31.12.04

Poynter, l’année 2004, les blogues, et la mise en perspective



En parcourant le survol de l’année 2004 en journalisme et nouveaux médias de l’Institut Poynter, recensement des grandes questions traitées au cours de l’année écoulée, on remarque que dans les titres ou résumés des articles publiés, la première utilisation du mot «blog» en  2004, sur une demie douzaine d’articles, remonte au 27 février. Il s’agit d’un article sur Doug Clifton, éditeur du quotidien The Plain Dealer de Cleveland, qui avait lancé son blogue le 15 janvier.

Vérification faite, Doug Clifton a cessé d’alimenter son blogue le 27 septembre dernier. Clifton explique que son blogue lui prenait trop de temps, que le lectorat atteignait au maximum la centaine de consultations par jour, et qu’il ne reçut aucun commentaire en juin lorsqu’il cessa de publier pour cause de vacances. «Je vais laisser ça aux pros» conclut-il dans son dernier billet.

Pour ce qui est du survol de l’année 2003 du Poynter, deux articles seulement. D’abord, trois courtes pages sur la centaine que compte le Nieman Report, juillet 2003 (format PDF, 3Mo), puis, un article de Mallory Jensen A Brief History of Weblogs publié dans l’édition septembre/octobre 2003 du Columbia Journalism Review. Le survol de l’année 2002, pour sa part, ne contient pas de référence aux blogues.

Dans ce Nieman Report de 2003, le professeur de journalisme Larry Pryor disait voir dans les blogues un bon outil de formation pour les apprentis journalistes, sans plus. Mallory Jensen, pour sa part, témoignait d’un certain engouement pour la formule des blogues, sans évoquer la possibilité qu’ils se taillent une part importante du marché de l’attention médiatique.

Certains, dont je suis, croient que l’année qui vient verra le phénomène blogue prendre encore plus d’importance qu’en 2004 dans ce marché de l’attention. Nous pourrions nous tromper, c’est vrai. Les notions de journalisme horizontal, participatif ou de proximité sont encore très jeunes. L’environnement est encore volatile, il peut y avoir des tentatives de récupération, certains éléments envahissent les sections commentaires avec des contenus commerciaux, on vient même de repérer un service de détournement de flux RSS (fil Web) à des fins publicitaires. Bref, rien n’est achevé, tout (ou presque) reste à faire.

Il n’en demeure pas moins que tout est question de perspective. La lecture des archives de 1969 de l’Institut Poynter (résumés des imprimés mis en ligne) revêt un charme particulier. En 1969, on annonce que dans le cadre d’un projet de recherche gouvernemental étasunien, quatre ordinateurs ont été reliés, et que ce réseau porte le nom d’ARPANET. La BBC met à l’essai un nouveau médium interactif, le videotex, appellation générique qui comprend le teletext. La société Intel, fondée en 1968, lance sur le marché une puce de mémoire vive de 1Mo. Et évidemment, un humain marchait sur la Lune.

C’est une question de rapport au temps. Et tant qu’à secouer les vieilleries de l’Institut Poynter, je vais ressasser les miennes. Mai/juin 1997, dans Planète Internet Québec : «“Objects in mirror are closer than they appear”. C'est la mise en garde gravée dans le rétroviseur de la plupart des véhicules. C'est que pour offrir une perspective plus large on doit introduire une certaine distorsion optique, un “effet grand angle”, ce qui nous fait percevoir comme plus éloignés des objets pourtant rapprochés. Et c'est un peu cette distorsion, mais temporelle, qui nous arrive avec l'Internet. [...] le développement durable, pérenne, ne se fait qu'au moyen de technologie adaptée et intégrée qu'il faut donner à la masse, critique ou non, le temps d'absorber.»

Un des souhaits, pour l’année 2005, est que l’on se donne collectivement le temps d’absorber les acquis et de déterminer la suite des choses. Il sera abondamment question en 2005 de cette suite, et des visions plurielles que l’on peut y donner, mais évitons l’emballement, l’effet de bulle.
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30.12.04

Kevin Sites

Voici la réponse à ma question du 17 décembre dernier, à savoir ce qu’il était advenu de Kevin Sites. Décidément, certains journalistes ont le don de se trouver là où il faut, et au bon (c’est relatif) moment. Kevin sites était en vacances en Thaïlande lorsque le tsunami a frappé. Premières impressions à chaud et photos sur son site, et aussi sur celui de la chaîne NBC.
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29.12.04

Médias en crise

«Il y a aussi le phénomène des “blogs”, si caractéristiques de la culture du web, qui ont explosé partout au cours du second semestre 2004, et qui, sur le ton du journal intime, mélangent parfois, sans complexe, information et opinion, faits vérifiés et rumeurs, analyses documentées et impressions fantaisistes. Leur succès est tel qu’on en trouve désormais dans la plupart des journaux en ligne. Cet engouement montre que beaucoup de lecteurs préfèrent la subjectivité et la partialité assumées des bloggers à la fausse objectivité et à l’impartialité hypocrite d’une certaine presse.»

Ignacio Ramonet, Le Monde diplomatique
Janvier 2005
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28.12.04

Susan Sontag 1933-2004

Susan Sontag par Annie LeibovitzOn apprend le décès à New York de l’essayiste et romancière étasunienne Susan Sontag. L’annonce a été faite par une clinique de cancérologie de Manhattan. Madame Sontag aura marqué une époque de la littérature par des essais profonds et percutants, notamment sur l’importance de l’image dans nos sociétés dans «Sur la photographie» (1977) et «La douleur des autres». Proche de la photographe Annie Leibovitz, elle avait écrit le texte d’accompagnement de son célèbre livre «Women» publié en 1999.

Le 17 septembre 2001, elle écrivait dans le New Yorker un article (retrouvé ici grâce à la bienveillance de Lise Willar) sur les attentats du 11 septembre qui lui valut d’être taxée d’anti-américaine et de recevoir des menaces de mort. «Toutes les voix autorisées à suivre l’événement semblent s’être liguées pour mener une campagne destinée à infantiliser le public. Où peut-on entendre qu’il ne s’agissait pas d’une attaque “lâche” contre la “civilisation”, la “liberté”, l’“humanité” ou encore “le monde libre”, mais d’une attaque menée contre les États-Unis, autoproclamée première superpuissance mondiale, en répercussion à certains intérêts, certaines actions de l’Amérique?»

Un an plus tard, l’écrivain Russell Banks commentait les propos de Sontag dans le magazine littéraire de L’Express : «Le problème n’est pas que Susan Sontag se soit trompée. Je pense que son analyse était assez juste, mais elle n’a pas exprimé suffisamment de douleur et d’admiration pour les policiers et les pompiers tués. Elle n’a pas modéré. En d’autres termes, elle n’a pas montré son “américanisme”, sa carte de membre à la tribu. Elle a simplement critiqué la tribu.»

Et critiquer la tribu, elle continua de le faire jusqu’à tout récemment. Lorsqu’a éclaté l’affaire des photos de la prison d’Abou Ghraib, elle écrit un long texte dans le quotidien The Guardian (version française) intitulé «Qu’avons-nous fait?» : «Ce fut tout d’abord un déplacement de la réalité des faits vers les photographies elles-mêmes. La réaction initiale de l’administration fut de dire que le Président était choqué et éprouvait du dégoût à la vue de ces images - comme si la faute ou l’horreur venait des images elles-mêmes et non de ce qu’elles dépeignent. Il y eut également le soin mis à éviter l’emploi du mot “torture”. Les prisonniers ont peut-être bien été victimes de “mauvais traitements”, et finalement “d’humiliations” - mais c’était le maximum que l’on puisse admettre.»

Le départ de Susan Sontag laissera un vide en cette époque où de moins en moins d’intellectuels osent, justement, «critiquer la tribu».
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Et hop la boule de cristal

Pendant longtemps je me suis adonné au jeu annuel des prévisions pour l’année qui vient avec, je dois dire, un certain degré de réussite. C’est un exercice qui, selon les années, s’avérait facile ou plus délicat. Mais voilà, je ne joue plus le jeu. Peut-être est-ce cette récente entrevue pour un article à paraître dans «un grand magazine» qui sera en kiosque en janvier qui a fait déborder le vase. Le journaliste (qu’il me pardonne) m’a posé la question : «Sans jouer au devin, comment voyez-vous l’Internet dans 5 ans, au Québec, mais aussi dans les pays en voie de développement?» Cinq ans? Au Québec et dans les pays en émergence? La commande est grosse.

Je me range du côté de Adam L. Penenberg de Wired qui délaisse les prédictions pour ne formuler que des souhaits pour l’année qui vient. Je vous ferai part des miens au fil des prochains billets.

Mais comme il est difficile de ses départir de certaines habitudes, voici tout de même une toute dernière prédiction : le blogue qui se démarquera le plus, et dont on parlera le plus en 2005, n’est pas encore en ligne.

Ceci tient à la nature ultra-dynamique de la blogosphère qui s’emparera, au cours des mois qui viennent, d’un événement ou d’une tendance, et de ce mouvement poindra un site phare.

