28.3.06

Temps difficiles pour les journalistes

Et, pourrait-on dire, pour les citoyens, principaux concernés par la chose politique.

Hélène Buzzetti du Devoir écrit qu’à Ottawa, «Le gouvernement conservateur a ouvert les hostilités contre les journalistes parlementaires hier, faisant table rase de trois décennies de cohabitation sur la colline. L'équipe de communications de Stephen Harper a interdit aux reporters l'accès au bureau du premier ministre à l'occasion de deux rencontres officielles et entend désormais organiser des réunions de Cabinet secrètes loin du regard inopportun des caméras. Sans compter qu'elle s'arroge déjà le droit de choisir quels journalistes peuvent poser des questions au premier ministre.» (Voir Rien ne va plus entre Harper et les médias.)

L’agence Presse canadienne évoque aussi l’affaire. «Les services de sécurité de la colline parlementaire ont empêché les journalistes d'assister à deux séances de photos de Stephen Harper, lundi, alors que le bureau du premier ministre se livrait à une démonstration de force auprès des médias. L'affrontement entre les agents de sécurité et les journalistes, devant la porte du bureau de M. Harper, a illustré la détérioration des relations entre un bureau du premier ministre désireux d'avoir le contrôle total de son message, et les médias soucieux de défendre leur accès aux membres du cabinet, obtenu de haute lutte. Les conservateurs menacent même de tenir des réunions du conseil des ministres en secret, et de ne pas diffuser d'informations élémentaires sur les visites de chefs d'Etat et premiers ministres de passage au pays.[...] Quant aux plaintes formulées par les membres de la tribune de la presse parlementaire au sujet des difficultés d'accès aux ministres, [la responsable des communications de M. Harper, Sandra Buckler] a dit: "Je ne crois pas que le Canadien moyen s'en préoccupe, aussi longtemps qu'ils savent que le gouvernement est bien géré."» (Voir Les heurts entre le bureau du premier ministre et les médias s'accentuent.)

Si on parle de transparence et d’ouverture aux médias, la situation n’est guère plus rose à Québec. Le 9 mars, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) émettait un communiqué. «La Fédération professionnelle des journalistes du Québec redemande au premier ministre Jean Charest d'annuler le décret qui met 22 directeurs des communications de ministères et 300 agents d'information sous la coupe de son ministère. Ce décret, loin d'améliorer les communications entre le gouvernement et le public, va les empirer considérablement. Il manifeste sans vergogne que la priorité du parti au pouvoir est avant tout de préserver son image en contrôlant strictement l'information qui émanera de l'État. Mais l'État ne lui appartient pas. Il appartient à tous les citoyens.» (Voir Les communications gouvernementales doivent servir le public, pas le parti au pouvoir.)

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) a aussi demandé le retrait du décret. «En mettant les communications gouvernementales sous le contrôle du pouvoir politique, monsieur Charest prive le public de son droit à une information gouvernementale exempte de partisanerie politique, affirme la présidente du SPGQ, Madame Carole Roberge. Ce décret assujettit le personnel professionnel des directions des communications des ministères au pouvoir politique, au détriment du service à la population, dénonce la présidente du SPGQ. Monsieur Charest devrait plutôt faire le ménage au sein des cabinets politiques pour régler les problèmes de communication de ses ministres sur la place publique. Le personnel des communications doit être à l’abri des intrusions politiques, ajoute-t-elle. Il doit conserver l’indépendance indispensable à l’exercice de sa pratique professionnelle. Comme l’a si bien dit le juge Gomery, “il faut donner aux fonctionnaires le pouvoir de dire non à toute influence politique”. “À moins que le Conseil des ministres n’en décide autrement, le décret fait en sorte que ce personnel ne sera plus syndiqué, lui enlevant ainsi le rempart essentiel contre l’arbitraire et les pressions politiques”, déplore la présidente.» (Voir Le SPGQ, appuyé par la FNC et le SCFP, réclame le retrait du décret.)

Professeur titulaire de l'École nationale d'administration publique (ENAP) et un des grands spécialistes canadiens en marketing et information gouvernementale, Robert Bernier a estimé que «la décision gouvernementale “pavait la voie à la propagande politique. La séparation entre le politique et l'administratif est l'un des éléments dominants du processus démocratique”[...] M. Bernier a aussi indiqué que ses analyses lui permettent d'affirmer que Communications Québec est un des réseau d'information gouvernementale les plus performants et les plus crédibles au Canada, supérieur à celui des autres provinces et à celui du gouvernement fédéral.»

