29.9.06

Bob Woodward et Barney

Bob Woodward, qui avec Carl Bernstein a fouillé en premier l’affaire du Watergate alors que tous les deux étaient à l’emploi du Washington Post, vient de publier son plus récent livre State Of Denial sur l’administration Bush et sa gestion de la guerre en Irak.  C’est le troisième livre du journaliste à aborder ce sujet, après Bush at War et Plan of Attack.  Des extraits du livres seront publiés sur le site Web du Washington Post les 1er et 2 octobre prochains.

Bob WoodwardWoodward a souvent fait l’objet de critiques selon lesquelles il ferait preuve de trop de complaisance face à la Maison blanche.  La rumeur veut que ce prochain livre remette les pendules à l’heure.  Dans une entrevue qui sera diffusée dimanche prochain à l’émission 60 minutes sur la chaîne CBS, Woodward accuse George W.  Bush de délibérément tromper le public au sujet de la guerre en Irak, notamment en ce qui a trait au degré de violence dirigée contre les troupes étasuniennes.  Loin de s'attenuer, cette violence s'accentuera l'an prochain selon Woodward qui tiendrait l'information de responsables du renseignement.  Il révèle aussi que Henry Kissinger (ex-secrétaire d’État sous Richard Nixon) est un visiteur discret mais régulier à la Maison blanche.  George Bush est tellement persuadé que sa politique est valable en Irak que lors d’une rencontre avec des parlementaires républicains sur cette question, il a déclaré : «Je ne me retirerai pas d’Irak, même si Laura [Ndb. son épouse] et Barney sont les seuls à m’appuyer.» (Voir Bob Woodward: Bush Misleads On Iraq, CBS, 28 septembre 2006.)

Barney?

Je crois avoir une certaine connaissance de la chose politique étasunienne, mais je dois dire que j’ignorais de qui il voulait parler.  Petit recherche rapide...  Barney est le chien terrier écossais du couple Bush, né le 30 septembre 2000, et qui a même ses propres pages, photos et vidéos sur le site Web officiel de la Maison blanche.

Bien heureux de savoir que George peut miser sur de solides appuis.
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Le prix d’un «terroriste»?

Cinq mille dollars selon Amnesty International qui publie ce matin un rapport accablant, Pakistan : Disparitions forcées dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme» dont voici un extrait :

En coopérant à la «guerre contre le terrorisme» conduite par les États-Unis, le gouvernement pakistanais a systématiquement violé les droits fondamentaux de centaines de Pakistanais et de ressortissants étrangers.  La pratique des disparitions forcées s'est répandue, et des personnes ont été arrêtées et mises au secret dans des lieux tenus secrets, leur détention n'étant pas officialisée.  Ces personnes risquent la torture et le transfert illégal dans un pays tiers.

«La route de Guantánamo débute littéralement au Pakistan», a déclaré Claudio Cordone, directeur de recherche à Amnesty International.

«Des centaines de personnes ont fait l'objet d'arrestations massives, un grand nombre d'entre elles ont été vendues aux États-Unis comme "terroristes" sur la seule foi de ceux qui les avaient capturées, et des centaines ont été transférées à Guantánamo Bay, sur la base aérienne américaine de Bagram ou dans des centres de détention secrets gérés par les États-Unis.»

Les récompenses de plusieurs milliers de dollars offertes en échange de la remise d'individus soupçonnés de terrorisme ont favorisé les arrestations illégales et les disparitions forcées.  Les chasseurs de primes, parmi lesquels des policiers et de simples citoyens, ont capturé des personnes de différentes nationalités, le plus souvent au hasard semble-t-il, et les ont vendues aux Américains.  Plus de 85 p.  cent des détenus de Guantánamo Bay ont été arrêtés non par les soldats américains, mais par l'Alliance du Nord afghane au Pakistan, quand des récompenses pouvant aller jusqu'à 5 000 dollars des États-Unis étaient versées pour chaque «terroriste» remis aux forces américaines.  Souvent, leur détention reposait uniquement sur les allégations de leurs ravisseurs, qui avaient tout à gagner de l'arrestation de ces personnes.


Ces «chasseurs de primes» étaient recrutés par la diffusion de tracs par les autorités étasuniennes dont AI présente un fac-similé sur lequel on peut lire : «Devenez plus riche et puissant que vous n’avez jamais rêvé de l’être.  Aidez les forces anti-Taliban à débarrasser l’Afghanistan des meurtriers et terroristes.» À l’endos, on lit : «Vous pouvez recevoir des millions de dollars en aidant les forces anti-Taliban à capturer des meurtriers Talibans et d’Al-Qaïda.  C’est suffisamment d’argent pour suffire aux besoins de votre famille, de votre village, de votre tribu jusqu’à la fin de vos jours.  Payez pour le bétail, les médecins, les livres d’école et le logement de tous les vôtres.»

Mais il n’y a pas que les chasseurs de primes dans le portrait.  Plus tôt cette semaine, le Times de Londres publiait des extraits des mémoires du président pakistanais Pervez Musharraf (In the Ligne of Fire) dans lequel il affirme que son gouvernement a secrètement reçu de la CIA des millions de dollars en échange de 369 personnes soupçonnées d’appartenir à Al-Qaïda (voir 'America paid us to hand over al-Qaeda suspects', Times, 25 septembre 2006). 

Un porte-parole du ministère de la Justice des États-Unis a dit tout ignorer de ces paiements, et que des primes n’étaient versées qu’à des particuliers pour aider à retracer des suspects figurant sur la liste des terroristes recherchés par le FBI.

À la CIA, on refuse de divulguer le montant des primes versées, mais on se montre agacé par les révélations de Musharraf.  Un haut responsable a déclaré : «Nos rapports avec des chefs d’État étrangers ne font pas partie des sujets que nous abordons.  Nous nous attendons à ce qu’ils fassent de même.»
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28.9.06

Quand la CIA se déride

La CIA produit parfois des merveilles d’information, comme son World Fact Book qui présente des fiches très étayées sur les États et régions du Monde.  C’est un outil essentiel pour les journalistes, recherchistes, étudiants ou tout simplement curieux.  La version 2006 a été mise à jour le 19 septembre dernier, entre autre pour inclure la Serbie et le Monténégro comme entités distinctes après le référendum de sécession de mai dernier.  On a également inclus une nouvelle section sur les poids et mesures contenant 400 exemples de conversion.  Au fait, saviez-vous que seulement trois pays au monde n’ont pas adopté le système métrique de poids et mesures : la Birmanie, le Liberia et les États-Unis.

Ça ne doit pas être jojo tous les jours de travailler à la CIA, on le comprend, mais là je m’interroge sur l’à-propos d’un test de personnalité pour les candidats à l’emploi.  Un des préposés aux applications interactives de l’agence s’ennuyait-il au point de produire un test aussi loufoque?  En cinq questions à choix de réponses multiples, on établit que vous êtes soit : un audacieux chercheur de sensations fortes; un aventurier curieux; un observateur réfléchi; un cerveau impressionnant; un pionnier novateur.  Lorsque votre résultat s’affiche, on vous dit que quelle que soit la catégorie dans laquelle vous vous classez, la CIA a besoin de toutes sortes de personnes pour doter son effectif.

