations du 6 juillet visent à éliminer les pauvres des quartiers populaires. Ronald St-Jean a rappelé à l'élite intellectuelle qu’elle a toujours qualifié de bandits et de sauvages ceux qui luttent pour le changement et la libération du peuple haïtien. «On n'attendra pas 20 ou 30 ans pour voir des hommes et des femmes présenter leur thèse de doctorat sur la vie de Dread Wilmé.»

Guyler C. Delva, secrétaire-général de l'Association des Journalistes Haïtiens (AJH), a déclaré que la violence est condamnable d'où qu'elle vienne, «Souvent je constate dans mes reportages des corps de citoyens déchiquetés par des balles dans les corridors de quartiers comme Bel-Air, Cité Soleil, des gens qui gisent dans leur sang les tripes dehors et la tête éclatée sans pourtant faire partie des gens recherchés». M. Delva a souligné par ailleurs que Médecins sans frontières (MSF) avait reçu 27 corps suite à l'opération conduite le 6 juillet dernier à Cité soleil. Trois quarts d'entre eux étaient des femmes et des enfants.

Le Comité des Avocats pour le Respect des Libertés Individuelles (CARLI) a exigé de la Police nationale et de la MINUSTAH, au nom du droit à la vie universellement reconnu, qu'elles donnent des explications détaillées sur les événements du mercredi 6 juillet à Cité Soleil. «Au cours de l'opération menée par la police nationale et la MINUSTAH contre Dread Wilmé, plusieurs membres de la population civile ont été tués et des dizaines de maisons de familles pauvres vivant dans ce bidonville criblées de balles», écrit le CARLI dans une communiqué de presse en date du 10 juillet 2005, envoyé à l'AHP.

Ce jeudi 14 juillet l'ambassadeur de France en Haïti, Thierry Burkard, a salué le courage de la MINUSTAH qui s'est montrée déterminée, a-t-il dit, à aider à mettre un terme à cette violence qui s'est enracinée dans le pays...

En complément d’information, Evidence mounts of a UN massacre in Haiti du Haiti Information Project. Nota : certaines photos pourrait être dérangeantes.
|

Sondages : notoriété des blogues et censure

Deux sondages sur des thèmes différents se recoupent au moins sur un point : les blogues sont mal connus et reconnus. News.Com rapporte les résultats d’un sondage mené par le service d’hébergement Hostway auprès de 2 500 utilisateurs d’Internet aux États-Unis. Le thème principal du sondage était la limite de la liberté d’expression des blogueurs (j’y reviendrai plus bas), mais un tiers des répondants n’avaient jamais entendu parler des blogues avant de participer à l’enquête, un tiers en avaient entendu parler, et un tiers disaient en avoir consulté.

On pourrait prétendre que la notoriété des blogues progresse, du moins si on compare ces résultats à ceux de sondages antérieurs (dont celui du Pew qui estimait en février 2005 à 16 % le nombre d'utilisateurs qui avaient consulté des blogues). Mais il convient, de mettre ces résultats en parallèle avec ceux d’un autre sondage, celui-là de Nielsen/Netratings, dont certains éléments sont présentés sur Buzzmetrics.

Charlie Buchwalter, chef de la recherche chez Nielsen/Netratings, participait à une conférence au cours de laquelle il a livré les résultats d’une enquête récente sur le lectorat des blogues. Les recherchistes ont exploré cinq comportements à partir d’un échantillon de la population générale, à savoir :

A) Consulter quotidiennement des blogues
B) Consulter occasionnellement des blogues
C) Savoir ce qu’est un blogue, mais ne pas vraiment les consulter
D) Avoir entendu parler des blogues, mais ne pas savoir exactement ce qu’ils sont
E) Ne jamais avoir entendu parler des blogues

Seulement 6 % des répondants ont dit faire partie des catégories A et B (consulter quotidiennement ou occasionnellement des blogues). Nielsen/Netratings a ensuite poussé plus à fond la recherche pour tenter d’établir un profil des ces répondants, et il semble pour les analystes que ce profil ressemble à celui des adoptants précoces d’Internet.