On comprend que les politiciens soient souvent ennuyés par les journalistes, mais constatons ici un contraste entre Charest et Harper.

Dans le cas de Charest, «La couverture médiatique du premier ministre Jean Charest ne cesse de baisser depuis son arrivée au pouvoir en 2003, indique une analyse publiée jeudi.[...] Les données de la firme de recherche Influence Communication montrent que depuis les élections de 2003, l'attention médias a décliné régulièrement et le ton de la couverture a chuté de façon draconienne. À titre d'exemple, M. Charest se retrouve en sixième position dans la liste des personnalités les plus citées au Québec en 2005, derrière John Gomery, Jean Brault, Paul Martin, Jean Chrétien et Charles Guité, tous des acteurs de l'enquête sur le scandale des commandites.[...] Le "poids média" du premier ministre Charest (le nombre de mentions à son sujet comparé à l'ensemble des nouvelles au Québec) a cependant dégringolé de 2003 à 2006, passant de 2,31 pour cent à 0,68 pour cent; en 2005, ce poids était de 1,5 pour cent. La couverture médiatique "positive" de M. Charest a également reculé de 16 pour cent à 0,2 pour cent cette année et à 0,21 pour cent en 2005, conclut l'analyse.» (Voir La couverture médiatique de Jean Charest ne cesse de baisser.)

En revanche, dans le cas de Harper, le durcissement envers les journalistes survient au moment où «Le taux de satisfaction à l’égard du gouvernement conservateur de Stephen Harper a encore augmenté. Il était de 62 % la semaine dernière dans l’ensemble du pays, et même de 68 % au Québec : un score presque aussi élevé qu’en Alberta et dans les Maritimes, selon Ipsos-Reid...» (Voir Harper : une vraie lune de miel.)

C’est peut-être que les politiciens ont toujours envie de se débarrasser des journalistes, que les choses aillent bien ou mal?
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25.3.06

Facta non verba

Deuxième Force opérationnelle interarméesElle était en Haïti pour appuyer le coup d’État qui a renversé Jean-Bertrand Aristide en février 2004. Elle est en Afghanistan où elle impressionne par son efficacité le commandement militaire étasunien. Et voilà qu’elle aurait participé en Irak à la «libération» des otages canadiens, bien que les circonstances entourant cette opération demeurent nébuleuses (voir La Presse, Des zones d'ombre demeurent sur l'opération de sauvetage). Il s’agit de la Deuxième Force opérationnelle interarmées, mieux connue dans le milieu sous son acronyme anglais JTF2, dont la devise est Facta non verba, «des actes, pas des paroles».

On lisait également hier dans le quotidien La Presse au sujet de la libération des otages : «Ironiquement, ce sont les autorités britanniques et américaines qui ont d'abord révélé que des Canadiens avaient participé aux efforts de sauvetage. Réticentes à offrir quelque détail, les autorités canadiennes ont été obligées en fin de journée de confirmer les dires du Pentagone et du ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, qui ont soutenu que des soldats et des policiers canadiens ont joué un rôle dans cette mission. Toutefois, il a été impossible de savoir hier combien de soldats et de policiers canadiens y ont participé.»

Le JTF2 a été créé le 1er avril 1993 quand les Forces armées canadiennes ont accepté la responsabilité des opérations fédérales antiterroristes, qui relevaient auparavant de la Gendarmerie royale. Par contre, c’est une des unités les plus discrètes des Forces armées. «Si la vie vous intéresse» disait autrefois une publicité des Forces canadiennes. Eh bien si le JTF2 vous attire, sachez qu’il vous faudra servir au moins deux ans dans les rangs des Forces avant d’y être admissible. Sachez aussi que neuf aspirants sur dix sont rejetés tellement les critères sont pointus. Le JTF2 compterait environ 300 membres; on projette de doubler ce nombre sous peu.

Canada's Secret CommandosMalgré l’extrême discrétion qui entoure le JTF2, la CBC a publié un texte relativement étoffé sur le sujet, mais l’oeuvre maîtresse sur le JTF2 a été écrite par le journaliste d’enquête David Pugliese, Canada's Secret Commandos: The Unauthorized Story of Joint Task Force Two. En fait, le JTF2 est si discret que ses membres ne peuvent obtenir de pension d’invalidité du ministère des Anciens combattants s'ils sont blessés car il faudrait lors de la réclamation préciser les circonstances ayant mené à l’invalidité, ce qui risquerait de dévoiler le lieu et la nature des opérations.