Mais passons sur l’aspect puéril du test, la CIA recrute.  Tous les candidats à l’emploi doivent être citoyens des États-Unis, se soumettre à un examen médical et psychologique ainsi qu’à un test par polygraphe, et consentir à une enquête approfondie sur leur passé.  Ils ne doivent pas avoir consommé de substances illégales depuis 12 mois, et s’ils en ont déjà autrement consommé, il en sera tenu compte dans les examens médicaux et dans le processus d’enquête.

Cela dit, l’agence offre des possibilités de carrière des plus intéressantes, notamment dans le domaine des langues.  Elle cherche des professeurs de langues pour l’arabe, le chinois mandarin, le dari (pashtu), le français, l’allemand, le grec, l’indonésien, le japonais, le persan (farsi), le russe, le serbo-croate, le thaï, et le turc.  Pour une personne détenant un baccalauréat et possédant de deux à cinq ans d’expérience d’enseignement, le traitement varie entre 50 000 et 70 000 $ US par année, auquel peut s’ajouter un boni forfaitaire annuel de 5 000 ou 10 000 $, sans compter une prime à l’embauche pouvant atteindre 35 000 $.  Pas mal, non?

En fait, le salaire d’un professeur de langue à la CIA est supérieur à celui des agents qui, sur le terrain, à l’étranger, recrutent et traitent avec des sources humaines de renseignement.  Ces agents auront certainement droit à un compte de dépense, et pourront comme on l’a déjà vu piger à même la tirelire, mais on prévient les aspirants barbouzes que la semaine «normale» de travail varie entre 60 et 80 heures.
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27.9.06

À propos des National Intelligence Estimates

Dans son édition de dimanche dernier, Mark Mazzetti du New York Times dévoilait le contenu d’un rapport confidentiel d’évaluation des tendances mondiales en matière de terrorisme et de leurs incidences pour les États-Unis.  Achevée en avril dernier, cette évaluation était la première réalisée depuis le début de la guerre en Irak et représentait l’opinion partagée par 16 agences gouvernementales de renseignement (CIA, DIA, NSA, etc.).  Principale conclusion : à cause de l’invasion étasunienne de l’Irak, le radicalisme islamique ne bat pas en retraite, il se métastase et s’étend à l’échelle du globe (voir Spy Agencies Say Iraq War Worsens Terrorism Threat, New York Times, 24 septembre 2006).

Ces évaluations, les National Intelligence Estimates, font autorité en matière de renseignement, sont personnellement approuvées par le directeur national du renseignement John D.  Negroponte, et sont basées sur des informations collectées par l’ensemble des agences.  Mazzetti écrit que les analystes planchaient sur ce rapport depuis 2004, et que s’il n’a été achevé qu’en avril de cette année, c’est que les ébauches préliminaires ne plaisaient pas à certains responsables gouvernementaux qui lui reprochaient sa structure et son orientation. 

En passant, si vous ne connaissez pas John D.  Negroponte, je vous suggère la lecture de mon article C’est un diplomate... du 18 février 2005.

L’article du New York Times a fait grand bruit en cette période électorale de mi-mandat où la présence étasunienne en Irak et la guerre au terrorisme sont des thèmes importants.  Mardi, 26 septembre, George W.  Bush décide de mettre un terme aux conjectures qui fusent de toutes part et ordonne la diffusion d’un extrait du rapport (4 pages, format PDF).  Son équipe de pompiers va plus loin : sur le site Web de la Maison blanche, on publie une série d’extraits du rapport auxquels on jumelle des déclarations officielles du président, comme quoi l’évaluation des agences de renseignement ne contredit pas la position officielle de l’administration Bush (voir The NIE Reflects Previous Statements About the War on Terror , Maison blanche, 26 septembre 2006).

Mais attention, l’extrait de quatre pages rendu public n’est pas le document auquel a eu accès Mark Mazzetti du New York Times, car des citations directes contenues dans son article ne se trouvent pas dans le document.  On aurait donc donné en pâture aux médias un extrait de quatre pages (le document au complet en compte 30) qui ne serait pas nuisible au président.  En fait, le rapprochement direct entre l’invasion de l’Irak et la montée du radicalisme islamiste n’y figure même pas.
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26.9.06

Perdre l’Afghanistan

Le blogueur du Monde Diplomatique, Alain Gresh, attire notre attention sur une analyse inquiétante de la situation en Afghanistan sous le titre Perdre l’Afghanistan.

«La presse anglo-saxonne est très alarmiste sur la situation en Afghanistan et le retour des talibans, malgré le succès annoncé de l’opération Medusa.  L’hebdomadaire américain Newsweek titre en Une, dans son édition de cette semaine, sur «Losing Afghanistan» (perdre l’Afghanistan).  L’article en page intérieure s’intitule The Rise of Jihadistan (La montée du Jihadistan).  Newsweek“À Ghazni et dans les six provinces du sud et dans d’autres points chauds à l’Est, le gouvernement Karzai n’existe pratiquement pas.  Le noyau dur des forces des talibans a rempli le vide en s’infiltrant à partir des zones tribales pakistanaises qui échappent au contrôle central et où il s’était réfugié à la fin de 2001.  Une fois de retour en Afghanistan, ces commandants et combattants talibans très déterminés, aidés par des sympathisants qui étaient restés à l’arrière, ont recruté des centaines, voire des milliers de nouveaux adhérents, beaucoup en les payant.  Ils se sont nourris de la désillusion de la population, déçue par l’absence de progrès économique, de justice et de stabilité que le gouvernement Karzai, l’OTAN, Washington et la communauté internationale avaient promis.» En passant, notons que la page couverture de Newsweek pour ses éditions destinées à l’Europe, à l’Asie et à l’Amérique latine montre en gros plan un combattant Taliban, alors que pour l’édition destinée aux États-Unis on accorde la page couverture à la photographe portraitiste Annie Leibovitz (excellent article au demeurant et présentation de nombreuses photos tirées de son plus récent livre «A Photographer's Life: 1990-2005» publié chez Random House).

Par ailleurs, dans le San Francisco Chronicle, la journaliste Anna Badken rapporte que l’intensification des attaques terroristes en Afghanistan serait attribuable à l’infiltration de jihadistes venus d’Irak.  Badken écrit : «L’an dernier, diverses informations ont été recueillies à l’effet que des ex-combattants de l’insurrection irakienne après que des appels à aider les Talibans soient apparus sur des forums Internet islamistes.  (Voir Foreign jihadists seen as key to spike in Afghan attacks, San Francisco Chronicle, 25 septembre 2006.)