Ils ont repris avec cet échantillon les cinq thèmes cités plus haut. Et c’est là que les révélations statistiques sont les plus renversantes. De ceux et celles qui consultent des blogues, 13 % ont répondu ne jamais avoir entendu parler des blogues, et 50 % savoir ce qu’est un blogue, mais ne pas vraiment les consulter, ou avoir entendu parler des blogues, mais ne pas savoir exactement ce qu’ils sont! En clair, près des deux tiers des répondants qui consultent des blogues ne savent pas que ces sites sont des blogues et les confondent avec des sites Web généraux.

On pouvait douter de sondages antérieurs selon lesquels les blogues étaient très peu connus et que leur influence était donc marginale, mais les résultats de Nielsen/Netratings viennent expliquer les écarts entre perception et données statistiques. Il serait intéressant de voir si au cours des prochains jours les résultats circonstanciés de l’enquête de Nielsen/Netratings figureront sur son site Web.

Parlons maintenant de censure et du sondage de Hostway réalisé aux États-Unis. Dans une grande majorité (80 %), les répondants estiment qu’on devrait interdire aux blogueurs de publier des adresses de résidence ou autre renseignements personnels d’individus, 72 % des données personnelles sur des personnalités connues, 68 % des renseignements personnels sur des personnalités publiques élues ou nommées à leurs postes.

Pour ce qui est des habitudes de consultation des blogues, la plupart des utilisateurs qui les consultent recherchent de l’information sur la politique ou les affaires publiques.

Pour 52 % des répondants, les blogueurs devraient jouir des mêmes droits que les journalistes, même si 39 % d’entre eux croient que les blogues sont moins crédibles que les journaux. Blogueurs ou journalistes? La question se pose toujours alors que la FEC (Commission fédérale des élections) songe à étendre la réglementation relative au financement des campagnes à la blogosphère.

On est ici dans un volet délicat du positionnement des blogues. Au cours du dernier cycle électoral, on a appris après l’élection que des blogueurs avaient été rémunérés pour publier des billets favorables à certains candidats, sans qu’il n’eut été fait mention sur le blogue de cette rémunération.

La solution, dans un souci de transparence, serait-elle dans une notice de divulgation de liens commerciaux, de commandite et/ou politiques de blogueurs?
|

14.7.05

Succession présidentielle aux États-Unis

Les dispositions constitutionnelles régissant le remplacement du président des États-Unis en cas de son renvoi, de sa démission ou de son décès ont été remises à l’ordre du jour après que les attentats du 11 septembre 2001 eurent démontré la possibilité de «décapitation» des corps législatif et exécutif. Il est facile d’imaginer l’ampleur du bouleversement que créerait une attaque massive et simultanée sur la Maison blanche et le Capitole à Washington où sont situés la Chambre des représentants et le Sénat.

Le service de recherche de la Bibliothèque du Congrès vient de publier un aperçu et une analyse des divers projets de lois à l’étude visant à assurer la continuité gouvernementale en cas de désastre majeur. Le document, Presidential Succession: An Overview with Analysis of Legislation Proposed in the 109th Congress (format PDF) a été préparé par Thomas H. Neale de la division Gouvernement et Finance de la Bibliothèque du Congrès.

Les dispositions courantes veulent qu’en cas de renvoi, de démission ou de décès du président, il soit remplacé par le vice-président. D’histoire récente, on se souviendra que c’est Gerald Ford qui remplaça Richard Nixon quand il démissionna en 1974, et que Lyndon Johnson accéda à la présidence après l’assassinat de John Kennedy en 1963. Si le poste de vice-président devient vacant, c’est le président qui désigne son successeur, un choix qui doit obtenir l’aval d’une majorité de votes aux deux chambres du Congrès. C’est de cette manière que Gerald Ford avait remplacé Spiro Agnew qui avait démissionné en 1973, et que Nelson Rockfeller succéda à Gerald Ford dans les circonstances que l’on sait.

En vertu du Succession Act de 1947, si ces deux postes (président et vice-président) sont vacants, c’est le président de la Chambre des représentant qui devient président. Et si ce poste est vacant, c’est le président du Sénat à qui revient la présidence. Enfin, si tous ces postes sont vacants, il existe une liste hiérarchique de membres du Cabinet à qui reviendrait la présidence qui sont, dans l’ordre : les secrétaires d’État, au Trésor et à la Défense, l’Attorney General (Justice), puis les secrétaires d’État à l’Intérieur, à l’Agriculture, au Commerce, au Travail, à la Santé et aux Services sociaux, à l’Habitation et au Développement urbain, au Transport, à l’Énergie, à l’Éducation et aux Anciens combattants.