Et voilà, Facta non verba. On en sait probablement davantage à Washington et à Londres sur ce que font nos militaires à l’étranger. Si Harper garde le mutisme sur le rôle du Canada dans la libération des otages disant «"Je peux seulement dire que nous avons participé dans cette (opération) réussie[...]. Mais j'ai toujours dit que je ne suis pas libre d'en dire plus que ça pour des raisons de sécurité nationale», la question se pose à savoir si, malgré sa visite très médiatisée en Afghanistan, il est vraiment au fait du rôle des militaires canadiens à l’étranger.
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24.3.06

Partir ou mourir

Raymonde ProvencherLundi, 27 mars à 21h00, à l’antenne de Télé-Québec, diffusion du documentaire de Raymonde Provencher (photo) Partir ou mourir produit dans le cadre de la série eXtremis par Macumba International (auquel je suis étroitement associé, comme vous le savez). Chaque année, des centaines de milliers de personnes cherchent à fuir leurs pays vers un ailleurs qu’ils espèrent meilleur. Ils partent cramponnés à des trains, entassés dans des barques, cachés dans des cargos, agrippés sous des camions. Qu’ils soient Marocains, Ivoiriens, Salvadoriens, Honduriens ou Dominicains, et que leurs destinations soient les États-Unis, l’Europe ou le Canada, tous n’ont qu’un seul rêve : changer de vie. À tout prix, coûte que coûte. Pour eux, il s’agit de partir ou mourir. Raymonde Provencher raconte trois histoires vécues.

Robert CornellierPartir ou mourir est également projeté ce soir, 24 mars, au cinéma Beaubien à 19h30 dans le cadre du Festival de films sur les droits de la personne de Montréal en présence de la réalisatrice. Aussi au programme ce soir au FFDPM, La colère des parias de Robert Cornellier (photo). Ce documentaire, lui aussi produit par Macumba International pour la série eXtremis, comporte trois volets : les coupeurs de canne à sucre haïtiens en République dominicaine, les enfants retenus en servitude pour dette en Inde, et les travailleurs agricoles migrants en Floride.
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23.3.06

Cas d’appropriation de nom de domaine

On sait que quiconque peut réserver un nom de domaine. On vérifie s’il est disponible, on communique avec un régistraire, on verse les droits pour une durée déterminée, on trouve un hébergeur, et voilà, le tour est joué. Mais au delà de la période initialement prévue, cette inscription est renouvelable lorsqu’elle vient à échéance, sinon le nom redevient disponible.

Certains régistraires préviennent par courriel les détenteurs de noms de domaines à l’approche de l’échéance du renouvellement. Ceci évite de «perdre» son nom de domaine qui pourrait être récupéré par d’autres.

Voilà que mon collègue du Devoir, Benoît Munger, s’est fait ravir le nom de domaine (bmunger.ca) qui hébergeait son blogue après avoir négligé de renouveler son inscription. Le domaine en question a été «approprié» pour moins de 15 $CAD par un Russe de Saint-Pétersbourg le 17 mars dernier, et ce par l’entremise d’un régistraire canadien, agréé par l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (ACEI), et qui a aussi des bureaux en Grande-Bretagne.

Là où l’affaire prend une dimension embarrassante, c’est que le citoyen russe en question utilise le nom de domaine qui hébergeait le blogue de Munger pour faire la promotion de matériel pornographique. Ainsi, tous les blogues ou répertoires qui contenaient une référence au blogue de Benoît ont maintenant un lien pointant vers un site porno.

Pour le chipeur de nom de domaine, il y a un avantage a s’approprier un nom déjà connu plutôt que de choisir un nom inédit. Comme la mise en marché de la porno repose en très grande partie sur une multitude de liens qui pointent vers certains sites, accaparer un nom de domaine déjà connu et y inscrire des liens vers ces sites accapare aussi la fréquentation antérieure de ce nom de domaine. Et comme tout est payé au clic... Il y a d’ailleurs des services de veille des noms de domaines qui arrivent à échéance sans être renouvelés.

Et le problème, c’est qu’il n’y a rien d’illégal dans ce genre d’appropriation de nom de domaine. Resterait à savoir si la politique de règlement de différend de l’ACEI qui «vise à fournir un cadre permettant de traiter de manière relativement peu coûteuse et rapide les cas de noms de domaine enregistrés de mauvaise foi dans le registre des noms de domaine de tête de code de pays point-ca exploité par l'ACEI (le “registre”)» pourrait être un recours possible.

P.S. J’ai tenté depuis ce matin, sans succès, de rejoindre Benoît par téléphone et par courriel pour obtenir ses commentaires.

P.P.S. Merci à P.V. qui m’a mis sur cette piste.