Elle cite Rita Katz du SITE Institute (Search for International Terrorist Entities), un organisme de recherche sur le terrorisme, selon qui des vidéos et des publications ont circulé et dont le message essentiel était «Arrêtez d’aller en Irak, venez en Afghanistan, nous avons besoin de vous ici, nous allons porter l’intensité des combats à un niveau tel que nous l’avons fait en Irak.» Il y aurait une funeste «répartition des tâches» selon les observateurs entre Talibans et jihadistes.  Les Talibans mènent les opérations militaires, mais le suicide ne fait pas partie de leur culture; les attentats suicides seraient donc perpétrés par les jihadistes.

Pour ce qui est des forces de l’OTAN en Afghanistan, les perspectives sont sombres.  On lit dans Le Figaro d’aujourd’hui : «Pour mater l’insurrection, dont l’intensité a surpris les responsables de l’Otan, le général James Johns, chef militaire de l’Alliance, réclame un “bataillon” de réserve supplémentaire, soit 2 500 hommes environ.  Jusqu’ici son appel n’a pas été suivi d’effets.  L’Otan a déployé 10 000 soldats dans le Sud.  Après une rencontre entre chefs d’état-major à Varsovie, une réunion de "génération de forces" s’est tenue hier, au Shape, le quartier général de l’Alliance.  Les représentants militaires des 26 États membres ont réagi avec la plus grande prudence aux demandes de renforts de l’Otan.  “Ils disent tous qu’ils n’ont plus de réserves!”, résume un diplomate.» (Voir L’Otan peine à trouver des renforts pour l’Afghanistan, Le Figaro, 26 septembre 2006.)

Puis, dans le Journal de Québec, J. Jacques Samson nous parle de ce qui a été perçu par plusieurs comme un faux-pas du président afghan Hamid Karzaï lors de sa visite ici il y a quelques jours : « Le président de l'Afghanistan, Hamid Karzaï, a levé le nez sur une occasion privilégiée de s'adresser aux soldats du 22e Régiment, basés à Valcartier, qui seront déployés dans son pays dans quelques mois et à leurs familles qui les attendront dans l'angoisse au Québec.[...] M. Karzaï a certes rencontré brièvement quelques haut gradés de l'armée canadienne, samedi matin, à Montréal.  Mais les troupions de Valcartier, leurs conjoints et enfants auraient sans doute aimé connaître les réponses à des questions de ce type.  C'est bien beau payer de vies de jeunes soldats canadiens pour faire le ménage chez vous, Excellence, et payer de nos impôts pour rebâtir, mais au Québec, quand on demande de l'aide sociale, on doit au moins remplir les formulaires et répondre aux questions.  Il en va de même quand on demande une aide internationale aussi coûteuse.» (Voir Votre Excellence, Journal de Québec, 25 septembre 2006.)
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25.9.06

L’hameçonnage et le pourriel en hausse

Les tentatives de vol d’identité à des fins de fraude sont en hausse selon le plus récent rapport de la société Symantec sur les menaces à la sécurité sur Internet (voir Internet Security Threat Report, format PDF, 25 septembre 2006).

Pour la période de janvier à juin 2005, Symantec avait repéré 97 592 messages courriel d’hameçonnage (phishing) dits «uniques», c’est-à-dire qu’ils diffèrent par leur source ou leur contenu.  De juillet à décembre 2005, on a constaté une baisse à 86 906, mais pour les six premiers mois de cette année, le nombre de messages d’hameçonnage bondit à 157 477, soit environ 865 messages par jour.

Les auteurs du rapport expliquent cette hausse par une stratégie des fraudeurs visant à contourner la technologie des filtres courriel en créant de nombreuses versions de leurs messages comportant de légères variations, comme l’URL de référence où on demande de livrer ses informations bancaires.  En utilisant un grand nombre de domaines sur une courte période de temps, ils rendent encore plus difficiles les efforts des autorités qui tentent de mettre fin à ces opérations en raison de la complexité et du temps requis par les démarches.

Symantec estime que 84 % des tentatives d’hameçonnage visent à frauder des clients d’institutions bancaires, 8 % ceux de fournisseurs d’accès Internet, 5 % de commerces de détail en ligne, et 1 % respectivement pour les gouvernements, les sociétés de logiciels et de matériel.  Le nombre de «bannières» d’institutions bancaires dont les clients sont sollicités par hameçonnage aurait doublé en six mois.

Si on relève de tels taux de prévalence de l’hameçonnage, c’est certainement parce que ça rapporte.  La semaine dernière, l’association britannique de gestion des paiements (APACS) révélait les résultats d’une enquête menée au Royaume-Uni selon lesquels 3,8 % des personnes interrogées répondraient à un courriel les invitant à fournir ou corriger leurs données personnelles bancaires, et 12 % dans le cas des moins de 24 ans (voir New research reveals that people are still unaware of basic security measures when banking online, APACS, 22 septembre 2006).

Pour ce qui est du pourriel, de janvier à juin 2006, Symantec estime qu’il représentait 54 % du volume global de courriels circulant dans le réseau.  Au cours des six mois précédents, le pourriel constituait 50 % de tous les messages, bien qu’au cours de la première partie de 2005 il représentait 61 % du volume total.  De plus, pour les six premiers mois de 2006, 56 % du pourriel provenait des États-Unis, la Chine se classant au deuxième rang avec 13 % et le Canada troisième avec 5 %.
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23.9.06

Note d’intendance

Comme plusieurs centaines d’entre vous savez, je diffuse par courriel une fois la semaine un court rappel hebdomadaire des sujets traités dans ce blogue.  L’inscription ou la désinscription est automatisée et se fait à partir de cette page.  La seule donnée qu'il est exigé de fournir (manifestement) est l'adresse courriel, la liste de diffusion est confidentielle, elle ne sert qu'à la diffusion des rappels du blogue, elle ne peut être achetée ou louée.

Or, certains filtres à pourriel sur des serveurs courriel réagissent mal à cette note et en bloquent la réception.  Par exemple, la semaine dernière, c’est l’ensemble des destinataires abonnés à un important fournisseur d'accès qui n’ont pas reçu la note.

Je connais la nature du problème trop long à expliquer ici.  J’en ai parlé à des fournisseurs de services (y compris le mien) sans jamais arriver à une solution durable.

La présente note vise seulement à souligner autrement que par courriel qu’il y a problème, et que si vous êtes abonné à la liste de diffusion et que vous ne recevez pas les rappels, je n’y peux rien.  Désolé.
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Le français, langue (très) vivante

Qu’ont en commun les expressions anglaises blog addict, bloggospheric et blogeoisie?  Elles font partie des 69 entrées récentes dans le Vocabulaire d'Internet de la Banque de terminologie du Québec sous la lettre B et ayant pour préfixe blog.  Pour chaque expression ou terme anglais, les linguistes de la BTQ proposent une ou plusieurs traductions, une définition, et dans certains cas des notes sur l’origine de l’expression.