Malgré toutes ces dispositions, s’il y a des projets de lois visant à amender le processus de succession à la présidence, c’est qu’il y a eu création en novembre 2002 d’un nouveau poste au Cabinet, celui de la Sécurité intérieure (Homeland Security). Or, la loi disposant de la création de ce nouveau poste (P.L. 107-296) ne prévoyait pas d’inclure son titulaire dans la liste hiérarchique des successeurs possibles au président, et aucune mesure permettant de la faire n’a été prise depuis.

Deux projets de loi (S. 422 et H.R. 1455) prévoient de remédier à la situation. Les deux projets ont en commun qu’ils placeraient le titulaire du poste de secrétaire à la Sécurité intérieure au huitième rang de la chaîne de succession présidentielle, immédiatement après l’Attorney General, et non au dix-huitième rang comme le voudrait la convention.

Selon l’analyste de la Bibliothèque du Congrès, cet écart avec la tradition voulant que le titulaire de tout nouveau poste au Cabinet soit ajouté en bas de liste des successeurs possibles est attribuable à des inquiétudes ravivées sur la continuité de gouvernement. «On souligne qu’il y aurait deux avantages à la position prévue du secrétaire d’État à la Sécurité intérieure dans la chaîne de succession. Premièrement, le Secrétariat à la Sécurité intérieure sera un des plus gros ministères et un des plus importants du corps exécutif, et bon nombre de ses attributions ont trait directement à la sécurité et à la capacité de réaction de la nation. Ces deux arguments jouent pour lui attribuer un rang élevé dans la liste hiérarchique. Deuxièmement, comme le titulaire de ce poste aura en ces matières des responsabilités importantes, il possédera des connaissances et des compétences qui justifient qu’il ait préséance sur dix autres secrétaires d’État si un désastre sans précédent s’abattait sur le corps législatif.»

L’auteur du rapport de recherche souligne cependant la possibilité de critiques à l’endroit de ces projets de loi. D’une part, on pourrait taxer leurs auteurs d’alarmisme injustifié. D’autre part, accorder un rang si élevé dans la hiérarchie de succession à ce secrétariat constituerait un précédent et semblerait lui accorder un statut de «super ministère» incompatible avec sa loi constituante.

En septembre 2003, un comité sénatorial a tenu des audiences sur la question de la succession présidentielle. John C. Fortier, directeur exécutif de la Commission sur la continuité du gouvernement de l’American Enterprise Institute (cellule de réflexion rendue très visible par un de ses directeurs, Richard Perle) y est allé d’une suggestion qui a étonné plusieurs législateurs. Le Congrès créerait un certain nombre de postes officiels (quatre ou cinq) dont le mandat des titulaires consisterait à se tenir prêt, au besoin, à occuper la présidence par intérim. Les titulaires de ces postes seraient désignés par le président et leur nomination devrait recevoir l’aval du Sénat. Il pourrait s’agir d’anciens présidents ou vice-présidents, gouverneurs, membres du Cabinet ou du Congrès, bref des personnes ayant une bonne connaissance des rouages gouvernementaux. Ils seraient ponctuellement informés des dossiers courants et pourraient servir de conseillers au président.

Selon Fortier, ils ne seraient pas nécessairement résidants de Washington, un avantage en cas de tentative de «décapitation» de l’appareil gouvernemental. Leur rang dans la chaîne hiérarchique de succession serait plus élevé que certains membres du Cabinet, peut-être au sixième rang après le secrétaire d’État à la Sécurité. Variante proposée par Fortier : la création de postes d’assistant vice-présidents dont les responsabilités seraient identiques à celles des postes que créerait le Congrès.

Pour sa part, toujours devant le comité sénatorial, le professeur Howard Wasserman de la faculté de Droit de la Florida International University a proposé la création d’un poste de premier secrétaire du président, qui serait nommé par le président et confirmé par le Sénat. Ses responsabilités seraient les mêmes que celles des titulaires de postes suggérés plus haut. «Cette personne devrait être en contact avec le président et son administration, un membre actif du Cabinet, au courant et investi dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques» disait Wasserman. Cette suggestion ne tient pas compte de la vulnérabilité du premier secrétaire en cas de tentative de «décapitation» de l’appareil gouvernemental, vu l’importance accordée à une certaine proximité du président.