Mise à jour : 28 mars

Benoît m’a fait parvenir le courriel suivant :

Comme on dit, cordonnier mal chaussé. J'ai loupé le renouvellement de ce nom de domaine, dont je possédais les droits depuis quelques années, pour une banale histoire d'adresse de courriel obsolète. Pas trop grave. De toute façon j'avais l'intention de le laisser aller.

Merci de me l'avoir signalé.
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10.3.06

Haïti : l’axe de coopération sud-sud se confirme

Comme je le soulignais il y a trois semaines (voir Haïti : La suite des choses et la dette bolivarienne), il y aurait une ouverture sur la coopération «sud-sud» qui serait à l’avantage d’Haïti dans l’énorme tâche de reconstruction qui attend ses élus confirmés et à venir. Des informations récentes permettent de confirmer ces possibilités.

D’une part, on lit dans Haïti Échanges (7 mars) que «Le Président vénézuélien Hugo Chávez a annoncé, dimanche 5 mars, officiellement que toutes les dispositions sont déjà prises par son gouvernement en vue de l’intégration d’Haïti dans l’accord pétrolier préférentiel Petrocaribe, rapporte lundi l’agence de presse chilienne Orbe. Le chef de l’État précise qu’il présentera la proposition directement au Président élu d’Haïti, René Préval, lors d’un tête-à-tête qu’ils auront au Chili samedi prochain en marge de la cérémonie d’investiture de la nouvelle présidente chilienne Michelle Bachelet. "C’est un peuple frère et nous avons une dette historique envers le peuple d’Haïti qui souffre d’une pauvreté infinie", a indiqué Chávez dans le cadre de son programme hebdomadaire radiotélédiffusé "Alò Presidente".»

Soulignons au passage que la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, d’origine haïtienne, se rendra elle aussi à Valparaiso (Chili) pour assister à l'assermentation de la présidente Michelle Bachelet, mais le communiqué émis par Rideau Hall ne mentionne pas de rencontre prévue avec le nouveau président haïtien.

Petrocaribe est une initiative du gouvernement vénézuélien qui vise à offrir des produits pétroliers à prix préférentiels à 13 pays de la Caraïbe. Petrocaribe dispose d’une politique de crédit à long terme à taux d’intérêt très faibles et qui peut aller jusqu’à la fourniture compensatoire de biens et de produits au Venezuela.

Selon des chiffres de 2003, Haïti consommait l’équivalent 11 800 barils de pétrole par jour. À titre comparatif, et ce pour une population très légèrement supérieure, la République dominicaine voisine consomme l’équivalent de 128 000 barils par jour. Un allégement du fardeau pétrolier à court terme aurait des effets immédiats dans les secteurs de la production d’électricité et du transport. En février, l’essence ordinaire se détaillait à plus de 1 $ US le litre à Port-au-Prince, et la capitale était en proie à d’importantes pénuries d’électricité faute de carburant dans les centrales électrogènes.

Puis, de l’Agence Haïtienne de Presse (AHP), on apprenait ce 9 mars qu’en plus de conférer avec Hugo Chávez au Chili dans le cadre pré-cité, René Préval se rendra en Argentine pour une seconde rencontre avec le chef d’État vénézuélien ainsi qu’avec les présidents argentin Néstor Kirchner et brésilien Ignacio Lula Da Silva. Les discussions porteront sur différentes avenues de coopération économiques et sociales avec Haïti a fait savoir le président élu.

Préval ne néglige cependant pas les bailleurs de fonds traditionnels, précise l’AHP, car il rencontrera les 27 et 28 mars le président étasunien George Bush ainsi que des responsables des Nations Unies, de l’Organisation des États Américains (OÉA), de la Banque Mondiale, de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et du Fonds Monétaire International (FMI).
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9.3.06

Mont-Orford : Les opposants «n'ont qu'à acheter la montagne»

Lundi dernier, le gouvernement québécois annonçait son intention «de déposer, à l’Assemblée nationale, un projet de loi visant à rendre conforme le parc national du Mont-Orford à la vocation des parcs nationaux du Québec, telle que prévue à la Loi sur les parcs adoptée en 2001. Le projet de loi va soustraire et prévoir la vente du territoire sous bail du parc national du Mont-Orford utilisé à des fins récréotouristiques intensives (centre de ski alpin et terrain de golf). Il prévoira également la possibilité d’un développement domiciliaire d’ensemble de ces terrains d’une superficie maximale de 85 hectares dans le respect des plus hauts standards environnementaux qui permettront de préserver les paysages et la biodiversité faisant la beauté et la richesse du Mont-Orford.»