Et voilà, au cours des prochains jours, je vous parlerai de quelques souhaits pour 2005.
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Invitation chez Pisani

Mon collègue Francis Pisani du journal Le Monde invite à une recherche collective sur le désastre du tsunami. Il s’agit de recenser des billets originaux provenant de blogueurs locaux ou de gens ayant eu accès à des témoignages directs, ou encore de scruter les médias traditionnels ou autres sources pour des informations aidant à comprendre ces phénomènes. Postez vos trouvailles dans la section commentaires du billet de Francis qui compilera une sélection des meilleures pour en faciliter la consultation. «C’est par là que je commencerai car c’est là que se trouve la contribution la plus utile qu’ensemble nous pouvons réaliser» nous dit-il.
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27.12.04

Les blogues scrutés par le monde corpo

Une des plus importantes sociétés de suivi des médias, Bacon’s Information, lance en début d’année 2005 un service de suivi des blogues d’actualité qu’elle ajoutera à son éventail de services de surveillance des médias traditionnels. Pour le compte d’importants clients (les Hôtels Hilton, les éditions National Geographic, l’audimat Nielsen, la chaîne de dépanneurs 7-Eleven), Bacon’s scrute les médias pour toute mention portant sur leurs activités et susceptible d’influer sur leur image. Les recherchistes de Bacon’s examineront tant le contenu des billets diffusés sur certains blogues d’actualité que les commentaires qu’ils suscitent.

Citée dans Direct Marketing News, Ruth McFarland, vice-présidente principale de Bacon’s, a déclaré : «Le cycle de vie d’une nouvelle prend parfois son origine sur les blogues, et se poursuit dans la presse traditionnelle.» Bacon’s recensera donc les mentions de ses sociétés clientes sur les blogues, la fréquence de ces mentions, et la teneur des commentaires des lecteurs. Parions que Bacon’s, et ses concurrents qui ne tarderont pas à emboîter le pas, seront sollicités par les formations politiques.

On apprend dans le Media Daily News que le suivi se fera à partir d’une liste des 250 blogues «qui comptent» selon Bacon’s qui refuse cependant de révéler la teneur de cette liste. Au début, l’opération nécessitera 60 heures/personnes par semaine, ce qui est nettement insuffisant selon Madame McFarland qui prévoit rapidement ajouter aux ressources affectées au service. Interrogée à savoir si elle était consciente des risques d’évoluer dans un marché si volatile, elle a répondu : «Il y a toujours des risques lorsqu’il y a tant de pouvoir et d’influence en jeu...».

À ma connaissance, aucune société francophone n’a annoncé un tel service. Faut-il s’en inquiéter? Alors que du côté de la blogosphère anglo-saxonne, les services d’appoint se multiplient (répertoires, agrégateurs, moteurs de recherche, etc.), ces derniers se font rares dans la langue de Molière, et il est à se demander s’il ne faudra pas bientôt parler de retard. On pourra évoquer la faculté de reprise légendaire de l’Internet francophone, mais au train où vont les choses, peut-être ne faudrait-il pas trop tarder avant d’accorder aux blogues l’importance qui leur revient.
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26.12.04

L’écosystème des blogues : Agrégation, analyse et dynamique

C’est à l’occasion de la 14e Conférence internationale du Web que l’on présentera pour une deuxième fois un atelier sur L’écosystème des blogues : Agrégation, analyse et dynamique. Parmi les thèmes abordés, signalons la cartographie et la visualisation de la blogosphère, le classement automatique des billets, les moteurs de recherche pour blogues, la dynamique du flux informationnel dans la blogosphère, l’influence de la blogosphère dans le paysage informationnel, les cycles de vie des blogues, les formes alternatives (podcasting, moblogging, et autres).

Les mémoires présentés l’an dernier sont disponibles ici.
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«Bloguer, “qu’ossa donne”?»

C’est Jean Trudeau qui pose la question, et tentera d’y répondre au cours des prochains jours. «Après trois cent soixante jours de billets assidus dans Franchement! et au bout de vingt-six mois d'essais et erreurs dans cinq autres blogues, j'ai décidé de faire un arrêt pour en dresser le bilan. Je consacrerai donc quelques billets des cinq jours qui restent de cette année 2004 à tenter de répondre à la question : «Bloguer, "qu'ossa donne"?». Je pourrai ainsi évaluer si je peux continuer à le faire avec plaisir et franchement; et qui sait, prévenir peut-être un blog-out

Réflexion à suivre.

Mise à jour : 27 décembre

«Bloguer, qu'ossa donne? En premier lieu, ça me fait du bien. Du bien d'exprimer ici de l'indignation, là de l'émerveillement, ailleurs un questionnement... et de pouvoir les partager, qui sait, avec des gens comme moi reclus mais libres, mais aussi avec tous les autres à l'air libre mais en sursis.»

Mise à jour : 28 décembre

«La blogosphère est le seul espace public -- à ma connaissance -- où peut se vivre ou presque l'utopie française liberté-égalité-fraternité. [...] Vivre l'utopie n'exclut pas les divergences, les choix selon ses affinités, les remises en question, les avis apparemment contraires, les objections fondées, les prises de position à la marge... [...] Bloguer, “qu'ossa donne”? Ça permet de fraterniser en cherchant la vérité.»

Mise à jour : 29 décembre

«Le fait que le blogue soit un médium à la fois expressionnel et relationnel a comme implication que le blogueur doit être responsable. [...] Suis-je un blogueur responsable? Bloguer, “qu'ossa donne” si je ne le suis pas, si je n'essaie pas au moins de l'être? Et qu'est-ce qui distinguerait la blogosphère des autres médias si les blogueurs ne l'étaient pas, s'ils n'étaient que des blablagueur?»

Mise à jour : 30 décembre

«Je n'ai jamais tant appris que depuis que je blogue. Bloguer, “qu'ossa donne?” Mais ça permet d'apprendre en partageant nos expériences et nos découvertes en et hors ligne. En bout de lignes, de mieux comprendre la vie. De ne pas se contenter de la p'tite vie.»

Mise à jour : 31 décembre

«Cinquième et dernier volet d'un bilan-réflexion [...] Ce que je ne savais pas à ce moment et que je puis affirmer aujourd'hui, c'est que plus encore, bloguer, c'est créer des liens. Vous comprendrez pourquoi, en 2005, je vais continuer à bloguer. Avec cependant, dès demain, un petit changement à la clé : Franchement! ne sera plus un monoBlogue mais un diaBlogue.»
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Le point de sarcasme¡

Point de sarcasmeBillet en clin d’oeil de Josh Greenman dans Slate qui propose rien de moins que l’introduction dans la ponctuation courante du point de sarcasme, soit le point d’exclamation inversé¡ Déjà utilisé en espagnol, comme le point d’interrogation inversé (¿), le point d’exclamation inversé signifierait en anglais que le ton de la phrase qu’il termine doit être perçu comme sarcastique. Pour Greenman, nous avons un point qui clôt une affirmation de manière finale. On peut même exprimer l’exclamation! Alors pourquoi un point de sarcasme?

Jamais dans l’histoire de l’humanité le texte n’a-t-il occupé une si grande place dans l’univers communicationnel. Courriels, messagerie instantanée et SMS sont omniprésents, mais le contenant ne sert plus à exprimer la gamme des émotions; la ponctuation traditionnelle est impuissante à véhiculer certains sentiments. Par exemple, le frère de Greenspan lui a écrit qu’il vouait une grande admiration au Secrétaire d’État Colin Powell, message difficile à décrypter¡

En somme, c’est vrai, rendons-nous service et commençons dès maintenant, à défaut d’autres causes héroïques, à révolutionner la ponctuation¡
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24.12.04

Quelques notes d’intendance

Firefox 44% J’aime bien savoir qui d’autre partage mes lectures sur le Web, et comment. Alors, si vous êtes comme moi, voici quelques données statistiques sur ce blogue qui sont, en quelque sorte, des nouvelles de vous.

Firefox à 44%? C’est ce qu’indique l’outil statistique du blogue (section supérieure en jaune). Le fureteur Firefox, du moins pour les personnes qui lisent ces pages, a donc déclassé Internet Explorer dont les versions 5 et 6 recueillent respectivement 35 et 5 % de l’utilisation (sections en bleu).

La fréquentation de la page principale du blogue (par exemple, mardi dernier, 622 visiteurs uniques, pour un total de 814 pages vues) est alimentée par plusieurs sources. L’origine inconnue (unknown referer) constitue environ la moitié des consultations qui proviennent donc de signets ou favoris, de référents par courriel, de fils Web (RSS), etc. Google demeure le moteur de recherche qui génère le plus de consultations, attendons de voir la prochaine «danse Google» pour voir s’il y a un changement sensible. Pour ce qui est des autres référents, voir la liste hebdo des cinq principaux dans la colonne de droite.

La durée moyenne d’une consultation est de 1m28sec. Les consultations proviennent principalement du Canada, de France, de Belgique et de Suisse, mais on recense au journal pas moins de 30 États, y compris Monaco, la Norvège et la Côte d’Ivoire. Par FAI, dans l’ordre, adresse IP seulement (24 %), Wanadoo.fr (16 %), Sympatico.ca (10 %), Proxad.net (9 %), Videotron.ca (7 %).

En lançant le blogue, j’ai opté pour une mise en page conforme à la résolution de l’écran que j’utilise (1024x768), même si je croyais que la majorité des consultations se feraient en 800X600. Après avoir effectué un test sommaire avec l’outil Anybrowser, le résultat s’avérait compatible dans les deux formats. Or, il s’avère qu’environ la moitié des consultations se font en format 1024X768, et environ 20 % en format 800X600, le reste étant en format supérieur à 1024X768.

Et voilà, c'était quelques nouvelles de vous.
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Le blogue comme outil pédagogique?