Pour l’auteur du rapport, Thomas H. Neale, il est assuré que le Congrès inscrira le secrétaire d’État à la Sécurité dans la liste hiérarchique de succession présidentielle. Après tout, le poste a été créé en novembre 2002 et il serait temps de remédier à l’oubli. Pour ce qui est des autres propositions, il est moins certain qu’elles soient sérieusement examinées à court terme, malgré que le débat soit lancé sur leur pertinence.
|

11.7.05

Tirages de photos argentiques et numériques

Etude en vertJ’ai eu récemment avec diverses personnes des échanges sur la photographie, entre autres sur les tirages de photos numériques et ce qui les distingue des tirages argentiques. Pour les tirages de photos courantes, la différence importera peu, et on reconnaîtra la rapidité et le bas prix du numérique maintenant à la portée de tous. Il en est autrement de tirages en formats plus grands (supérieurs au format A4) qui seraient destinés à l’exposition ou à la vente. D’une part, les fabricants de matériel d’impression garantissent désormais une stabilité des encres standard qui assurerait un minimum de dégradation de l’image imprimée sur une période assez longue; il en va de même pour le papier. On peut aussi se procurer des encres et des papiers dits de «qualité archive», plus chers mais réputés avoir une durée de vie de plus de 100 ans. Bien sûr, pour n’importe quel tirage, il importe qu’il soit conservé dans des conditions idéales de température, d’humidité et d’exposition aux rayons UV.

Mais les tirages de photos numériques pourront-ils concurrencer sur le marché des acheteurs les tirages argentiques? La preuve n’est pas encore faite.

La vente de photos en galerie ne date que du milieu des années soixante-dix quand elle a timidement fait son apparition à New York. Depuis, il existe entre autres chez nos voisins un marché florissant de la «photo d’art». Comme le souligne Richard B. Woodward dans un article paru dans The Atlantic Monthly en juin 2002, Too Much of a Good Thing, une photographie de Man Ray s’est vendue un million de dollars en 1999. Des auto-portraits satiriques de Cindy Sherman qui se confondent en critique sociale se vendent 250 000 $, des photos en format géant de Andreas Gursky vont chercher 600 000 $.

Il s’agit bien sûr d’originaux, tirés du vivant de l’auteur et par l’auteur lui-même ou sous son étroite supervision. Les marchands et collectionneurs s’entendent pour qualifier ces tirages d’«époque» (vintage). Habituellement, il y a un nombre limité de tirages d’une seule photo, sinon un tirage unique, réalisé par l’auteur, immédiatement ou peu de temps après qu’il eut capté l’image sur support argentique. La valeur de ces tirages sur le marché est beaucoup plus élevée que les tirages subséquents ou posthumes (contemporary) des oeuvres d’un photographe.

Woodward écrit : «Cette hiérarchie comporte une certaine logique. Les tirages d’époque sont plus rares, et ce qui est rare renferme un plus grand potentiel sur le marché des collectionneurs. Ce qui est moins logique c’est la croyance romantique que ces tirages reflètent davantage les intentions du photographe. Même si le matériel de chambre noire ou la technique d’un artiste s’améliore au fil du temps, comme c’est souvent le cas, on estime que les premiers tirages nous rapprochent du moment de la création.»

HineC’est dans le cadre du scandale autour de certaines photos de Lewis Hine que Woodward a écrit son article. Hine est un des grands photographes classiques étasuniens, réputé pour ses photos de la construction de l’Empire State Building, de l’arrivée des immigrants à Ellis Island, et du travail des enfants en usine et dans les champs au tournant du siècle dernier. Un collectionneur avait acheté à fort prix d’un propriétaire de galerie trois tirages que le vendeur certifiait d’époque. Mais dans les semaines et mois qui suivirent, l’acheteur vit de nombreux autres tirages de ces mêmes photos dans d’autres galeries. Des expertises techniques ont permis d’établir qu’il s’agissait d’originaux, mais de tirages posthumes plutôt que de tirages d’époque. Le vendeur, qui avait en sa possession quelques négatifs originaux de Hine, avait décidé de remplir ses goussets, mais se vit contraint de rembourser l’acheteur pour ces tirages faussement présentés.