Montée aux barricades des environnementalistes, on le comprendra, malgré toutes les assurances fournies par le gouvernement qu’il verra à agrandir le parc d’au moins 5 000 hectares. Réponse de Monique Gagnon-Tremblay, ministre responsable de la région de l’Estrie : «Le gouvernement a décidé de faire un appel d'offres public pour que le processus soit le plus transparent possible. Et remarquez que si tel est le cas, les environnementalistes ou les autres (opposants) peuvent acheter la montagne. Tout le monde peut l'acheter.»

Il m’a fallu quelques secondes, et quelques manoeuvres de télécommande de mon téléviseur pour trouver cette «brillante» déclaration sur une autre chaîne, et pour me confirmer que j’avais bien entendu. Bel exemple d’ouverture. C’est un peu comme dire : «Vous n’êtes pas content de votre gouvernement? Achetez-vous une élection.»

Monique Gagnon-Tremblay, qui en plus d’être ministre responsable de la région est également ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie, avait déclaré lors de l’annonce de l’intention du gouvernement d’agrandir le parc : «Par cet engagement, le gouvernement démontre sa ferme volonté de protéger la nature et la biodiversité, de renforcer l’intégrité écologique du parc national du Mont-Orford et d’associer la population de la région de l’Estrie à la protection de la biodiversité.»

Sans faire le procès de cette décision, et sans étaler l’ensemble fort complexe, avouons-le, du dossier, pourrait-on en rappeler un seul élément, soit celui de l’eau.

Le mois dernier, alors que le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs était toujours dirigé par Thomas Mulcair, prédécessur de Claude Béchard à ce poste, le président du Conseil régional de l'Environnement de l'Estrie, Jean-Guy Dépôt, écrivait au ministre Mulcair une lettre traitant de certains impacts d’un projet tel qu’annoncé. Je me permettrai ici de reproduire certains extraits de cette lettre, et d’en souligner certains passages.

Permettre un projet d'étalement urbain dans un petit parc national n'est pas, à mon sens, du développement durable. Ni le retrait et le massacre de 330 acres de forêt mature, contenant des érables, des pins rouges, des chênes rouges, des noyers cendrés de 70 à 100 ans.[...] Pourquoi permettre illégalement la construction de 1 000 unités d'habitation et environ 3 200 places de stationnement dans un parc national?

[...]

Ce projet d'envergure n'a malheureusement pas fait l'objet d'une étude d'impact globale sur l'environnement. Cet immense chantier affecterait assurément le système hydrique du ruisseau Castle et provoquera énormément d'érosion de même que l'apport d'une importante quantité de sédiments vers le lac Memphrémagog, réservoir d'eau potable de plus de la moitié des Estriens (160 000) contribuables des Villes de Magog et de Sherbrooke, et d'autres villes sur les rives du lac. Rappelons qu'il y a un manque chronique d'eau potable dans le secteur sud du Canton d'Orford. Au cours des derniers mois de l'année 2005, la municipalité a dû verser plus de 20 000$ à l'entreprise Laforest Nova Aqua Inc. pour la recherche d'eau souterraine et l'étude de capacité des puits existants. Chaque année sur une période de 8 semaines, du 15 novembre au 15 janvier environ, Mont-Orford Inc. pompe du petit étang aux Cerises pour l'enneigement artificiel des pistes de ski alpin environ 227 124 000 litres d'eau (60 000 000 gallons).

En décembre 2004, le BAPE a constaté que l'évaluation du débit soutiré actuellement à l'étang aux Cerises est de 47 litres/seconde. Ce débit moyen soutiré serait trois fois supérieur à un débit réservé acceptable, soit 17,6 litres/seconde. Cette année avec le temps chaud, on m'indique qu'on a dû recommencer à quatre occasions la fabrication de neige artificielle.


Autrement dit, et strictement sur le plan hydrique, ce projet est une catastrophe en devenir.

Dans le respect des plus hauts standards environnementaux... ferme volonté de protéger la nature et la biodiversité... renforcer l’intégrité écologique du parc...

Monique Gagnon-Tremblay répondra peut-être que si les citoyens et les municipalités manquent d’eau, ils n’auront qu’à l’acheter?

Mise à jour : 11h39

Je ne peux m'empêcher de grappiller le billet de Vastel de ce matin.

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LA PERLE DU JOUR

Hier soir à TVA, la ministre des Relations internationales et responsable de l'Estrie, Monique Gagnon-Tremblay, a fait cette remarque savoureuse: «Cette montagne [Orford] est une anomalie, elle ne devrait pas se trouver dans un parc...»