Will RichardsonUn blogue, ou plus précisément l’exercice de bloguer, peut-il comporter une valeur pédagogique? Will Richardson, responsable de la technologie d’enseignement dans une école secondaire du New Jersey, n’en doute pas un seul instant. Dans un article publié dans eSchoolNews (revue spécialisée en technologie appliquée à l’enseignement) sous le titre Thinking Like a Blogger, Richardson analyse cet aspect des blogues. Lui-même blogueur depuis un certain temps, au grand dam de sa famille qui croit qu’il y consacre trop de temps, Richardson traite principalement de l’incidence d’Internet en salle de classe. Mais l’article qu’il nous propose ne traite pas de technologie, mais bien du processus associé à l’écriture d’un blogue. Certes, la tenue d’un blogue est un exercice d’écriture, peu à peu certains commencent à parler de genre ou de style d’écriture blogue.

Mais pour Richardson, l’écriture est précédée par une étape de pensée critique. «Je dirais que penser comme un blogueur est plus important qu’écrire comme un blogueur» affirme-t-il.

Le processus s’amorce par la lecture de ce que d’autres ont écrit et l’analyse de ce contenu en fonction de l’exactitude et/ou de la pertinence. On établit ensuite des rapports entre ce contenu et d’autres idées pour clarifier ce qu’il est important d’en faire ressortir. Vient ensuite l’ajout d’expériences et de notions personnelles pour adapter le contenu au lectorat pressenti, et on complète par des liens pour retracer l’origine des informations et des idées.

Si Richardson est un fervent adepte de l’enseignement des blogues en salle de classe, c’est que le processus tel que décrit enseigne à penser de manière critique à l’information qu’on consomme, et à établir des liens avec d’autres éléments d’information. Si on peut améliorer la qualité d’écriture des étudiants en leur faisant tenir un blogue, tant mieux, mais à la longue c’est le concept de pensée critique qui importe davantage car il est transposable aux autres transactions informationnelles.

À quand le Blogue 101 dans nos établissements d’enseignement?
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23.12.04

Journaliste suspendu pour son blogue

On lit dans Editor&Publisher qu’un journaliste du St-Louis Post Dispatch, Daniel Finney, a été suspendu pour avoir tenu sur son blogue des propos désobligeants à l’endroit de son employeur et de ses collègues de travail. Son blogue, «Rage, Anguish and Other Bad Craziness in St. Louis» (Rage, angoisse et autres démences à St-Louis) n’est plus en ligne chez l’hébergeur Blogspot, mais on a un aperçu de ce qu’était la page d’accueil au 11 décembre dans le serveur de cache de Google. Finney tenait son blogue depuis septembre, et l’alimentait à raison de six billets par semaine.

Finney, qui écrivait sous le pseudonyme de Roland Thompson, aurait donc ridiculisé employeur et collègues, mais aurait également abordé dans son blogue des sujets d’articles sur lesquels il écrivait dans le cadre de son travail. Le blogue a été découvert par un journal alternatif de St-Louis, le Riverfront Times.

Staci Kramer de PaidContent estime que Finney avait le droit d’exprimer ses opinions, mais a fait preuve de mauvais jugement dans sa manière de procéder. «Il aurait pu écrire un blogue tout à fait intéressant et humoristique sans abuser de l’anonymat, et je défendrais même son utilisation d’un langage assez cru. Mais la manière dont il l’a fait ne respectait ni ses lecteurs, ses collègues de travail, le journal dont il était le représentant dans la collectivité, ni lui-même en bout de ligne.»

Reste à voir si la guilde des journalistes prendra la défense de Finney.

Mise à jour : 24 décembre

Quelques détails additionnels sur cette affaire dans le Riverfront Times à l’origine de l’histoire. Commentaire de Robert Niles, éditeur du Online Journalism Review de l’université Annenberg : «Beaucoup de gens dans le milieu du journalisme aiment recevoir de l’attention. On ne fait certainement pas ce métier pour des sommes faramineuses, on est rétribué en attention. Et parfois si vous sentez que vous ne recevez pas suffisamment d’attention dans votre travail, vous cherchez d’autres façons d’obtenir cette attention.»

Mise à jour : 30 décembre

On apprend du Riverfront Times que Daniel Finney a démissionné du St-Louis Post Dispatch. Il a déclaré : «Je crois qu’en journalisme il nous arrive tous d’écrire sur des sujets qui ne nous intéressent pas, j’ai seulement commis l’erreur de le dire publiquement. J’ai gaffé, j’en suis désolé, et non seulement parce que je me suis fait prendre. [...] En tant que journaliste, j’aurais du agir avec conséquence.»
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Symbiose journalistes/blogueurs

Le grand débat journalisme/blogues vient de s’enrichir d’une contribution de taille avec la publication de deux articles de Steve Outing, un des chefs de la rédaction du Poynter Institute for Media Studies, et chroniqueur régulier du Editor and Publisher Online, publication spécialisée en journalisme. Dans un premier texte (20 décembre), Outing explore ce que les journalistes peuvent apprendre des blogueurs, et il se penche ensuite (22 décembre) sur la réciproque, c’est-à-dire ce que les blogueurs peuvent apprendre des journalistes.

Outing met la table en commençant par déplorer l’animosité qui règne dans certains cercles entre blogueurs et journalistes. On sait que certains blogueurs reprochent aux journalistes d’être peu sensibles aux changements technologiques que vivent leur lectorat, de ne pas s’y adapter, et de se complaire dans des schèmes (tant théoriques que pratiques) de diffusion qui sont dépassés. Un certain nombre de journalistes ont toujours affiché un mépris pour ce qui venait d’Internet, le phénomène blogue étant le plus récent exemple, sentent leurs assises menacées, et n’hésitent pas à dénoncer ce qu’ils appellent «l’amateurisme» des blogueurs à qui ils prêtent toutes sortes d’intentions. Caricature, certes, mais elle sert à illustrer le conflit.

Pour Outing, journalistes et blogueurs ne seront jamais jumeaux, mais s’ils ne peuvent prétendre à la fraternité, ils pourraient peut-être vivre en bon cousinage.

Outing cite Jeff Jarvis (BuzzMachine) qui reprend le thème de l’information/conversation. «La nouvelle ne s’éteint pas lorsqu’elle est publiée, c’est au contraire à ce moment qu’elle prend vie quand le public peut poser des questions, corriger l’information, ajouter une perspective. Cela va nécessairement améliorer l’information et modifier nos rapports avec nos lecteurs» dit Jarvis, ajoutant «Nous possédons les presses depuis des siècles, et maintenant avec les blogues le public possède ses presses. Il parle, et c’est à notre tour d’écouter et d’amorcer la conversation.»

Journalisme de proximité, journalisme de personnalité? Il est manifeste, comme Outing le soulève, que les blogues révèlent beaucoup de la personnalité et des idées de leurs auteurs. Dans la presse traditionnelle, hormis les chroniqueurs ou columnists, les journalistes ne manifestent pas d’opinion. Perdraient-ils à le faire? Quand le netmag Slate, le 26 octobre, a annoncé que 45 de ses 49 collaborateurs à temps plein et pigistes entendaient voter pour John Kerry, la presse traditionnelle (qui selon la tradition anglo-saxonne publie des éditoriaux sans signature) s’est sentie ébranlée.

Là où les blogueurs détiennent un avantage certain, c’est dans la possibilité de corriger leurs erreurs. Les blogueurs ont l’erratum facile, la technologie s’y prête bien, et la fonction commentaire, voire courriel, les rapproche de leur lectorat. Dans les médias traditionnels, on connaît la situation, les correctifs sont souvent relégués aux pages intérieures.

Outing ne suggère pas que les journalistes traditionnels se clonent en blogueurs, mais qu’ils s’inspirent de certaines pratiques en vigueur sur les blogues. Et l’inverse vaut aussi.

Dans son second texte, Outing soumet qu’une des principales différences entre blogues et journalisme est l’absence d’un chef de la rédaction. Si elle est appréciée à cause de la liberté qu’elle confère au blogueur, cette absence d’encadrement nuit parfois au produit : vérification des faits, coquilles, erreurs grammaticales. Mais aussi vulnérabilité aux poursuites de toutes sortes : «Avec un si grand nombre de blogueurs qui n’ont aucune formation en pratique journalistique, en éthique, et en droit des médias, la responsabilité juridique devient un facteur dont il faut tenir compte» dit-il.

Les blogueurs font peu de «terrain», produisent peu de contenu de nouvelle qui soit original, et c’est un des reproches que leur adressent les médias traditionnels. Outing perçoit un changement, davantage de blogueurs commencent à s’engager dans la voie du reportage, mais peu jouissent d’un statut professionnel leur permettant un accès aux «sources». Outing y va d’une foule d’autres conseils aux blogueurs pour améliorer la qualité de leur médium.

Deux textes forts intéressants, donc, sans prêchi-prêcha dans le débat entre journalistes et blogueurs.

Hors des concepts de journalisme participatif, de journalisme de proximité, de principes et d’éthique, de technologie et d’électrons recyclés, on termine la lecture des articles de Outing sur une constatation, sinon un rappel : le présent débat porte essentiellement sur une question de partage de pouvoirs, de partage du «quatrième pouvoir».

Comme l’écrit Ignacio Ramonet (Monde diplomatique, octobre 2003), «Contre les abus des pouvoirs, la presse et les médias ont été, pendant de longues décennies, dans le cadre démocratique, un recours des citoyens. En effet, les trois pouvoirs traditionnels (législatif, exécutif et judiciaire) peuvent faillir, se méprendre et commettre des erreurs.[...] Ce “quatrième pouvoir” était en définitive, grâce au sens civique des médias et au courage de journalistes audacieux, celui dont disposaient les citoyens pour critiquer, repousser, contrecarrer, démocratiquement, des décisions illégales pouvant être iniques, injustes, et même criminelles, contre des personnes innocentes. C’était, on l’a souvent dit, la voix des sans-voix. [...] Depuis une quinzaine d’années, à mesure que s’accélérait la mondialisation libérale, ce “quatrième pouvoir” a été vidé de son sens, il a perdu peu à peu sa fonction essentielle de contre-pouvoir.»