Woodward pose certaines questions pertinentes sur la photographie d’art. Qu’est-ce qui constitue l’«original» en photographie, le négatif ou la diapositive d’origine ou le tirage? La valeur qu’on attribue à une photo découle-t-elle du cadrage du sujet ou de l’amalgame subtil des tons et des couleurs réalisé au creuset de la chambre noire? Une personne qui réalise un tirage posthume à partir d’un négatif d’un photographe, et qui vend ce tirage comme étant un tirage d’époque, devrait-il être tenu coupable de contrefaçon, ou d’un délit moindre?

Tentons de reprendre maintenant certaines de ces questions dans le contexte de la photographie numérique, de la «chambre blanche» et du marché émergent des tirages.

pixel inactifQu’est-ce qui constitue l’original d’une photo numérique? Le fichier tel que saisi sur la carte mémoire, le fichier traité avec certains logiciels pour réaliser le tirage, ou le tirage lui-même? Peu de gens que je connais imprimeront un fichier photographique sans procéder à quelques ajustements, si ce n’est que pour corriger les redoutés pixels inactifs (dead pixels, illustré ici en grossissement 1600 %) ou supprimer la saturation couleur pour arriver à un résultat noir et blanc. Évidemment, certains fichiers exigent un traitement plus approfondi, comme la série Un autre Plateau où l’effet obtenu est le résultat de plusieurs algorithmes PhotoShop qu’il faut appliquer en séquence.

On aurait donc tendance, généralement, à dire que l’original serait le fichier utilisé pour réaliser le tirage. Par contre, à l’impression, un fichier peut donner des résultats sensiblement différents selon la marque de l’imprimante ou du papier utilisé. Certains résultats seraient même impossibles à reproduire fidèlement, selon mon expérience, en changeant de plate-forme, par exemple en passant pour une photo d’une combinaison imprimante/papier Epson à une combinaison Canon ou HP. Cette constatation pourrait militer en faveur du tirage comme original, mais pourrait être atténuée par l’inscription des détails techniques de l’impression dans un catalogue raisonné.

InconnueLa question à savoir si la valeur d’une photo est liée au cadrage et à la technique de prise de vue du sujet (focale, profondeur de champ, temps d’obturation, etc.) ou à la maîtrise de la technologie du tirage (chambre noire ou chambre blanche) est commune à l’argentique et au numérique, tenant bien sûr compte des considérations précédentes sur l’impression de photos numériques. En fait, tout est dans l’oeil de l’acheteur, un photo plaît ou ne plaît pas, séduit ou laisse indifférent.

En numérique, la troisième question de Woodward sur la fausse représentation d’une oeuvre (d’époque par l’auteur ou autrement par des tiers) laisse songeur en raison du perfectionnement des outils d’imagerie. Avec un numériseur bas de gamme (moins de 100 $), il est possible de constituer un fichier numérique d’un tirage, puis d’imprimer ce fichier; la différence entre l’original et la copie numérisée est à toutes fins pratiques imperceptible à l’oeil nu. Dans le cas d’un tirage 8X10 pouces, il s’agit de numériser à résolution maximale, puis d’imprimer tel quel le fichier obtenu.

C’est cette facilité de reproduire et de multiplier à faible coût des photos numériques qui, à terme, pourrait freiner la vente de tirages à des acheteurs en quête d’originaux. On pourrait parler de certificats d’authenticité, mais ces derniers sont aussi très simples à contrefaire.

La solution, si solution il y a, serait peut-être de n’acheter que de l’auteur ou d’une galerie qui le représente en exclusivité.
|

9.7.05

Attentats de Londres : encore des questions

Justin Raimondo revient sur la nouvelle voulant que le ministre israélien des Finances Benjamin Netanyahu qui effectuait un séjour à Londres ait été prévenu des attentats «quelques minutes» avant qu’ils ne se produisent (London Terror Tip-off: Timeline Refutes Israeli Denial).

Le ministre des Affaires extérieures, Silvan Shalom, affirme : «Après la première explosion, notre ministre des Finances a reçu instruction de ne pas se déplacer.» Or, écrit Raimondo, le problème avec cette version des faits est que ce n’est qu’après la troisième explosion que la police londonienne s’est rendue compte qu’elle faisait face à une attaque terroriste. Jusqu’alors, elle croyait à une suite d’incidents provoqués par une saute de courant dans le métro, comme l’indique la chronologie des événements dressée par le Autralian Times-Herald.