Écoutez donc, Madame la ministre, il me semble que la montagne était là avant le parc, non?

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8.3.06

Visite de Bush au Pakistan

Bush, MusharrafSelon un compte rendu de l’Associated Press repris sur Forbes. «Avant de quitter, Bush a vanté les mérites du président Musharraf comme un “homme de courage et de vision”.[...] Les États-Unis voient en Musharraf un chef d’État qui favorise un Pakistan plus ouvert, modéré et tolérant. En compagnie du leader pakistanais que Bush appelle son “copain”, le président des États-Unis n’a pas voulu formuler de critiques à son endroit quant au rythme des avancées démocratiques dans son pays, sauf pour exprimer du bout des lèvres le souhait que les élections prévues pour l’an prochain soient “libres et démocratiques”.[...] Musharraf a défendu son bilan en matière de démocratie, faisant valoir des mesures en vue d’une presse plus libre, d’un parlement élu et d’une plus grande participation des femmes à la vie civile et politique.»

Don't block the blogSelon Global Voices, un OSBL citoyen créé sous l’égide du Berkman Center for Internet and Society de la faculté de droit de Harvard : «Il semble que, depuis quelques jours, l'accès aux blogues hébergés par Blogspot (plate-forme de Blogger) est bloqué par tous les fournisseurs d’accès Internet pakistanais.» Sur le blogue Help-Pakistan, plus de précisions, et une campagne. «Des groupes politiques ont exercé des pressions sur le gouvernement pour qu’il interdise les sites Web diffusant des caricatures du prophète Mahomet. Plutôt que d’interdire l’accès à ces sites, les fournisseurs d’accès pakistanais ont tout simplement bloqué tout le domaine blogspot.»

Fallait-il bloquer un site, douze sites ou des millions dans le pays dirigé par cet «homme de courage et de vision»?
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7.3.06

Haïti : le difficile cheminement de l’information

Dans la foulée des événements qui ont mené à la confirmation de la victoire de René Préval à l’élection présidentielle (voir Haïti : La suite des choses et la dette bolivarienne), on apprenait le 21 février la «fuite» aux États-Unis du directeur général du Conseil électoral provisoire (CPE) Jacques Bernard (Radio-Canada : Haïti : Le directeur du Conseil électoral fuit le pays). «Jacques Bernard aurait quitté le pays pour se rendre aux États-Unis après que sa ferme, située près de Port-au-Prince, eut été pillée et incendiée par des inconnus, samedi» selon ces sources.

Certaines autres sources s’appuyaient sur des confirmations officielles : «La ferme familiale du directeur général de l'organisme chargé de chapeauter les élections présidentielle et législatives en Haïti a été saccagée au cours de la fin de semaine. Un porte-parole de l'ONU, David Wimhurst, a confirmé hier à La Presse que la ferme de Jacques Bernard, située à Thomazeau, dans le centre-sud du pays, avait été prise d'assaut par des inconnus qui ont mis le feu avant de prendre la fuite en volant du matériel.» (La Presse : La ferme d'un responsable électoral brûlée en Haïti).

Avant sa «fuite», Jacques Bernard se disait victime d’actes d’intimidation et d’agressions verbales motivées par le dépouillement du scrutin, la lenteur de la publication des résultats et les mesures qu’il entendait prendre pour enquêter «sur les allégations de fraude entourant l'élection présidentielle».

Mais Jacques Bernard est de retour en Haïti comme nous l’apprend une agence de presse : «Un haut responsable électoral qui a fui le pays en raisons de menaces est rentré au pays pour aider à l’organisation du second tour des élections nécessaires à la formation d’un gouvernement a annoncé ce lundi le Conseil électoral haïtien. Jacques Bernard, directeur général du controversé conseil électoral, est arrivé dimanche dans la capitale Port-au-Prince deux semaines après avoir quitté pour les États-Unis.[...] Bernard avait fui après que des opposants eurent pillé sa ferme et que des diplomates l’eurent prévenu que des membres de gangs projetaient de prendre sa voiture en embuscade alors qu’il quittait le centre de dépouillement du scrutin» (les italiques sont de moi, voir Associated Press : Top official for elections back in Haiti ).

Autre précision sur l’escapade de Bernard en terre étasunienne, «Pendant son séjour aux États-Unis, Jacques Bernard est intervenu à un séminaire international sur Haiti, organisé au Carnegie Endowment for International Peace à Washington[...] À l’issue de ce séminaire, les États-Unis et la République Dominicaine auraient appuyé le retour de Jacques Bernard à Port-au-Prince dans la perspective de l’aboutissement du processus électoral» (Alterpresse : Haïti Élections : Jacques Bernard à nouveau sur le terrain).