Un excellent outil de référence qui nous aidera à épurer nos billets ou articles.  Car, oui, il y a distinction selon les linguistes.  Pour parler d’un blog post, on devrait dire billet, qui se définit comme suit : «Court texte daté et signé, susceptible d'être commenté, qui est publié dans un blogue et dont le contenu, informatif ou intimiste, demeure à l'entière discrétion de son auteur», mais on précise que «lorsque le texte est plus long, plus fouillé et qu'il forme un tout distinct, on parlera plutôt d'article

Merci à la BTQ.
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22.9.06

En attendant le Carré

Je n’ai pas encore lu The Mission Song, le plus récent John le Carré qui s’articule autour du personnage de Bruno Salvo, interprète polyglotte à l’emploi des services secrets britanniques qui épie des conversations téléphoniques.  En attendant, mon appétit pour les histoires un peu tordues et les coups fourrés est satisfait par certains dossiers courants.

Par exemple, ce matin dans Libération, on lit que les communications téléphoniques de centaines de personnes étaient illégalement surveillées depuis 1997.  «Carlo de Benedetti, Calisto Tanzi, Diego Della Valle, la famille Benetton...  Presque tout le gotha économique italien était sous contrôle, ainsi que quelques politiciens, des journalistes et des sportifs.  Au bout de deux ans d'enquête, le parquet de Milan a ordonné, mercredi, l'arrestation de 21 personnes, dont plusieurs anciens dirigeants de Telecom Italia.  “A l'ombre” du principal groupe de télécommunication du pays, “a vu le jour une centrale d'espionnage sans précédent dans l'histoire de notre pays”, s'inquiétait hier le directeur du quotidien La Republica , Ezio Mauro, dans un éditorial titré “Attentat contre la démocratie”» écrit le journaliste Eric Jozsef.  (Voir Une «centrale d'espionnage» à l'ombre de Telecom Italia, Libération, 22 septembre 2006.)

Le but de cette gigantesque opération de surveillance est encore obscur, la finalité des opérations échappe pour le moment aux magistrats, tout comme l’identité du ou des commanditaires, mais c’est sans contredit une affaire d’une ampleur considérable.

Là où l’article a sonné une cloche pour moi c’est le passage suivant : «Pour rendre le scandale encore plus sulfureux, un responsable de Telecom Italia Mobile, Adamo Bove, a été retrouvé mort le 21 juillet.  Après avoir collaboré avec la justice, il se serait suicidé en se jetant d'un viaduc dans la banlieue de Naples.» En effet, j’avais suivi cette affaire cet été.

Le 21 juillet 2006, peu avant midi, le chef de la sécurité à Telecom Italia Adamo Bove dit à son épouse qu’il a des courses à faire et quitte leur appartement de Naples.  Quelques heures plus tard, la police retrouve sa voiture sur une bretelle d’autoroute, et le corps de Bove 30 mètres plus bas sur le pavé.

Bove était un expert des réseaux téléphoniques.  À la demande de procureurs du ministère public de Milan, il avait eu recours aux données sur les communications de téléphones mobiles pour retracer les membres d’une équipe de la CIA et du SISMI (la CIA italienne) qui avaient enlevé en février 2003 l’écclésiastique Abu Omar et l’avaient emmené au Caire où il a été torturé.  On soupçonnait Omar de recruter des islamistes.

Au début, la presse italienne affirme que c’est un suicide et cite des «sources anonymes» pour soutenir que l’homme de 42 ans était très déprimé et inquiet car son inculpation par le ministère public de Milan était imminent.  Ce dernier a remis les horloges à l’heure : Bove n’était pas ciblé, il était sa principale source d’information et contribuait à l’enquête sur ses patrons à la Telecom Italia qui avaient installé un logiciel espion dans le réseau.  Autre fait : on n’a jamais retrouvé de lettre de suicide. 

En août dernier, les journalistes Paolo Pontoniere et Jeffrey Klein rappellent le cas Bove et un cas semblable, celui de Costas Tsalikidis, un ingénieur en logiciel de 38 ans travaillant pour le compte de Vodaphone Grèce.  En mars 2005, Tsalikidis découvre un logiciel espion très perfectionné installé dans le réseau de téléphonie mobile de Vodaphone. 

Les cibles sont multiples : le premier ministre grec et des membres de son cabinet, le téléphone mobile de la voiture du chef des services secrets grecs, ceux de militants des droits, du leader de la coalition grecque anti-guerre, des journalistes, des hommes d’affaires arabes opérant depuis Athènes.  D’après ce que Tsalikidis peut conclure, cette opération de surveillance aurait commencé deux mois avant le début des jeux olympiques de 2004 qui se tenaient en Grèce.  (Voir Two Strange Deaths in European Wiretapping Scandal, AlterNet, 19 août 2006).

Mais le 9 mars 2005, la mère de Tsalikidis le retrouve pendu dans son appartement.  Selon sa famille et ses proches il était très motivé par son travail et allait dans peu de temps épouser sa copine de longue date.  Malgré des constats troublants sur la scène du suicide, les autorités ont déclaré qu’il s’agissait d’un suicide.  Autre fait : on n’a jamais retrouvé de lettre de suicide. 

Le lendemain, le premier dirigeant de Vodaphone Grèce a informé le premier ministre que des inconnus avaient illégalement espionné les communications de hauts responsables du gouvernement.  Mais avant de divulguer cette information, le responsable de Vodaphone a fait détruire le logiciel espion, privant ainsi les enquêteurs d’indices précieux.

Pontoniere et Klein qui ont étudié ces deux cas tirent des conclusions et font des rapprochements.

Au terme d’une enquête officielle de 11 mois sur le cas de Vodaphone Grèce, on a conclu que le logiciel espion transmettait les conversations en temps réel vers quatre antennes situées à proximité de l’ambassade des États-Unis à Athènes, et que certaines de ces transmissions étaient acheminées vers un numéro de téléphone à Laurel (Maryland), près du siège de la National Security Agency.

D’après le journal grec Ta Nea, le dirigeant de Vodaphone avait informé en privé le premier ministre grec que les responsables de l’écoute illégale étaient des «agents des États-Unis», mais craignant des remous intérieurs et un affrontement diplomatique avec les États-Unis, le premier ministre avait demandé au patron de Vodaphone de ne pas divulguer cette information.

Enfin, les logiciels espions utilisés en Italie et en Grèce étaient très perfectionnés.  Leur création avait dû nécessiter des ingénieurs de haut niveau, des laboratoires coûteux, et aussi un espace de test pour le mettre à l’essai sur un réseau national.  De plus, une fois installés dans un réseau téléphonique, les logiciels pouvaient intégrer les plate-formes de manière à avoir accès aux téléphones mobiles, aux connexions fixes et aux connexions Internet commutées ou DSL.

Reste à voir si les révélations d’aujourd’hui sur Telecom Italia et les interrogatoires des principaux inculpés serviront à faire la lumière sur ces cas.
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21.9.06

Jan Wong : Chronologie d’une nouvelle

Au vu de la secousse qu’a provoqué l’article de Jan Wong dont on parle tant, il est intéressant de retracer la chronologie de la diffusion de cette nouvelle grâce aux outils de Google Actualité et Google Blogsearch.