Cette apparente abdication du quatrième pouvoir serait-elle, en quelque sorte, à l’origine du mouvement de journalisme participatif, dont un des moteurs est la formule blogue, qu’on voit se profiler? Le quatrième pouvoir est-il à partager, peut-il être réapproprié, ou faut-il d’ores et déjà, comme Ramonet le suggère, parler de «cinquième pouvoir»?
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22.12.04

Le Washington Post s'offre Slate

Slate et cie.Le quotidien Washington Post vient de faire l’acquisition du netmag Slate, propriété de Microsoft, et fondé en 1996 avec Michael Kinsley à sa tête. Selon le New York Times, la transaction serait de l’ordre de 15 à 20 millions de dollars. Pour l’éditeur Jacob Weisberg, qui jusqu’à nouvel ordre restera en poste, il y aura peu de changements à la formule de Slate qui, avec le temps, a su s’imposer par la qualité de sa couverture. Dans son éditorial du 21 décembre, Weisberg a tenu à remercier Bill Gates et Steve Ballmer pour avoir accepté, en 1995, la proposition de son prédécesseur Kinsley de créer Slate qui, à l’époque, faisait figure d’expérience en journalisme en ligne. Il a aussi tenu à souligner l’indépendance totale de la rédaction de Slate par rapport à Microsoft, même si celle-ci n’a manifestement pas toujours apprécié ce qu’on pouvait dire d’elle dans le netmag.

Microsoft aurait englouti, depuis son lancement, environ 20 millions de dollars dans Slate qui arrive maintenant à boucler son budget avec des revenus d’environ six millions de dollars par année. En 1998, Slate avait jonglé avec le concept de contenu payant. À l’époque, il avait reçu à fidéliser 200 000 lecteurs, mais seulement 10 % avaient opté pour la formule payante à hauteur de 30 $ par année. Slate a par la suite tenté sans grand succès de proposer l’abonnement à 20 $ par année, pour ensuite abandonner complètement la formule payante en février 1999.

Mais voilà, nous ne sommes plus en 1999. Le site Web de Slate, qui compte une trentaine d’employés, attire maintenant 4,8 millions de visiteurs par mois, à comparer aux 4,5 millions du Washington Post, et la publicité en ligne rapporte beaucoup plus qu'avant.

La question que bon nombre d’observateurs se posent est de savoir si Slate pourra maintenir ce volume d’achalandage, et donc de potentiel de recettes publicitaires. Puisque le netmag était arrimé au réseau MSN de Microsoft, il pouvait bénéficier d’une promotion croisée sous d’autres bannières de Microsoft. Bien que le contrat de vente contienne des dispositions relatives au maintien d’une certaine visibilité de Slate dans le réseau de sites et services MSN, il faudra voir à l’usage si elles sont suffisantes. Il ne faut pas, non plus, négliger les partenariats qu’entretient le Washington Post avec Newsweek et MSNBC News qui eux aussi ont des accointances avec le réseau de sites Microsoft.
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En 2004, on a blogué sur...

La société Intelliseek dispose d’un robot indexeur qui recense les sujets traités dans la blogosphère anglo-saxonne et vient de publier sur son site BlogPulse le palmarès des thèmes et sujets les plus populaires auprès des blogueurs pour l’année 2004. Intelliseek diffuse également un indice des tendances par catégories de sujets qui défraient la chronique des blogues en ce moment. Répétons ici qu’il s’agit d’un tableau de l’univers anglo-saxon des blogues, et qu’on ne pourrait appliquer ces constatations à la région francophone du sixième continent.
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Un blogue, une idée-cadeau pour les Fêtes?

La date fatidique approche et vous cherchez toujours une idée-cadeau pour la personne qui a tout sauf un blogue? Offrez-lui un blogue! La proposition peut sembler farfelue, mais regardons-y de plus près.

Bien des gens ont des relents de technophobie, et malgré tout ce que l’on peut entendre sur les blogues, ceux et celles qui n’ont jamais blogué ne soupçonnent pas la grande simplicité des outils de publication.

S’il fallait auparavant, pour produire un site Web, avoir quelques connaissances en formattage HTML, disposer d’un logiciel d’édition, se trouver un hébergeur gratuit ou payant, se munir d’un logiciel de téléchargement des pages, constituer des archives, etc., les plate-formes de publication de blogues ont tout changé.

On sélectionne un gabarit, on règle les paramètres, et voilà, c’est fait, on accède à la confrérie de la blogosphère. On ne dispose pas d’un service d’hébergement? Aucun problème, un service comme Blogger héberge gratuitement le blogue sur son site Blogspot.

Donc, si vous possédez un minimum de connaissances techniques, vous pouvez constituer un blogue, et l’offrir à ce parent ou proche qui n’oserait pas faire les premiers pas. Lors de la remise du cadeau (allons, un peu d’imagination, ça peut être très drôle), vous remettez à la personne le nom d’utilisateur et le mot de passe (qu’elle pourra changer à son gré) de l’interface de publication. Une simple séance de familiarisation lui permettra de commencer à alimenter son blogue, et si elle le désire de changer les gabarits de présentation et les paramètres d’affichage et d’archivage.

Les blogues-cadeaux se présentent en différents forfaits. Le plus simple est évidemment le blogue de base : hébergé sans frais chez l’éditeur, gabarit standard pré-formatté, minimum de modifications. Un blogue hébergé chez Blogspot peut comporter l’archivage automatique, une fonction d’envoi par courriel de la référence des billets, un fil RSS Atom, et un tas d’autres fonctions.

Si l’interface de commentaires de Blogger ne vous plaît pas, il existe des services gratuits vous permettant d’insérer la fonction offerte par un tiers (comme Haloscan) dans le gabarit. Un service de mesure d’achalandage peut s’avérer un plus, dans cas-ci, SiteMeter ou Webstat s’avèrent de bons choix. Et pourquoi pas un album photo en ligne tel que le propose Flickr, un complément parfait pour les adeptes de photo numérique? Répétons-le, tout ça est gratuit.

Si je mentionne surtout Blogger comme plate-forme de publication, c’est que je l’utilise et la connais donc mieux que les autres. Par contre, soulignons le travail admirable de Stéphanie Booth qui a testé pas moins de 13 plate-formes de blogues gratuites et en a évalué les pour et les contre. Sa recommandation : mon-blog.org.
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18.12.04

Blogues et métaphores

Danah BoydDanah Boyd, étudiante au doctorat en communication à l’université de Berkeley (Californie), dans un mémoire (format PDF) qu’elle présentera à la conférence sur l’écologie des médias en juin prochain, se penche sur les métaphores utilisées pour décrire l’univers des blogues, et sur la façon dont elles peuvent en communiquer une image déformée qui n’aide en rien sa compréhension par les non-initiés. «Alors que la presse tente de couvrir le phénomène, il est clair que le mot “blogue” n’est pas en soi un terme descriptif et que, par voie de conséquence, les mots blogues, blogueurs et bloguer sont intégrés à des constructions conflictuelles et problématiques» écrit-elle.

À la source de ces métaphores, elle examine dans un premier temps comment les fournisseurs d’outils d’édition définissent leurs services. Blogger, un des premiers services à voir le jour, a introduit la notion d’«édition automatique» (push-button publishing). Xanga se définit comme une collectivité de journaux personnels en ligne. «Un puissant service d’hébergement qui offre aux utilisateurs des fonctions avancées pour publier et partager immédiatement de l’information (carnets de voyage, journaux personnels, albums numériques) sur le Web» sert à Typepad pour se décrire. Diaryland et LiveJournal ont intégré à leur raison sociale les concepts de journal personnel (diary, journal).

Notons qu’en français on a eu aussi droit à nos propres métaphores élargissant le champ notionnel. D’abord un débat sur les blogues par opposition aux journaux (le blogueur diariste) et/ou carnets (le blogueur carnetier). On a vu l’apparition du «joueb» (contraction de jouet et Web). Un service a pris le nom de «haut et fort» présumant ainsi du ton que sa clientèle adopterait. Je n’ai pas participé à ces débats, et ne tiens pas à les relancer ici, souhaitant seulement noter au passage que la tendance métaphorique n’est pas réservée à la blogosphère anglo-saxonne.

Pour Boyd, l’emploi par les fournisseurs de services de métaphores empruntées à l’édition ou à la tenue de journaux ne tient pas compte de la collectivité dans laquelle un blogue s’inscrit, du contenu, de la pratique, et j’ajouterais du but visé. La presse traditionnelle a recours aux mêmes métaphores et met constamment l’accent, selon Boyd, sur les notions de journal personnel et de journalisme amateur. Les blogueurs eux-mêmes utilisent des métaphores pour décrire ce qu’ils font et parlent parfois de «passer un billet», de créer un «signet social» ou de «prendre des notes sur le terrain».

Elle écrit : «Les descriptions métaphoriques sont d’une grande utilité pour les non-initiés qui tentent de comprendre le phénomène, ou pour les nouveaux blogueurs qui essaient de se définir par rapport à ce que les autres font. Mais au fur et à mesure que nous absorbons le phénomène blogue, les blogueurs trouvent que les métaphores portent à confusion, sont trompeuses et font problème. Tout comme définir le courriel en fonction de la poste traditionnelle néglige des aspects inhérents du courriel, l’utilisation de métaphores pour définir les blogues échoue à bien en saisir l’essence.»