Le Carnegie Endowment for International Peace est l’une des nombreuses cellules de réflexion (think tanks) qui contribue à façonner la politique extérieure des États-Unis, et est la société éditrice de la revue Foreign Policy. Dans son numéro de juillet/août 2005, on pouvait lire dans cette revue un commentaire éclairant : «Le Congo, Haïti et le Soudan sont les récipiendaires de ce que l’on pourrait appeler le “maintien de la paix à rabais” (peacekeeping on the cheap). Dans aucun de ces pays la force multinationale n’est suffisamment puissante pour imposer son autorité sur le pays.».

Par ailleurs, on apprend d’une autre agence de presse que «Dans des échanges avec des responsables de la MINUSTAH [Force de stabilisation des Nations Unies en Haïti] ou lors de rencontres avec des personnalités américaines à Washington, Jacques Bernard avait conditionné son retour au CEP à la révocation d'un groupe de 3 conseillers électoraux[...] Au Conseil électoral même, certains s'interrogent sur le rôle dévolu à Jacques Bernard.» (Agence haïtienne de presse : Jacques Bernard revient au CEP : beaucoup y voient une forme de provocation, 6 mars).

Or, ce qui vient compliquer l’interprétation de l’affaire Jacques Bernard, en plus de la confirmation d’un porte-parole de l’ONU du saccage de la ferme de l’intéressé par des opposants, des mises en garde de diplomates qui seraient au courant des projets des gangs armés, c’est qu’il n’y aurait pas eu de saccage à la dite ferme. «Des reportages effectués sur une ferme du directeur exécutif du Conseil électoral Jacques Bernard dans la région de Thomazeau par des équipes de journalistes et des étudiants révèlent qu'aucun acte de pillage et de sabotage n'aurait été perpétré sur les lieux.[...] Les tracteurs ainsi que d'autres engins non utilisés depuis des années sont encore intacts. Seule une petite ampoule manquait à un tracteur, ont constaté les visiteurs. Des chèvres, des chiens et d'autres animaux couraient ça et là sur la ferme désaffectée.[...] De leur côté, des habitants de la zone et des gardiens des fermes avoisinantes, ont indiqué n'être pas au courant que des actes de sabotage aient été perpétrés sur la ferme de M. Bernard. “Si un quelconque acte de vandalisme avait été enregistré dans le voisinage, tout le monde en aurait été au courant”, ont-ils affirmé.» (Agence haïtienne de presse : Aucun acte de sabotage n'a été perpétré sur la ferme de Jacques Bernard à Thomazeau, 6 mars).

Comme on dit là-bas, ak pasyans, wa wè tèt foumi.
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4.3.06

La «clique du Plateau»?

Dimanche soir dernier, je suis tombé sur un passage de l’entrevue que l’animateur radio controversé Jeff Filion accordait à la non moins controversée émission Tout le monde en parle (TLMP, dans sa version québécoise). Juste assez longtemps pour entendre l’expression «clique du Plateau» (s’entend ici du quartier montréalais du Plateau Mont-Royal), un groupe dont j’ignorais l’existence (malgré que j’y habite depuis des années) et qui serait responsable de sombres machinations.

En fin d’entrevue, l’animateur de TLMP a demandé à Filion s’il allait rester sur le plateau (de télévision) pour participer au reste de l’émission. Filion a poliment refusé, disant quelque chose comme «non, c’est pas vraiment ma gang». Ça s’éclaircissait un peu, on parlait davantage de clan (petit groupe formé de personnes qui ont des idées, des goûts communs) que de clique.

Mon dico me dit de clique qu'il peut s'agir d'une «coterie, groupe de personnes peu estimables», au sens politique (avec connotation péjorative) un «groupe d'intérêts», ou encore un «ensemble des tambours et des clairons d'une musique militaire». Écartant la dernière définition pour des raisons évidentes, il me restait les deux premières interprétations, sauf que manque de contexte je me demandais de quoi il pouvait s’agir.

Il m’a fallu consulter de nombreux forums de discussions reférés par Google pour comprendre que lors d’une des premières émissions de TLMP, sinon à la première, on avait réuni un panel de «victimes» de Filion (artistes, animateurs, personnalités publiques), de personnes qu’il avait attaquées dans le cadre de l’émission qu’il animait sur les ondes d’une radio de la ville de Québec. Filion aurait par la suite, selon ce que je peux comprendre, dit qu’il s’agissait là d’une manoeuvre de la «clique du Plateau» pour le dénigrer.