D’abord, l’article paru dans l’édition papier du Globe & Mail du samedi 16 septembre a été mis en ligne quelque temps vendredi le 15 comme l’indiquent les particules «20060915» et «main16» de son adresse Web.

Outre l’article comme tel, la première mention qu’on en trouve est sur le blogue de Vila de Metroblogging Montreal mis en ligne le 16 à 3h03.  Toujours samedi, Martine cite Vila et ajoute ses commentaires et publie son billet à 12h51.  Quelques autres blogues anglophones abordent la question.

Ayant consulté le blogue de Martine, je traite de la nouvelle le dimanche 17 septembre à 10h58.  Aussi dimanche, Patrick Lagacé publie un billet sur son blogue à 20h14.

Lundi matin, 18 septembre, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal diffuse sur un service de presse un communiqué annonçant qu’elle déposera au Conseil de presse une plainte relative à l’article de Jan Wong.  À 9h31 lundi matin, Michel C. Auger en parle sur son blogue, et Michel Vastel aussi à 18h52.

Selon le service de recherche Google Actualité, on constate que ce n’est que le mardi 19 que la nouvelle «perce le mur» des médias traditionnels (Le Devoir, La Presse, LCN, etc.) et que le premier ministre Charest réagit, suivi le lendemain par le chef de l’opposition André Boisclair et le premier ministre du Canada Stephen Harper.

Hier, mercredi 20 septembre, l’ironie de la situation n’échappe pas à Michel Désautels qui, en présentation d’une entrevue sur l’affaire Wong à son émission, et parlant des médias, dit : «Ça a été long avant qu’on embarque sur le train...». 

En fait, on est presque en droit de penser que n’eut été de la vigilance de Vila et d’autres blogueurs, la presse traditionnelle aurait peut-être manqué le coup totalement.

Mise à jour : 25 septembre

Message reçu de Patrick Lagacé du Journal de Montréal

Bonsoir M. Cloutier,

Je parcourais votre blogue et je suis tombé sur la chronologie de la nouvelle sur Jan Wong... Google Actualité doit me bouder : j'ai sorti l'histoire dans la version «arbres morts» de mon travail dès lundi... Je n'ai pas l'habitude de noter ce genre de trucs, mais dans ce cas bien précis, je suis assez fier d'avoir attaché le grelot le premier dans les «trads»...

Ciao,

PL
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19.9.06

L’affaire Arar et la censure du rapport

La Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar a publié hier son rapport préparé par l’Honorable Dennis R.  O’Connor, juge en chef adjoint de l’Ontario. 

En bref : Maher Arar, citoyen canadien, revenait de Tunisie le 26 septembre 2002, et lors d’une escale à New York il a été arrêté puis détenu par les autorités étasuniennes.  Le 7 octobre, pour citer le rapport, «le directeur régional de l’Immigration and Naturalization Service (INS) a conclu que M.  Arar était un membre d’Al-Qaïda et ordonné qu’il soit renvoyé des États-Unis.  Le 8 octobre, toujours détenu par les Américains, M. Arar a été mis à bord d’un avion à destination de la Jordanie.  Peu de temps après, il a été conduit en Syrie où il a été incarcéré pendant près d’un an.»

Pendant sa détention en Syrie, M. Arar a été torturé physiquement et psychologiquement.  Dans le communiqué final de la Commission, on lit : «“Aucun élément de preuve n’indique que les responsables canadiens ont participé ou acquiescé aux décisions américaines de détenir M.  Arar ou de le renvoyer en Syrie, et aucun élément de preuve n’établit que des responsables canadiens – la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ou d’autres – se soient fait complices de ces décisions.” Le commissaire note cependant aussi qu’“en prenant les décisions de détenir M. Arar puis de le renvoyer en Syrie, les autorités américaines se sont très probablement appuyées sur l’information concernant M.  Arar que leur avait fournie la GRC.[...] Le commissaire a aussi jugé qu’aussi bien avant qu’après la détention de M. Arar aux États-Unis, la GRC a transmis aux autorités américaines de l’information sur M.  Arar qui était inexacte, qui dressait de lui un portrait injuste et qui exagérait l’importance qu’il revêtait pour leur travail d’enquête.  Une partie de cette information inexacte pouvait créer de graves conséquences pour M. Arar compte tenu des attitudes et des pratiques des autorités américaines à ce moment.»

On connaît la suite, sinon il y a un bon résumé dans Cyberpresse

Il y a des passages véritablement kafkaïens dans ce rapport, et aussi des analyses révélatrices de la façon de fonctionner des autorités canadiennes.  Pas de quoi être fier, et pas de quoi être rassuré quand on voit comment procèdent les institutions chargées de nous protéger.

Toutefois, le rapport rendu public hier n’est pas complet comme le souligne la mise en garde contenue au début des divers documents : «Le rapport de la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, tel qu’il a été présenté à l’origine au gouverneur en conseil, comprenait de l’information qui a été omise de la présente version publiée.  Les omissions (signalées par des astérisques [***] dans le texte) sont motivées par des raisons liées à la sécurité nationale, à la défense nationale ou aux relations internationales.  Les décisions quant à ces omissions relèvent du gouvernement du Canada et ne traduisent pas les opinions de la Commission d’enquête.»

Dans le communiqué émis par la Commission, son avocat principal de la Commission Paul Cavalluzzo explique comme suit la situation : «Certaines parties ont été expurgées du rapport public parce que le gouvernement a demandé la confidentialité pour des raisons de sécurité nationale.  Cependant, le commissaire est d’avis que cette information devrait être rendue publique.  Le commissaire presse le gouvernement de renvoyer à la Cour fédérale ce litige pour qu’il puisse être réglé rapidement et que le public puisse bénéficier d’une divulgation maximale.»

De quoi parle-t-on? Dans le volume I (508 pages), 47 ratures dont la section 4.1.1 au complet qui porte sur un voyage d’agents du SCRS en Syrie, et dans le volume II (400 pages) 5 ratures.  Ces deux premiers volumes relatent les faits entourant l’affaire.  Pour ce qui est de l’analyse et des recommandations (412 pages), on constate 17 passages raturés.

Selon la Presse canadienne : «Les avocats de la commission ont accepté que le rapport soit en partie censuré pour qu'il puisse être enfin rendu public.  Mais ils n'ont aucunement l'intention de se satisfaire de cette situation.  Malgré tout, après une bataille de 17 mois contre le gouvernement sur cette question de censure, les deux parties se sont beaucoup rapprochées, ont indiqué des sources.»

On attend donc la suite.
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17.9.06

Qu’est-ce qu’elles savent?