Nombreux sont les blogueurs à qui Boyd a parlé pour établir sa recherche qui s’expriment en généralités sur le phénomène blogue, et ne préciseront les termes que pour décrire ce qu’ils font individuellement. Avec le temps, l’emploi de métaphores s’estompe chez les blogueurs, mais pas chez ceux qui tentent d’appréhender le courant social et technologique dont ils sont le moteur. Il n’y a aucun mal, selon Boyd, à utiliser des métaphores, sauf qu’elles ne communiquent qu’une image partielle de la réalité.

Certains blogues relèvent carrément du journalisme, et on y trouve des contenus supérieurs en qualité et en pertinence à ce qu’on peut lire dans des journaux ou périodiques, ou entendre ou voir dans les médias électroniques. Nombreux sont les blogues, aussi, qui sont des formes évoluées sur le plan technologique du journal personnel. L’auditoire sera plus restreint, le ton plus intime, on ne documente pas sa vie en temps réel devant une foule de 50 000 étrangers.

Mais ces deux formes de blogue, pour ne parler que de celles-là, on davantage en commun que ce qui pourrait les diviser selon Boyd : «En prenant un peu de recul par rapport au contenu et en se penchant davantage sur la pratique, on constate qu’il y a des lieux communs, et pas uniquement des divisions. Les blogueurs produisent avec assiduité du contenu pour lequel ils sont passionnés, à l’intention d’un lectorat qu’ils sentent disposés à accepter leurs propos. Ce faisant, ils construisent des représentations numériques d’identités et des artefacts qui agissent comme histoire cognitives. Ils valorisent la tension qui peut exister entre ce qui est public et ce qui est intime, entre le formel et l’informel, entre l’oralité et la textualité.»

Boyd décrit l’influence du chercheur Walter Ong dans la définition de la textualité et de l’oralité en se basant sur leurs caractéristiques propres dans le discours psychologique et culturel. Il a également cerné la notion d’oralité secondaire qui, selon la perspective, s’installerait avec toute nouvelle technologie de communication médiée par ordinateur.

Le fait de bloguer se situe à la limite d’autres pratiques communicationnelles, et on résiste difficilement à l’envie d’employer la métaphore de nouvelle frontière. Mais pour bien analyser le phénomène des blogues, nous devons selon Boyd nous éloigner des comparaisons avec des pratiques connues et regarder du côté des tensions évoquées plus haut, de l’altérité et de l’oralité secondaire, et surtout scruter ce en quoi consiste actuellement, sur le plan liminal, l’action de bloguer.
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Des blogues sous le sapin?

C’est Miss Information qui m’a mis sur la piste de ce nouveau service, lancé à l’occasion de Noël, et qui est des plus original. Blogs for Xmas (Des Blogues pour Noël) vous propose d’abonner sans frais quelqu’un à un service d’envoi par courriel d’avis de mises à jour de blogues. L’offre se présente en cinq forfaits cumulables regroupant 24 blogues en cinq catégories (politique, sports, musique, intérêt général, science), et on peut également inscrire des blogues de son choix (fil RSS) qui ne comptent pas parmi les forfaits.

À compter du 25 décembre, la personne que vous abonnez à ce service recevra un courriel par jour avec la liste (avec adresses) des blogues qui ont été actualisés au cours des dernières 24 heures; elle pourra modifier à volonté la liste des blogues dont elle reçoit les avis de modification, ou résilier en tout temps son abonnement au service. La formule est novatrice. Elle vise, selon les auteurs, à sensibiliser à cette forme de contenu des personnes qui ne connaîtraient pas les blogues ou qui n’utiliseraient pas les fils RSS.

La liste de forfaits pré-emballés est intéressante, regroupant certains des blogues que je lis assez régulièrement comme Talking Points Memo de Josh Marshall, Wonkette de Ana Marie Cox, ou du collectif de BoingBoing, et excluant certains blogues tonitruants de la droite politique religieuse qui pullulent ces temps-ci. J’ai eu cependant un peu de difficulté à la lecture des motifs des initiateurs du projet, «Nous voyons Blogs for Xmas comme un évangélisme stratégique pour un phénomène qui a déjà du succès.»

Prise 2 : évangélisme stratégique? Serais-je tombé dans un guet-apens dressé par la droite religieuse de Dubya?

Je ne crois pas. Le projet Blogs for Xmas est issu de la Participatory Politics Foundation dont la création a été annoncée officiellement le 17 décembre, mais pour laquelle l’idée mijotait depuis l’été dernier. On explique sur le site de la fondation vouloir éliminer les contraintes pratiques à la participation citoyenne en politique, et créer des outils pour sites Web et des logiciels qui faciliteront un engagement social tant en ligne qu’hors ligne.

Blogs for Xmas n’est que le premier projet de la fondation à voir le jour. Entre autres, on projette un suivi en collaboration des projets de loi (Collaborative Bill Tracking) qui permettra aux citoyens de savoir à tout moment où en sont rendus les travaux législatifs dans une foule de dossiers en rassemblant en un seul point de référence les textes, amendements, articles de presse, commentaires et autres informations sur les initiatives législatives. On offrira aussi un logiciel à source ouverte, OpenCongress, que les groupes ou particuliers pourront utiliser sur leurs sites Web pour écrire aux législateurs ou aux médias en exploitant une base de données commune. Sans oublier le blogue The Regular qui traite de l’actualité politique et qui fonctionne déjà à plein régime.

Les travaux de la Participatory Politics Foundation s’inscrivent donc dans la mouvance de réappropriation de l’espace politique prôné par Howard Dean et de participation au discours médiatique en «devenant des médias» que préconise Dan Gillmor.

Si la mode était encore aux prévisions de fin d’année, on pourrait sûrement citer cette tendance forte.
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17.12.04

Journalistes-otages : bientôt quatre mois

RSFC’est le 20 août que Christian Chesnot et Georges Malbrunot, deux journalistes français, et leur accompagnateur syrien Mohammed Al-Djoundi (libéré en novembre), ont été enlevés sur la route de la ville sainte de Nadjaf en Irak par un groupe islamiste armé (l'Armée islamique en Irak) qui a revendiqué leur rapt. Christian Chesnot, 38 ans, basé à Amman, en Jordanie, travaillait pour les antennes de Radio France et le quotidien La Tribune de Genève. Georges Malbrunot, 41 ans, couvrait l'actualité du monde arabe depuis 1993 pour Le Figaro, Ouest-France, L'Est Républicain, Le Point et RTL. Dossiers de RFI et du Quai d’Orsay sur l’affaire. Aussi, le site Web d’un comité de soutien, et une campagne de sensibilisation de Reporters sans frontières pour la libération des deux otages. Grâce au réseau publicitaire Insert, 2 500 affiches (illustration à gauche) de 60x80 cm seront visibles dans Paris et les grands centres urbains du 20 au 26 décembre. Ali Merhebi, beau-frère de l'interprète Mohammed Al-Joundi, libéré par les forces américaines à Falloujah le 11 novembre dernier, s'est également mobilisé «par amitié envers Georges, Christian et leurs familles». Il a fait imprimer plus de 5 000 cartes postales reprenant le même visuel. Au verso de ce document est inscrit le message actuellement diffusé sur les grandes radios nationales : «Je ne les oublie pas. Ne les oubliez pas.»

Mise à jour, 21 décembre

Communiqué de la Présidence de la République
Paris, 21 décembre 2004 : Les deux journalistes français Christian Chesnot et Georges Malbrunot viennent d’être libérés à Bagdad et remis aux autorités françaises. Ils seront de retour en France dès que possible.

AFP : Quatre mois de captivité pour les deux journalistes français en Irak
Chronologie de leurs quatre mois de captivité.
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Congédiement pour cause de blogue

Queen of the SkyVous êtes certainement au courant de l’affaire de l’hôtesse de l’air congédiée pour avoir diffusé sur son blogue des propos et des photos que son employeur n’a pas appréciés. Sinon, bref rappel des faits. Ellen Simonetti, nom de blogueuse Queen of the Sky, est hôtesse de l’air à l’emploi du transporteur étasunien Delta. Le 25 septembre dernier, son employeur lui annonce qu’elle est suspendue pour avoir diffusé des photos d’elle sur son blogue, des photos que Delta juge inappropriées. Le problème n’est pas qu’elle est dévêtue sur ces photos, au contraire, elle porte ses vêtements de travail, soit l’uniforme des hôtesses de Delta, bien qu’elle ne cite pas le nom de son employeur. Sa première réaction est de retirer les photos de son blogue. Le 6 octobre, Delta lui confirme le motif de sa suspension, soit la diffusion de photos jugées inappropriées. Simonetti fait une recherche sommaire sur le Web, et trouve quelques blogues d’employés masculins de Delta qui affichent de leurs photos portant l’uniforme du transporteur. Elle décide de porter plainte contre Delta pour cause de discrimination basée sur le sexe; le 29 octobre on lui signifie son congédiement pour «diffusion de photographies inappropriées en uniforme sur le Web».

Simonetti explique dans TechRepublic que son blogue était une forme de thérapie, ayant récemment traversé une période difficile dans sa vie, et qu’elle trouvait plus facile d’écrire ses sentiments que de les exprimer verbalement. Elle a décidé de reprendre l’écriture sur son blogue, et de dénoncer le «backlash» des employeurs face à des employés qui tiennent des blogues.

L’ex-hôtesse de l’air affirme que le problème, mis à part quelques cas célèbres, est plus répandu qu’on ne le croit, et dit avoir reçu des courriels de nombreux blogueurs dont les patrons n’aiment pas les propos qu’ils tiennent. Commentaires sur des collègues de travail, ou à propos de l’entreprise, seraient parmi les motis les plus souvent invoqués pour exercer des pressions sur les blogueurs. Simonetti déclare avoir décidé de se battre contre l’arbitraire et pour la liberté d’expression.