Qu’il y ait des clans dans les médias, c’est inévitable. Ils se formeront en fonction de l’entreprise, du médium (radio, télé, imprimé), du genre, etc. Mais parler de clique et la désigner du nom d’un quartier, n’est-ce pas aller un peu loin et y associer toutes les personnes qui y résident?

Traçons un peu le portrait du quartier. Il y a deux ans, le conseil d’arrondissement du Plateau Mont-Royal publiait dans son répertoire d’activités et de services quelques statistiques démographiques.

La population du Plateau est de 101 364 résidants sur un territoire de 7,74 km carrés, soit une des plus hautes concentrations en Amérique du Nord. Cette population comprend 56 800 ménages, dont 53 % sont composés d'une seule personne; 48 % de la population est âgée de 20 à 39 ans; 37 % des travailleurs utilisent le transport en commun pour se rendre au travail (contre 30 % pour le reste de Montréal); 31 % des travailleurs conduisent leur voiture pour se rendre au travail (contre 50 % pour les autres Montréalais); 21 % des travailleurs marchent pour se rendre au travail (contre 9 % pour le reste de Montréal).

En octobre dernier, le cabinet Hill Stratégies Recherche publiait son rapport sur les quartiers artistiques au Canada. L’analyse portait sur neuf professions dites artistiques, soit : les acteurs; les artisans; les chefs d’orchestre, compositeurs et arrangeurs; les danseurs; les musiciens et chanteurs; les autres artistes du spectacle (comme les artistes du cirque et les marionnettistes); les peintres, sculpteurs et autres artistes des arts plastiques; les producteurs, réalisateurs, chorégraphes et personnel assimilé; et les auteurs, rédacteurs et écrivains. L’objet de la recherche était de déterminer les concentrations de ces professions dans diverses villes du Canada.

Or, concluait Hill Stratégies Recherche, «Le “quartier le plus créatif “ au Canada est la zone H2W [Ndb. Code postal] à Montréal, au cœur du Plateau Mont-Royal, avec une concentration d’artistes de 8,0 %, (soit 605 artistes parmi une population active totale de 7 560), dix fois supérieure à la moyenne canadienne de 0,8 %. Ailleurs dans le rapport spécifique pour Montréal (format PDF), on peut lire que : «La zone H2J, qui voisine H2W sur le plateau, a un effectif artistique de 6,1 %.[...] La zone H2T, qui voisine les zones H2W et H2J sur le Plateau, compte 5,6 % de travailleurs et travailleuses artistiques parmi sa population active.»

Et voilà un portrait sommaire de la «clique». Disons qu’on pourrait faire pire.
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Nuovo et les blogues

Franco Nuovo, chroniqueur au Journal de Montréal et animateur à la radio publique où il sévit également comme élanceur de relève (néologisme de mon crû), publie mercredi dernier un texte sous le titre assez banal de Un blogue, quossa donne?. Il dit ne pas comprendre «le trip du blogue», et étaye son opinion d’une série de clichés. Vendredi, Bruno Guglielminetti de Radio-Canada recense certaines des réactions provoqués par la chronique de Nuovo, Franco Nuovo pique au vif les blogueurs.

Hier, l’intéressé revient lui-même sur le sujet cette fois sous le titre Blogueur, va! en répondant à certaines objections soulevées par Sylvain Carle qui écrivait Ça donne rien? En tout cas ça coûte pas cher…. J’ai bien aimé le billet de Sylvain quand il écrit de Nuovo : «En fait ce qui m’énerve le plus de sa diatribe c’est la condescendance et l’incompréhension du fait qu’on parle d’un nouveau type de média et pas d’un format. Demander “un blogue quossa donne?” c’est comme demander “un journal quossa donne?”. Ça dépend largement de ce qu’on met dedans...»

J’ai également apprécié le billet du collègue de Nuovo au JdM, Patrick Lagacé, Un blogue... Why?, et surtout l’intéressant débat dans la section commentaires des lecteurs.

Personnellement, la chronique de Nuovo ne m’a pas trop dérangé. Et je suis d’accord avec lui sur certains points, mais je crois surtout qu’il fait bien de s’abstenir de bloguer si ce n’est que pour reprendre les propos pour le moins minces de ses chroniques papier. Comme je dis parfois, certaines personnes n’ont rien à dire et ne se cachent pas pour le faire savoir. Et il en va ainsi tant pour certains blogueurs que pour des chroniqueurs.
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