«Même si on prête foi aux déclarations du ministre Shalom» dit Raimondo, «il y a cependant une étrange anomalie : il aura fallu une heure entière à la ville de Londres pour constater qu’elle était sous le coup d’une attaque, alors que Netanyahu en a été informé bien avant tout le monde, y compris le premier ministre Tony Blair. Que savait Netanyahu, et quand et comment l’a-t-il appris?[...] Ces questions méritent des réponses franches. Comment se fait-il que personne ne les pose?»

Par ailleurs, le New Zealand Herald rapporte que selon un employé néo-zélandais de l’agence Reuters, deux de ses collègues britanniques ont été témoins d’un incident à l’extérieur de l’immeuble de la HSBC dans le secteur de Canary Wharf à Londres. La police aurait fait feu sur deux commandos suicides porteurs de bombes à 10h30 (heure de Londres), soit près de deux heures après la première explosion. Par la suite, on a demandé aux 8 000 occupants de l’immeuble de 44 étages de s’éloigner des fenêtres et de ne pas quitter l’immeuble pour au moins six heures. La présence d’un très grand nombre de policiers sur les lieux à ce moment est par ailleurs confirmée par le Globe and Mail de Toronto qui cite Brendan Spinks, un courtier en placement canadien qui travaille dans l’immeuble de la HSBC.

Jusqu’à présent, la police londonnienne n’a émis aucune déclaration sur l’«incident» de Canary Wharf.

Encore des questions.
|

8.7.05

Attentats de Londres : qui savait quoi (et quand)?

Le chroniqueur Justin Raimondo de Antiwar.com rapporte dans un article solidement documenté de nombreux faits occultés dans la couverture des attentats de Londres par les autres médias (London Terror Mystery), à savoir que l’ex-premier ministre et actuel ministre des Finances israélien Benjamin Netanyahu qui effectuait un séjour à Londres, aurait été prévenu à l’avance des attentats. Étrangement, les premières dépêches de l’Associated Press faisant état de cette mise en garde ont par la suite été corrigées, les autorités israéliennes qui dans un premier temps confirmaient l’avertissement se rétractent, et la police britannique nie toute l’affaire.

La première dépêche de l’Associated Press rapportait que selon un responsable israélien, la police britannique (Scotland Yard) avait informé l’ambassade d’Israël à Londres, quelques minutes avant les explosions, qu’elle avait reçu des avertissements relatifs à une possible attaque terroriste à Londres. Netanyahu avait prévu assister à une conférence sur l’économie qui se tenait dans un hôtel jouxtant une des stations de métro ciblées par les attaques et où il y avait retenu une chambre. Selon le responsable israélien, sur la foi de cet avertissement, Netanyahu a décidé de ne pas quitter sa chambre d’hôtel, et ne l’a fait qu’après les explosions. Par la suite, les dépêches de l’Associated Press ne mentionnent plus Scotland Yard, et font état d’un avertissement que Netanyahu n’aurait reçu qu’après les déflagrations.

Cette information sur un avertissement préalable est par ailleurs confirmée par Tommy Preston, un expert en terrorisme, qui dirige son cabinet conseil Preston Global.

Raimondo cite également le site du cabinet d’analyse stratégique Stratfor (reprise du texte sur un autre site) qui reprend la déclaration du ministre israélien des Affaires extérieures, Silvan Shalom, qui dément que l’ambassade israélienne à Londres ait reçu un avertissement de Scotland Yard.

Mais Stratfor affirme qu’en fait la situation est bien différente. «Contrairement aux affirmations initiales selon lesquelles Israël avait été informée “quelques minutes” avant la première explosion, des rumeurs non confirmées circulant dans le milieu du renseignement indiquent que c’est le gouvernement israélien qui a en fait prévenu les autorités britanniques de l’imminence d’une attaque “quelques jours” auparavant.[...] Le gouvernement britannique ne voulait pas perturber la tenue du sommet du G-8 à Gleneagles en Écosse, ni annuler la visite de dignitaires étrangers à Londres, espérant qu’il s’agissait d’une fausse alerte.»