Dans le cadre juridique français, le site de veille technologique L’Atelier a demandé à Maître Murielle Cahen, avocate à la Cour de Paris et spécialiste du droit des technologies de l'information et de la communication, de fournir des précisions.

«Aux États-Unis, la liberté d'expression est très large. Le premier amendement de la Constitution fédérale américaine se contente d'interdire au législateur fédéral toute intervention. Mais cela fait qu'il y a un vide juridique et malgré une plus grande intervention des pouvoirs publics depuis le 11 septembre 2001, de nombreux abus sont constatés. C'est un peu la loi du plus fort qui s'applique.

L'Atelier - Un salarié d'une entreprise française a-t-il le droit de publier sur son blog une photographie de lui en uniforme, ou en arborant un vêtement identifié comme appartenant à son entreprise?


Me M. C. - Chacun dispose sur son image d'un droit exclusif. Un salarié peut donc diffuser sur son blog une photographie de lui en uniforme. Cependant, il ne doit pas, notamment en vertu de son obligation de loyauté, avoir une attitude ridicule, malveillante ou dévalorisante qui porterait atteinte ou désavantagerait l'entreprise et sa notoriété.»

Reste à voir comment la Commission sur l’équité en matière d’emploi des États-Unis tranchera dans l’affaire de la plainte déposée contre Delta par Simonetti. En 2003, la Commission a reçu 24 362 plaintes de discrimination basée sur le sexe, mais c’est certainement la première fois qu’elle aura à statuer sur une question relative aux blogues.
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Kevin Sites

Kevin SitesSuis-je le seul à me demander pourquoi on n’entend plus parler de Kevin Sites? Le 13 novembre, le journaliste et cameraman filme l’assassinat par un militaire étasunien d’un insurgé irakien blessé dans une mosquée de Falluja. L’affaire fait grand bruit dans la presse, la droite l’accuse (entre autres) de manquer de patriotisme, un rare chroniqueur prend sa défense. Le 21 novembre Sites s’explique sur son blogue en s’adressant aux militaires présents lors des événements : «Voici, en bout de ligne, le fond de l’histoire : lorsque l’Irakien dans la mosquée constituait une menace, il était votre ennemi; lorsqu’il a été maîtrisé, il est devenu votre responsabilité; lorsqu’il a été tué devant mes yeux et devant ma camera, le récit de sa mort est devenu ma responsabilité.» Or depuis, plus un mot de Sites, sur son blogue ou ailleurs. En passant, à Bagdad, minimum la nuit prochaine de -4 C sous un ciel nuageux; demain, ensoleillé et un maximum de 11 C avec un indice UV de 3.
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16.12.04

Utilisation de photos sur les blogues

Bonne question...Depuis que les blogues sont blogues, la question se pose à a savoir si un blogueur peut s’approprier une photo et la diffuser sur son blogue. En fait, la question remonte à l’ancêtre du blogue, la page Web perso, «status symbol» de l’année 1996. On aura compris que je ne parle pas ici des photoblogues, mais des blogues plus généralistes ou orientés sur l’actualité. D’une part on parle d’oeuvres protégées par doit d’auteur, d’autre part on sert le concept d’utilisation équitable, le fair use. Jason Calacanis, propriétaire de Weblogs Inc. (maison de création de blogues pour les entreprise) et lui-même blogueur, a relancé la discussion en demandant à deux photographes connus s’ils consentiraient à ce que leurs photos soient reprises, par exemple sur des blogues, sans que de droits ne leurs soient versés. En aucune circonstance, ont-ils répondu, car les agences qui les emploient l’interdisent. Pourtant, on voit une profusion d’images théoriquement «protégées» reprises dans la blogosphère.

Aux États-Unis, la Loi sur le droit d’auteur, chapitre 1, article 177 dispose des suivantes :

«Nonobstant les dispositions des articles 106 et 106A, l’utilisation équitable d’une oeuvre protégée, y compris l’utilisation de la dite oeuvre à des fins de copie ou de phonogramme ou par tout autre moyen déterminé dans la présente loi, à des fins de critique, de commentaire, de reportage, d’enseignement (y compris les copies multiples servant en salle de classe), de bourse d’étude ou de recherche, ne constitue pas une infraction au droit d’auteur. En déterminant si, dans un cas spécifique, l’utilisation d’une oeuvre protégée est équitable, il faudra tenir compte des facteurs suivants :

(1) Le but et la nature de l’utilisation, y compris à savoir s’il s’agit d’une utilisation commerciale ou d’une utilisation sans but lucratif à des fins d’enseignement;
(2) La nature de l’oeuvre protégée;
(3) La proportion de l’oeuvre utilisée par rapport à son tout;
(4) L’effet de l’utilisation de l’oeuvre protégée sur son marché potentiel ou sa valeur. Le fait qu’une oeuvre soit inédite ne porte aucune entrave à son utilisation si la dite utilisation est conforme aux critères cités.»

Au Canada, la loi est plus floue, comme l’explique cette note de Patrimoine canadien :

«La Loi sur le droit d'auteur renvoie à une utilisation équitable, mais le terme lui-même n'y est pas défini. On peut invoquer une utilisation équitable pour se défendre contre une accusation d'avoir violé le droit d'auteur. Toutefois l'utilisation équitable n'est pas une exception qui exige une autorisation préalable. Ce n'est que lorsqu'une violation du droit d'auteur est établie qu'on peut invoquer l'utilisation équitable pour se défendre.

La Loi sur le droit d'auteur indique que la défense d'utilisation équitable peut être utilisée dans les seuls cas suivants : étude privée, recherche, critique, compte rendu ou résumé destiné aux journaux. Ainsi, une personne accusée d'une violation de droit d'auteur pour avoir reproduit sans autorisation des extraits d'une œuvre littéraire pourrait invoquer, en guise de défense, que c'était une utilisation équitable, se rapportant à l'un des cas défini par la loi.»

Bref, les blogueuses et blogueurs canadiens nagent dans le flou en ce qui a trait à l’utilisation de certaines photos sur leurs blogues, et il faudrait attendre une hypothétique poursuite pour établir un précédent.

Cette semaine, j’ai demandé à deux blogueurs la permission d’utiliser leurs photos, avec mention de la source, estimant que c’est la moindre des courtoisies. Dans les deux cas la réponse a été positive, et très rapide à venir. J’ai utilisé deux photos pour le dossier Roadsworth, et je m’en garde une troisième en réserve pour un billet à venir. Parfois, comme ici, je ne m’en formalise pas, m’appuyant sur les quatre critères contenus dans les dispositions de la loi étasunienne. Il y a aussi les photos de personnalités qui figurent sur les sites Web officiels, ou les photos d’auteurs offertes par les éditeurs. Dans les deux cas, l’utilisation avec mention est appréciée par ces sources. Mais bien souvent, à défaut de demander une permission (qui avec les grands organismes peut prendre des semaines à venir), on est dans une zone grise.

Faudrait-il définir plus étroitement ou mieux baliser les blogues, qui on le sait oscillent entre critique, étude privée, commentaire, compte-rendu, recherche, reportage et résumé? Faudra-t-il une cause-type pour clarifier la question? Ou encore pourra-t-on confirmer la pratique comme étant, au plein sens du mot, équitable?
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14.12.04

Ma lettre au maire

Dans le dossier Roadsworth, voici le texte de la lettre que j’ai fait parvenir à M. Gérald Trembay, maire de Montréal. (Remerciements à Zeke pour la photo)

M. Gérald Tremblay, maire
Ville de Montréal

Monsieur,

C’est avec un étonnement certain que j’ai appris qu’un artiste de rue, surnommé Roadsworth, faisait face à des accusations de méfait pour avoir enjolivé à sa manière certains espaces publics. À mon avis, loin des notions de méfait et de vandalisme, la contribution au paysage urbain de cet artiste du pochoir relève de la générosité et du partage.

On déplore tous et toutes les gribouillages sauvages qui ruinent certaines surfaces de la ville. Que ce soit pour leur caractère que certains pourraient qualifier d’obscène, d’homophobe ou de raciste, ce sont là des gestes qu’ils faut de toute évidence décourager. Je suis également conscient des coûts qu’entraîne l’effaçage, des coûts qui se répercutent sur l’ensemble de la collectivité montréalaise.

Mais dans le cas qui nous occupe, il s’agissait d’enjolivures discrètes et artistiques de surfaces de béton et de pavé. Lorsque j’ai vu apparaître ces garnitures de macadam, l’idée m’a même effleurée qu’il pouvait s’agir d’une initiative de mon conseil d’arrondissement, tellement elles cadraient avec l’esprit du quartier et relevaient du bon goût.

Aucune des enjolivures mentionnées que j’ai vues ne porte atteinte à la signalisation urbaine, aucune ne peut constituer un danger par méprise de la part des piétons, aucune n’affiche un caractère offensant, aucune ne menace la paix publique.

Je sais qu’un maire doit se garder d’intervenir de trop près dans la gestion quotidienne des affaires policières. En revanche, un maire peut orienter certains axes d’intervention. Dans le cas Roadsworth, j’aimerais vous suggérer de demander au Service de police de revoir la politique qui l’a guidée dans ce dossier, et évidemment de revoir les accusations qui pèsent sur l’artiste.

Le 6 novembre 2005, les Montréalais et Montréalaises iront aux urnes pour élire un maire. Ils chercheront un candidat ou une candidate qui soit à l’écoute de leurs préoccupations, qui soit disposé à accorder une plus grande place à l’expression citoyenne dans la gestion de la cité, bref, qui soit ouvert au dialogue.