Oies sauvages


Onze jours plus tôt que l’an dernier, premier survol des oies qui entreprennent leur migration annuelle.  D’après mes archives photo de 2005, elles avaient commencé le 28 septembre pour terminer le 11 octobre.  Qu’est-ce qu’elles savent?
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Collège Dawson : Le Globe & Mail dérape

Je n’ai pas commenté les événements survenus au collège Dawson, sauf pour relever que très rapidement les blogueurs et blogueuses ont utilisé leurs claviers pour ventiler frustration, tristesse et sentiment d’impuissance (plus de 600 billets sur des blogues, en français et en anglais, en 24 heures).

Dans les médias, j’ai vu que l’on faisait porter le blâme de ces événements aux jeux vidéos violents, aux sites Web, à la sous-culture goth et à que sais-je encore.

Mais là, Martine m’indique qu’il y a un ajout à la liste des suspects habituels, soit la Loi 101!

Dans un article publié dans le quotidien torontois The Globe & Mail, Get under the desk la journaliste Jan Wong écrit :

«Cette semaine les Montréalais se demandaient “Pourquoi nous?” Des jeunes ailleurs au Canada sont accros aux jeux vidéos violents.  Des jeunes ailleurs au Canada vivent dans des banlieues sans âmes.  Des jeunes ailleurs au Canada sont en proie à l’aliénation et adoptent la culture goth.  Et bien qu’il y ait eu d’autres tragédies semblables dans des écoles secondaires, les trois cas survenus dans des établissements postsecondaires l’ont été ici, et non à Toronto, à Vancouver, à Halifax ou à Calgary.

“Bien des gens disent : “Pourquoi cela se passe-t-il toujours au Québec?” dit Jay Bryan, un chroniqueur affaires au Montreal Gazette, le seul quotidien de langue anglaise de la ville.  “Trois ne veut rien dire.  Mais trois sur trois au Québec, ça signifie quelque chose”

Ce que bon nombre de gens d’ailleurs ne saisissent pas, c’est l’ampleur de l’aliénation qui découle de décennies de luttes linguistiques dans cette ville autrefois cosmopolitaine.  Il y a des conséquences néfastes non seulement pour les anglophones ici de longue date, mais aussi pour les immigrants.  Il est certain que dans les trois cas, les responsables de ces fusillades étaient des déséquilibrés.  Mais il est également vrai que dans les trois cas les auteurs de ces crimes n’étaient pas des “pure laine”, expression argotique pour “pur” francophone.  Ailleurs, il est répugnant de parler de “pureté” raciale, mais pas au Québec.

[...]

On ignore quand la famille de M. Gill est arrivée au Canada.  Mais il a fréquenté des écoles primaires et secondaires anglophones à Montréal.  Ceci veut dire qu’il n’était pas un Canadien de première génération.  En vertu des restrictions imposées par la Loi 101, l'infâme loi sur la langue, ceci veut dire qu’au moins un de ses parents avait fréquenté des écoles primaires ou secondaires au Canada.  Il est vrai que M. Lépine détestait les femmes, que M. Fabrikant détestait ses collègues ingénieurs et que M. Gill détestait tout le monde.  Mais tous avaient été marginalisés dans une société qui valorise les “pure laine”.»

Ça rappelle un peu les propos de Barbara Kay, non?

Bon, je pense que je vais sortir aller décocher quelques flèches sur ma cible en balles de foin, ça calme...
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13.9.06

Collège Dawson

La blogosphère secouée.
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11.9.06

Septembre 2002

Septembre 2002

Septembre 2002, l’exposition World Press Photo est de passage à Montréal.  Dans la grande salle de la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal, c’est l’«État du monde» en photographie qui s’étale.  Dans un coin, quatre photos des tours du World Trade Center en flammes, et devant ces photos un couple qui passe de longues minutes à regarder en silence.
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8.9.06

L’«irakisation» de l’Afghanistan

Le professeur Juan Cole, spécialiste des questions du Proche-Orient, décrit comment la situation en Afghanistan commence à ressembler à celle qui prévaut en Irak. Attentats suicides, affrontements de troupes étrangères avec des insurgés, augmentation du nombre de victimes civiles (voir The Iraqization of Afghanistan, 8 septembre 2006).

Cependant, Cole décrit une réalité souvent occultée par les médias traditionnels, soit que les questions énergétiques sont au coeur de la présence des États-Unis et des troupes de l’OTAN en Afghanistan. Pour bien comprendre cet aspect géostratégique du conflit, je vous suggère de vous procurer quelques bonnes cartes à la cartothèque Perry-Castañeda.

Le contrôle du territoire afghan est la seule manière réaliste d’amener par pipeline (toujours en projet selon cette carte du Monde diplomatique, et dont le tracé passe par Kandahar) le gaz naturel du Turkménistan au nord vers le Pakistan et l’Inde au sud. L’acheminement des ressources turkmènes servirait à dissuader l’Inde, dont les besoins en énergie sont énormes et croissants, de s’adresser à l’Iran pour répondre à ses besoins énergétiques.

Mais comme la situation se dégrade en Afghanistan, et que l’issue de l’intervention internationale est incertaine, l’Inde pourrait être intéressée au gaz iranien des très riches gisements gaziers de Yadavan et à la construction d’un pipeline qui passerait par la province du Balouchistan. On sait que l’Iran arrive en seconde position au niveau mondial pour les réserves de gaz (derrière la Russie) avec 29 100 Gm 3, soit un peu moins de 20 % du total mondial (voir Enerdata).

Juan Cole souligne qu’il y a actuellement une embellie dans les relations entre Delhi et Téhéran, et que le premier ministre indien Manmohan Singh, au début de l’été, a communiqué avec le président Mahmoud Ahmadinejad pour le sensibiliser à la nécessité d’accélérer la construction du pipeline (voir Ahmadinejad : l'Iran prêt à conclure l’accord gazier avec l'Inde et le Pakistan, IRNA, 29 avril 2006).

La Chine, aussi, joue un rôle important sur cet échiquier. Il y a un peu moins de deux ans, le groupe chinois Sinopec a signé un contrat de développement et d’exportation de gaz naturel de 70 milliards de dollars avec l’Iran et un autre contrat d’importation de 150 000 barils par jour pour une durée de 25 ans (voir China, Iran sign biggest oil & gas deal, China Daily News, 31 octobre 2004).

Bref, résume Cole, en quittant l’Afghanistan pour l’Irak, et en confiant à d’autres (dont les Canadiens) la tâche de faire la lutte aux Talibans, avec les risques de chaos qui se manifestent aujourd’hui, l’administration Bush semble avoir scellé le sort du pipeline du Turkménistan vers le sud en territoire afghan. Autre conséquence : l’Iran est davantage en mesure d’échapper à des sanctions internationales pour son programme nucléaire car elle profite de solides relations avec la Russie, l’Inde et la Chine (voir The ties that bind China, Russia and Iran, Asia Times, 4 juin 2005.

C’est pour Bush comme la fable d’Ésope du chien qui porte la viande dit Cole.