Selon les analystes de Stratfor, les gouvernements britannique et israélien ont convenu de ne pas divulguer tous les faits entourant l’affaire, mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’on exige du premier ministre britannique Tony Blair des explications sur son échec à prévenir l’attaque terroriste du 7 juillet.

La question se pose donc à savoir qui savait quoi sur ces attentats avant qu’ils ne se produisent, et comment cette information a-t-elle (ou non) circulé.

Pour Justin Raimondo, il ne fait aucun doute que Netanyahu était la cible des attentats, malgré le communiqué «officiel» du groupe qui a revendiqué les attentats et qui cible la participation britannique à l’occupation irakienne. Il écrit : «Je ne crois pas que Scotland Yard savait quoi que ce soit sur ces attentats, ni quelques jours ou quelques minutes avant qu’ils ne se produisent. Toutefois, ce qui semble hors de tout doute, c’est que Netanyahu en avait été informé. La question est de savoir qui l’a prévenu.»

Raimondo est l’auteur du livre The Terror Enigma: 9/11 and the Israeli Connection dans lequel il soutient que les services de renseignement israéliens savaient qu’une attaque terroriste se préparait en sol étasunien en septembre 2001, mais n’avaient pas communiqué cette information à Washington.

Il reprend ce thème dans son article de ce matin. «Quand on y pense, l’idée que Netanyahu ait été prévenu des attaques n’est pas si improbable. Après tout, Israël dépend pour sa survie de la capacité de ses services de renseignement à suivre à la piste les agissements d’Oussama ben Laden et de ses alliés à l’échelle de la planète. Cependant, on ne peut tenir pour acquis qu’elle partagera ces renseignements avec ses alliés naturels dans la “guerre au terrorisme”. Et sa décision de ne pas le faire, tant dans le cas de New York que de Londres, se comprend bien compte tenu des intérêts d’Israël.»

Bref, au cours des jours et des semaines qui viennent, attendons-nous à un débat sur qui savait quoi, et quand.
|

7.7.05

Attentats de Londres : Technorati pris d’assaut

TechnoratiQuelques heures après les attentats meurtriers de Londres, le moteur de recherche dans les blogues Technorati est pris d’assaut par les utilisateurs d’Internet. Comme en témoigne cette saisie d’écran réalisée à 10h23 heure de l’est, huit sur dix des clés de recherche ont trait aux attentats. Au cours des 57 dernières minutes, Technorati avait recensé 20 nouveaux billets contenant le mot «London». Mais pour l’efficacité, tous sites confondus (y compris ceux des grands groupes de presse), la palme revient à Wikipedia qui en quelques heures a monté un impressionnant dossier sur les attentats qui continue d’ailleurs d’être actualisé. Magistral.
|

1.7.05

La convivialité comme idéologie

?La notion nous est présentée dans le plus récent bulletin hebdomadaire Alertbox de Jakob Nielsen intitulé Usability: Empiricism or Ideology?. Si la tâche des spécialistes de la convivialité des sites Web consiste à étudier le comportement des utilisateurs et à déterminer ce qui peut rendre l’expérience de consultation plus efficace et agréable, il existe une mission non moins importante qui est de rechercher la simplicité et de défendre les droits des utilisateurs.

Ce nouvel espace de droits repose, selon Nielsen, sur quatre principes.

Le droit des utilisateurs à primer sur la technologie. S’il y a conflit entre la technologie et l’humain, c’est la technologie qui doit s’adapter.

Le droit à l’habilitation. Les utilisateurs devraient comprendre les processus, et être en mesure de maîtriser les résultats.

Le droit à la simplicité. Les utilisateurs devraient pouvoir exploiter leur matériel avec le minimum de complications.

Le droit au respect de son temps. Des interfaces mal conçues font perdre un temps précieux.

Il a été établi que les sites transactionnels qui optent pour la convivialité doublent leur chiffre de ventes ou autres résultats attendus. C’est que, selon Nielsen, le Web est l’environnement concurrentiel par excellence en raison de la profusion de sites et que les utilisateurs n’investiront pas temps et énergie sur des sites qui enfreignent leur droit à la simplicité.

Simple.

Il est possible de s’inscrire sans frais à l’avis de publication hebdomadaire par courriel de Alertbox.

|