Je suis persuadé qu’un règlement à l’amiable de l’affaire Roadsworth illustrerait que vous possédez ces qualités.

Cordialement,

Jean-Pierre Cloutier, citoyen

P.S. Je me permets de faire parvenir copie de la présente lettre à Madame Helen Fotopoulos, mairesse d’arrondissement du Plateau Mont-Royal, puisque bon nombre des contributions de Roadsworth au paysage urbain ont été faites dans ledit arrondissement.
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13.12.04

Suicide de Gary Webb

Gary WebbLe journaliste Gary Webb a été retrouvé sans vie à son domicile de Carmichael (Sacramento County, Californie) vendredi dernier, 10 décembre. Le corps portait une blessure d’arme à feu à la tête; le bureau du coroner local traite l’affaire comme un suicide. Ce sont des déménageurs qui ont alerté la police après avoir découvert sur sa porte une note sur laquelle il était écrit «Prière de ne pas entrer. Appelez le 911 et demandez une ambulance». En 1996, Webb avait publié dans le San Jose Mercury News une série d’articles intitulée «Dark Alliance» dans laquelle il établissait un lien direct entre l’entrée du crack (drogue composée à partir de cocaïne) dans les quartiers noirs de San Francisco, et une opération de financement des contras nicaraguayens qui se serait déroulée avec l'aide d'agents de la CIA. La drogue entrait aux É.-U. avec la complicité de la CIA qui, avec les produits de la vente, procédait à l'achat d'armes destinées à renverser le gouvernement sandiniste.

Peu après la publication initiale de son dossier dans le Mercury News, la direction du journal répudia la série d’articles et muta Webb à un de ses bureaux de banlieue. L’organisme de veille des médias journalistiques Fairness and Accuracy in Media Reporting (FAIR) avait en octobre 1996 déploré le peu de suivi accordé aux révélations de Webb par les grands médias nationaux. Puis, en janvier/février 1997, FAIR revenait en profondeur sur le dossier et accusait alors les grands médias de minimiser les dégâts possibles des révélations de Webb pour le compte de la CIA. Commentaire de FAIR ce lundi 13 décembre 2004, «Bien avant le suicide de Webb, son travail a été assassiné par les grands journaux». En 1998, le dossier de Webb Dark Alliance était publié sous forme de livre.

Le journaliste Robert Parry, auteur de Secrecy & Privilege: Rise of the Bush Dynasty from Watergate to Iraq et Lost History: Contras, Cocaine, the Press & 'Project Truth' écrit dans Consortium News : «Le décès de Webb devrait nous rappeler que sa grande contribution à l’histoire des États-Unis a été, avec l’aide de citoyens de race noire en colère, de forcer le gouvernement à admettre certains des pires crimes jamais commis par une administration étasunienne, soit la protection du trafic de drogue aux États-Unis dans le cadre d’une guerre clandestine contre un État, le Nicaragua, qui ne constituait aucune menace réelle pour notre pays.»

Le netmag Counterpunch publiera au cours des prochains jours une sélection des articles de Webb tirée de la série Dark Alliance.

Mise à jour, 14 décembre

The Nation: Gary Webb Is Dead

Dissident Voice: R.I.P. Gary Webb - Unembedded Reporter

Michael C. Ruppert: A Giant Falls

Mise à jour : 16 décembre 2004

Narco News Bulletin - Gary Webb: Do What He Did

L.A. Weekly: Gary Webb, RIP - No thanks to the L.A. Times

L.A. CityBeat: Death by Press

Guerilla News Network - Gary Webb: A hero of authentic journalism

The Free Press: Gary Webb and the art of the CIA cover-up

Richard Thieme: My Last Talk with Gary Webb

Democracy Now: Investigative Reporter Gary Webb Found Dead of Apparent Suicide

Press Action: Who Killed Gary Webb?

Mise à jour : 21 décembre

Charles Bowden on the Legacy of Gary Webb: "He Drew Blood"

Alexander Cockburn: From Kobe Bryant to Uncle Sam
Why They Hated Gary Webb


Richard Thieme: The Meaning of Sacrifice

Esquire: Gary Webb, 1955 - 2004

Bill Forman and Melinda Welsh: Gary Webb remembered

Tom Walsh: A sad goodbye

Nick Schou: Kill the messenger
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Incroyable mais vrai...

Roadsworth, credit to Zeke.Ce billet est inspiré de Martine qui le tenait de Zeke. Je les avais remarquées en plusieurs endroits du Plateau, ces enjolivures de béton et de pavé. Sans savoir d’où elles venaient, ni celui ou celle qui en était l’auteur, je trouvais la démarche éminemment sympathique. Un peu de fantaisie dans la grisaille urbaine, l’idée m’a même effleurée qu’il pouvait s’agir d’une initiative du conseil d’arrondissement, une extension de la Grande Fresque de Nuit. Eh non, il s’avère que ces garnitures de macadam sont l’oeuvre d’un artiste local, nom de pinceau Roadsworth, que les autorités municipales récompensent de sa générosité en déposant contre lui 85 chefs d’accusation pour méfait! (Voir l’article du Montreal Mirror). Pour Zeke (moins connu sous le nom de Chris Hand), il s’agit de demander poliment et gentiment aux autorités de laisser tomber les chefs d’accusation qui pèsent contre Roadsworth. On a, en effet, bien de la difficulté à associer les enjolivures réalisées au pochoir dans nos rues à la définition de méfait qui figure dans le Code criminel. Suggestion de texte de lettre à faire parvenir à l’inspecteur responsable au Service de police et au maire, avec coordonnées courriel, sur le site de Zeke que je remercie au passage pour l'utilisation de la photo.
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Les blogues du Christian Science Monitor

Le quotidien Christian Science Monitor diffuse depuis octobre un certain nombre de blogues de ses journalistes et correspondants. On y retrouve entre autres Dave Cook, correspondant à Washington, le photographe John Nordell qui publie un photoblogue, et Ruth Walker qui parle «des mots». Flux RSS disponibles.
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12.12.04

Blogues et politique : zone grise

La chaîne CBS diffuse un reportage qui soulève des questions importantes sur la diffusion de blogues en période électorale, Blogs: New Medium, Old Politics. Au Dakota Sud, lors de l’élection de novembre, le républicain John Thune a défait le leader démocrate du Sénat Tom Daschle. C’était un siège très contesté à cause de la position influente de Daschle dans le parti; dans cet État qui compte un peu plus de 750 000 habitants (statistiques de juillet 2003), et 400 000 électeurs, Thune a obtenu 197 813 voix, et Daschle 193 279. Mais les deux candidats ont dépensé près de 33 millions de dollars pour leurs campagnes respectives, soit environ 82 dollars par vote exprimé.

Bien que 35 000 dollars pèsent peu, eu égard aux chiffres cités plus haut, c’est justement sur cette somme que CBS s’interroge. Un certain John Lauck puliait un blogue pro-Thune, Daschle v. Thune sur la campagne sénatoriale au Dakota Sud, tout comme Jason Van Beek avec son South Dakota Politics (Les deux écrivent maintenant sur ce second blogue.) Or, selon CBS, l’organisation de John Thune aurait versé 27 000 $ à Lauck et 8 000 $ à Van Beek, sans que ces derniers n’indiquent sur leurs blogues qu’ils étaient rémunérés par Thune.

CBS s’empresse de dire qu’aucune loi n’a été transgressée, car il n’y a aucune mention des blogues dans les lois électorales étasuniennes, donc aucun précédent sur lequel se baser. Pour Kevin Goldberg, conseiller juridique à l’American Society of Newspaper Editors, la question est épineuse car elle revient à devoir décider si on associe un blogue à l’expression politique individuelle, ou à une publication média qui serait l’équivalent d’un journal en ligne.

Pour l’instant, il ne semble pas y avoir urgence à trancher selon les observateurs, mais il importerait de la faire avant que s’amorcent les cycles électoraux de 2006 et 2008.
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11.12.04

Gillmor quitte le SJMN

Dan Gillmor, auteur du livre We the Media dont je vous parlais il y a peu de temps, quitte le San Jose Mercury News le mois prochain pour se consacrer à un projet de «journalisme citoyen». Il déclare sur son blogue ne pas pouvoir donner plus de détails encore sur ce projet, mais vouloir continuer à publier un blogue dont il publiera sous peu l’adresse. C’est certainement une perte pour le SJMN car Gillmor est un des journalistes les plus respectés du milieu techno.