Un chien tenant un morceau de viande traversait une rivière. Ayant aperçu son ombre dans l'eau, il crut que c'était un autre chien qui tenait un morceau de viande plus gros. Aussi, lâchant le sien, il s'élança pour enlever celui de son compère. Mais le résultat fut qu'il n'eut ni l'un ni l'autre, l'un se trouvant hors de ses prises, puisqu'il n'existait même pas, et l'autre ayant été entraîné par le courant.
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6.9.06

Google et sa machine à remonter le temps

Michel Leblanc commente la mise en service de Google News Archive Search. Parlant de la collaboration de grandes institutions de presse (Wall Street Journal, New York Times, Washington Post, etc.), il écrit : «Vous comprendrez alors que ce sont des archives principalement américaines, mais j’ai testé avec l’une de nos figures historiques de ce siècle, en l’occurrence Maurice Duplessis, et les documents qui apparaissent incluent entre autre Le Devoir et Canoë

J’ai cliqué sur l’hyperlien que Michel propose, et vlan!  Premier résultat?  Un article daté du 6 novembre 1939, paru dans le magazine Time et qui rapporte la défaite électorale de Maurice Duplessis et la victoire d’Adélard Godbout. Puis, en cliquant sur l’option Show Timeline (afficher le tableau chronologique), on a droit à une ventilation des résultats par grandes lignes.

Allons un peu plus loin. Une recherche sur le mot Internet pour l’année 1990 rapporte 534 résultats, mais 5,63 millions de résultats pour une recherche globale.

Un outil très puissant que ce nouveau service de Google. Il faut payer des droits pour récupérer certains des articles, mais allez-y de vos propres recherches, vous serez étonnés.
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Les rapports du Senlis Council

Le rapport du Senlis Council rendu public hier intitulé Afghanistan Five Years Later: The Return of the Taliban (L’Afghanistan cinq ans après : Le retour des Talibans) a largement été traité dans la presse canadienne car il arrive au moment où il y a débat politique sur notre présence militaire dans ce pays.  Michel C.  Auger fait un bon résumé des positions des différents partis dans son billet Ballon afghan et épouvantail américain.

Selon les analystes du Senlis, l’insécurité est de retour en Afghanistan et la population perçoit de plus en plus la présence des forces militaires étrangères comme une intrusion dans un conflit local.  Ils rappellent qu’il y a deux opérations militaires en cours en Afghanistan, soit l’opération Enduring Freedom menée par les forces étasuniennes dans le cadre de sa guerre au terrorisme, puis la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) autorisée par l’ONU et dirigée par l’OTAN, opération à laquelle les Forces canadiennes participent.

Un des problèmes soulignés dans ce rapport est que les dépenses en aide à la reconstruction (7,3 milliards de dollars) sont le neuvième des dépenses militaires (82,5 milliards).  La pauvreté extrême s’est installée quand les étasuniens et les britanniques ont amorcé une campagne d’éradication du pavot dont la culture représentait la survie de millions de petits cultivateurs afghans aux prises avec une dégradation écologique importante.

La question de l’opium est centrale dans la situation qui prévaut en Afghanistan.  Pierre-Arnaud Chouvy, géographe CNRS, écrivait en 2003 : «Dans un pays au relief tourmenté et aux rudes conditions climatiques, aggravées depuis quelques années par une longue sécheresse, la production commerciale de pavot à opium est, pour de nombreux paysans de toute une frange est de l’Afghanistan, un des seuls moyens de subsistance disponibles.  Les superficies irriguées ont en effet diminué de moitié depuis 1978, lorsque le pays était en passe d’atteindre à une autosuffisance alimentaire.  Les surfaces arables, elles, ont décliné de 37 % entre le début et la fin des années 1990.»

Le Senlis a déjà suggéré une approche nouvelle en ce qui a trait à l’opium en Afghanistan, une approche basée sur le modèle turc des années soixante en vertu duquel la production du pavot était permise, mais encadrée par l’État qui en tirait des bénéfices en écoulant cette production auprès des fabricants de produits pharmaceutiques et qui réinjectait ces sommes dans le développement social (voir Opium Licensing for the Production of Essential Medicines: Securing a Sustainable Future for Afghanistan et Political history of the poppy licensing in Turkey).

Constatant l’échec des opérations militaires, le peu de souci du développement durable du pays par les forces étrangères, et dans ce contexte la remontée en faveur des Talibans dans la population, le Senlis conclut qu’il faut systématiquement et très rapidement changer l’approche à la reconstruction du pays.

Toutefois, ce rapport publié hier a été précédé le 23 juin 2006 d’une autre analyse du Senlis qui portait cette fois sur le rôle du Canada en Afghanistan (voir Canada in Kandahar: No Peace to Keep - A Case Study of the Military Coalitions in Southern Afghanistan) et dont la presse (en cette période estivale) a peu fait état.

Les auteurs de ce rapport estiment que le Canada et la communauté internationale continuent d’adhérer à la politique boiteuse des États-Unis en ce qui concerne le sud de l’Afghanistan, ce qui compromet la réussite des opérations militaires dans la région de même que les objectifs de stabilisation, de reconstruction et de développement.

Selon eux, les Forces canadiennes doivent faire face à trois crises étroitement liées : pauvreté, opium et sécurité.

Pauvreté.  Après cinq ans de présence internationale et l’élection d’un gouvernement, très peu a été fait pour soulager la pauvreté extrême de la majorité de la population de la province de Kandahar.  Comme on ne répond pas aux besoins essentiels de la population, cette dernière remet son appui aux Talibans et autres instances locales.

Opium.  L’éradication forcée des récoltes de pavot a considérablement contribué à l’accélération de la détérioration de la sécurité et de l’augmentation de la pauvreté au Kandahar.  La politique d’éradication, bien qu’inefficace dans son ensemble, a eu pour conséquence l’escalade des jeux de pouvoirs locaux.  L’allégeance de la population, déçue de son gouvernement et des actions des gouvernements étrangers, va maintenant aux Talibans qui profitent de l’appui d’une population désabusée.

Sécurité.  La crise de sécurité qui touche la région a été provoquée par une présence militaire étrangère agressive, le flou entourant la mission et les objectifs militaires, et un manque de compréhension et de respect à l’égard des collectivités locales afghanes.  Des civils innocents ont été victimes d’interventions visant des insurgés dans la province de Kandahar sans que l’on daigne expliquer ce qui était arrivé.

Autre exemple de manque de sensibilité à la culture locale, la visite du premier ministre canadien Stephen Harper en mars 2006 aux troupes canadiennes basées à Kandahar.  Le fait que dès son arrivée il se soit dirigé vers la base canadienne, négligeant au préalable de rencontrer les responsables locaux comme les coutumes afghanes l’exigent, a été perçu comme une insulte à la fierté afghane.

On ne semble nullement avoir tiré des leçons de la présence militaire étasunienne dans la province de Kandahar.  Les politiques et les actions ont échoué, voire exacerbé les dynamiques (comme le soutien aux Talibans dans cette province) qui justifiaient la présence internationale dans cette région.

Historiquement, jamais une présence militaire étrangère n’a pu de manière durable s’assurer d’une emprise durable dans le sud de l’Afghanistan.  Les États-Unis n’y ont pas réussi après le 11 septembre 2001, et les auteurs du rapport prédisent que l’expérience des Forces canadiennes ne sera pas différente si elles continuent d’adhérer et d’appuyer les politiques étasuniennes dans la région.

La question politicienne serait donc de savoir si en restant en Afghanistan, mais en s’écartant de l’approche retenue jusqu’à présent, on pourrait mieux atteindre les objectifs initiaux, ou s’il existe une voie de sortie acceptable.
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5.9.06

L’Irak à vendre

J’ai parlé précédemment des agences de sécurité présentes en Irak, et aussi des honoraires faramineux qui leurs sont versés. Par exemple, au 30 juin 2006, avec à peine deux ans en cours d'un contrat (initialement prévu pour cinq ans), Blackwater à elle seule aurait reçu 321,7 millions de dollars, soit plus de 100 millions de plus que prévu pour cinq ans. Le State Department qui octroie ces contrats refuse d’expliquer l’écart (voir Les armées privées de Washington 1 et 2).

Iraq for SaleIraq for Sale: The War Profiteers (L'Irak à vendre : Les profiteurs de guerre) est un documentaire de 75 minutes qui prendra l’affiche à compter du 8 septembre et qui sera disponible en format DVD le 26 septembre. Le film est l’oeuvre de Robert Greenwald qui a traité au cours des dernières années de sujets comme l’empire Wal-Mart, de l’emprise de Rupert Murdoch sur la presse occidentale, et du scandale Enron. Cette fois, il s’en prend aux entreprises qui réalisent des profits excessifs en Irak, soit pour la sécurité ou encore la «reconstruction». Par exemple, Donna Zovko, mère de l’un des quatre agents de Blackwater tués par les insurgés en 2004 accuse l’entreprise d’avoir négligé de fournir du matériel adéquat à son fils et ses compagnons.

Greenwald explore aussi les dossiers de Halliburton KBR qui offre des services d’approvisionnement et de construction, et ceux des sociétés CACI et L3 TITAN qui fournissaient des traducteurs, interprètes et «interrogateurs» à la prison de Abu Ghraib.

Le film réalisé à la Michael Moore promet de faire beaucoup de bruit, mais une de ses particularités est qu’il a été entièrement financé et produit grâce à des dons de plus de 3 000 personnes recueillis principalement grâce à Internet. Robert Greenwald a ainsi réussi à contourner toute la structure des grands producteurs et des chaînes de télévision. De plus, le site Web du film comporte une section transactionnelle permettant d’acheter le DVD pour la somme de 12,95 $ US, ou encore 5 copies pour 50,00 $ ou 30 pour 240,00 $ ce qui permet au producteur de ne pas avoir recours aux filières habituelles de distribution.

Le site, très complet, comprend aussi un blogue, des extraits vidéo, et du matériel de promotion.

Une expérience intéressante à suivre.
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3.9.06

Les armées privées de Washington (2)

Il y a deux semaines, je vous parlais de l’escalade des coûts imputables aux armées privées déployées en Irak pour assurer la sécurité de certains quartiers ou de diplomates occidentaux, voire participer directement aux combats contre des milices armées qu’elles soient chiites ou sunnites.

J’écrivais «En mars 2006, le directeur de l’association des entreprises privées de sécurité en Irak a estimé qu’il y avait maintenant 181 entreprises disposant d’un effectif de 48 000 employés.»  Suite à un commentaire, je précisais que bon nombre des «mercenaires» à l’emploi des agences de sécurité privées étaient d’ex-combattants qu’on recrutait dans d’autres zones de conflits sur le globe.  L’avantage pour les agences est que ces effectifs coûtent moins cher que les ressortissants étasuniens ou britanniques, bien que leurs services soient facturés au plein prix au State Department des États-Unis (qui passe ces marchés), et constituent donc en quelque sorte un «cheap labor» de la sécurité.

Bill Sizemore du Virginian-Pilot dans la livraison du 2 septembre rapporte une dispute salariale entre une des plus importantes agence de sécurité en Irak, Blackwater USA, et un groupe d’employés colombiens.  Ces derniers disent qu’ils ne touchent que 34 $ par jour pour leurs services, environ 1 000 $ par mois, alors que les agents recruteurs de Blackwater leur avaient promis des honoraires de 4 000 $ par mois; le salaire des agents privés étasuniens ou britanniques peut s’élever à 10 000 $ ou plus par mois (voir Blackwater and Colombian workers clash over pay scale, Virginian-Pilot, 2 août 2006).

Un porte-parole de Blackwater explique qu’il y a eu transition d’un contrat à un autre liant la firme au State Department, et que les honoraires ont été révisés à la baisse. 

Sizemore souligne que d’ex-militaires des Philippines, d’Afrique du Sud et du Chili sont employés par des agences comme Blackwater et ses concurrents.  Officiellement, le gouvernement des Philippines interdit à ses ressortissants de travailler en Irak, alors que le parlement sud-africain étudie un projet de loi qui interdirait à ses ex-soldats de participer à quelque conflit que ce soit sans au préalable obtenir la permission du gouvernement.

Un chroniqueur du NewsBlog décrit ce qui équivaut à un véritable système de caste qui régit les salaires versés aux mercenaires employés par les agences, et ce selon la provenance des effectifs recrutés (voir Some people die cheaper, NewsBlog, 3 août 2006). 

Au haut de l’échelle salariale on trouve les anciens combattants des forces spéciales d’élite Delta, SAS et SBS.  Les éléments qui proviennent des forces Delta sont des gardes du corps parfaits, lourdement armés et disposant de matériel de haute technologie, mais très visibles et peu subtils.  Ceux des SAS possèdent les mêmes qualités, mais sont plus discrets, ce qui constituerait une qualité recherchée.

Viennent ensuite les agents privés des États-Unis, les anciens commandos ou parachutistes australiens et néo-zélandais, les commandos sud-africains, et les ex-membres du GIGN français.  Ici, tout dépend de leur maîtrise de l’anglais, ce qui ne semble pas pour le chroniqueur être un problème autant que les retombées politiques possibles.  «Des morts français, ce n’est pas bon pour la couverture médiatique» écrit-il.

Suivent les ex-membres de l’infanterie et des services de sécurité.  Un bon rapport qualité/prix toujours selon ce spécialiste, mais qui peuvent compter quelques crétins dans leurs rangs car la vérification des compétences et expériences n’est pas toujours approfondie pour ce groupe.  On leur confie surtout des tâches de sécurité périmétrique, d’escorte de convois ou de chauffeurs.

Au bas de l’échelle on trouve les mythiques Ghurkas népalais, puis les Colombiens, Chiliens, Argentins et autres.  Ces éléments sont généralement expérimentés et bien entraînés, mais ils touchent moins que les autres mercenaires car ils proviennent de pays pauvres...

De conclure le commentateur, ce n’est jamais payant d’être pauvre, même en Irak.
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