Mise à jour, 12 décembre


En entrevue exclusive avec OhmyNews le 11 décembre, Dan Gillmor précise un peu ses intentions.
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Tournée de blogues

Et si le blog était la CB du Web ? (1ère partie)
«J’ai peu posté ces derniers temps sur mon blog et je m’en excuse. Le blog est un exercice bizarre, qui m’intrigue et m’effraye. Le blog, c’est avant tout deux choses que je déteste : parler en public de choses personnelles et donner mon avis, sur un événement, à chaud. Curieusement, on finit toujours par trouver un sujet ou un domaine où l’on accepte de le faire. [...] Ce qui est fascinant, c'est que le monde du blog a défini ses propres règles, sa propre économie d'échange et ses propres stars.»
Tarik Krim, journaliste, Le Monde

Prétentieux, le blogueur?
«“Oui.” Il faut être prétentieux pour écrire, même un vulgaire blogue. Si je ne l'étais pas, je me contenterais de lire. [...] “Mais...” Mais cela dit, en y pensant plus à fond, ce n'est pas si simple. La prétention du blogueur a ses grandeurs et ses limites. Le blogueur est prétentieux mais il est aussi vulnérable, c'est-à-dire sujet à être jugé. (Ce à quoi échappent celles et ceux qui se taisent.)»
Jean Trudeau, blogueur

Journaliste sous la couette
«Sans aller jusqu’à comparer les bloggers à des pirates, comme l’a fait Anne Imbert - qui au passage n’a pas été ratée par les bloggers comme Loic Le Meur, Cyril Fiévet, Miss-information, ou ici, et là par exemple - il faut reconnaître que les bloggers ne sont bons qu’en chroniqueurs ou commentateurs et cela à cause de leur subjectivité.»
Anonyme

Jay Rosen, sur l'avenir des médias
«Quelques deux cents quotidiens, qui tirent de 100.000 à 1 million d'exemplaires, sont imprimés aux États-Unis. Ils se ressemblent à peu près tous. La plupart ont des pages opinions et débats, mais la qualité d'écriture, d'humour et d'engagement de leurs auteurs est largement surpassée par celle des blogueurs. A lire ces derniers, on se rend compte que les professionnels ne contrôlent plus le débat national sur les questions importantes [...] Internet et les blogs représentent pour les grands groupes de médias un vaste défi et l'ignorance, voire le mépris, dont ces groupes font preuve à l'égard de ce qui se passe sur le Web les met en grand danger.»
Cyril Fiévet, Pointblog, citant Jay Rosen
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10.12.04

Politique réseau : Le «two-step flow» de Howard Dean

Howard Dean, ex-gouverneur du Vermont, et candidat à l’investiture démocrate pour la présidentielle étasunienne de 2004, a fait sa rentrée sur la scène politique le 8 décembre. Devant un auditoire d’étudiants de l’université George Washington, il a prononcé une allocution sur l’avenir du parti démocrate, la nécessité de le désenclaver géographiquement et de faire élire des candidats à tous les paliers électifs. Donné favori au début des primaires jusqu’à son échec en Iowa et au New Hampshire en février, on sait que Dean avait eu recours à Internet pour recueillir des appuis financiers et recruter des travailleurs de campagne, avant d’être supplanté par la machine de John Kerry.

Dean fait cependant toujours confiance aux nouveaux médias, et disait dans son discours : «L’avenir du parti démocrate c’est d’en faire un parti qui puisse communiquer avec ses membres et avec tous les citoyens. La politique est à son mieux lorsque nous parvenons à inspirer un sens d’appartenance à une collectivité. Les outils que nous avons été les premiers à utiliser lors de ma campagne, comme les blogues, les séances virtuelles et les flux vidéo, ne sont que le début. Nous devons exploiter tout le potentiel de la technologie pour rejoindre les électeurs, travailler de concert avec les constituantes du parti dans tous les États, et influer sur la couverture médiatique.» L’allocution de Dean a été reprise un peu partout dans la grande presse, et évidemment en texte intégral sur son site Web, Democracy for America.

Pour ceux et celles qui ont un tant soit peu suivi le parcours de Dean, du moins sur le Web, on notera que le politicien a abandonné Dean for America, son ancien site, bien que les archives aient été conservées, et opté pour «Democracy for America». Quant à Blog for America, en ligne depuis mars 2003, il est toujours très actif, alimenté par divers membres d’une petite mais efficace équipe de fidèles d’Howard Dean.

Outre les couleurs traditionnelles des sites politiques étasuniens (bleu, blanc, rouge), si vous trouvez un petit air de famille aux sites de l’organisation Dean, l’explication est simple. Ils ont tous été créés par le même groupe de cinq conseillers Web de Dean, depuis mars 2004 regroupés sous l’enseigne commerciale BlueStateDigital. On sait que depuis un certain temps, on distingue aux États-Unis les «États rouges» (pro républicains) et les «États bleus» (pro démocrates). BlueStateDigital, sans jeu de mots, affiche ses couleurs et propose des services Internet aux politiciens et groupes d’allégeance démocrate.

Ceci dit, la presse a fait grand cas de la capacité de l’organisation Dean à lever des fonds en utilisant Internet. On doit dire que dans un peloton de départ de dix candidats sérieux aux primaires, les 27 millions de dollars que Dean a recueilli principalement en ligne ont fait sourciller. La presse traditionnelle, fidèle à sa perception d’Internet, a vu là un élément singulier de la campagne. La presse spécialisée, souvent sur la défensive, en a profité pour redire «On vous l’avait dit qu’un jour ça marcherait.»

Même Dean estime que l’on a trop mis l’accent sur l’aspect financier de sa présence sur le Web, et pas suffisamment sur l’aspect mobilisateur et communicationnel. Dans le numéro du premier décembre du journal The Hill (actualité politique de Washington), il signe un article qui mérite lecture, It's about people, not just money. Il écrit : «Avec une bonne approche, le Web peut aider les campagnes et d’autres formes d’organisations à réussir sur deux plans importants : de nouvelles méthodes de mobilisation de bénévoles, et une communication qui n’entraîne pas les gros déboursés de la télévision et qui échappe au filtre de la presse.»

Pour Dean, les blogues et le courriel permettent aux candidats de s’éloigner de la langue de bois, des formules préparées et réchauffées, et des «cassettes» de dix secondes destinées aux médias électroniques.

Tout à son crédit, Dean refuse de faire d’Internet une panacée universelle : «Le Web ne peut se substituer aux changements profonds et aux investissements à long terme dont le parti a besoin pour réussir. Nous devons articuler nos valeurs fondamentales, ne jamais concéder victoire sur une question ou dans une région du pays, et tout reconstruire sur des bases solides. Mais bien utiliser Internet signifie établir un nouveau type de rapport entre le parti et ses militants. Plus nous endossons la formule qui fonctionne en ligne, soit l’honnêteté, la clarté et le respect des gens, plus nous avons une chance de réussir sur le terrain.»

Réussir sur le terrain, l’expérience de Howard Dean en illustre bien la difficulté. Malgré ses succès sans précédents en ligne, il n’a pas réussi à remporter l’investiture. Mais il y a pire. Le clan Kerry n’a pas utilisé ce que Dean était parvenu à échafauder, soit une structure exceptionnelle de mobilisation/formation des militants.

En 1940, Paul Lazarsfeld et d’autres chercheurs mènent la première étude sur la communication de masse politique, et le fruit de leurs travaux est publié en 1944 sous le titre The People's Choice. Selon eux, l’effet des médias est relatif, le processus de communication n'est pas vertical, venant du haut vers le bas, mais plutôt horizontal, et apparaît alors pour la première fois dans le discours communicationnel la notion de «leader d'opinion» ou de médiateur et son rôle dans le processus de la communication. (Merci à MBAO pour ce résumé).

Selon Lazarsfeld, les mass médias n’auraient d’influence déterminante que sur 5 % des électeurs, bien moins que les autres influences comme les conversations avec des amis ou des proches, des confrères syndiqués, des collègues ou associés, etc. Cette constatation est par la suite confirmée par d’autres études, et on a appelle alors ce phénomène le «paradigme des effets limités» de l’influence des médias.

Il y a donc un «two-step flow», une sorte de valse à deux temps, dans les messages des mass médias. Dans un premier temps le message, puis dans un deuxième temps le traitement et la retransmission du message par un leader d’opinion au sein de son groupe d’influence.

Lazersfeld et ses chercheurs vont plus loin en 1955 dans leur ouvrage Personal Influence : «De cette étude, ressortait la certitude que le contenu de la communication touche l'audience d'une manière indirecte, à travers les médiateurs, mais il est possible, ont conclu les chercheurs, qu'il existe plusieurs étapes. Les leaders d'opinion eux_mêmes quelquefois, demandent l'opinion ou le conseil d'autrui.» (MBAO).

La théorie n’est pas sans ses critiques. Comme l’explique Mick Underwood, Lazarsfeld et ses collègues attachent beaucoup d’importance aux caractéristiques des leaders d’opinion, puis à ce qu’il faille qu’un individu soit nécessairement leader d’opinion actif ou récepteur d’opinion passif. «Mise à part l’évidence que certaines personnes puissent être des leaders d’opinion sur un sujet et pas sur d’autres, on peut aussi objecter que des personnes puissent n’être ni leader ni récepteur d’opinion, mais tout simplement détachées du message des médias» écrit-il.

De plus, et c’est ici qu’on revient à Howard Dean (vous me pardonnerai le détour), beaucoup tient à la disponibilité d’information pouvant faire contrepoids au message des médias. Comme le souligne Underwood, le grand public dans les années quarante disposait de moins de sources d’information que celles auxquelles nous avons accès aujourd’hui, et généralement de moins de temps à y consacrer.

Or, en réagissant rapidement en cours de campagne aux attaques lancées par les autres candidats, aux éditoriaux malveillants, et en formulant des réponses appropriées véhiculées sur ses sites Web, son blogue, et par courriel, Dean fournissait à un vaste réseau de leaders d’opinion des munitions pour faire contrepoids, chacun dans leur cercle d’influence, ou sur leurs perrons d’église, au message des médias. «On avait lu Dean, et on expliquait Dean.»

C’est vrai, Howard Dean n’a pas gagné. C’est vrai, Kerry disposait de moyens financiers énormes (à ce point qu’il n’a même pas dépensé tout son budget de campagne qui était de 322 millions de dollars, il qu’il a encore en caisse 22 millions de dollars!).

Mais l’objectif de Howard Dean procède d’une autre approche. «Sur le plan pratique, il ne s’agit même pas d’utiliser Internet pour recueillir des votes» dit-il, «Sa force est de permettre d’enrichir la démocratie en sollicitant la participation d’un plus grand nombre de personnes dans le processus. Au cours des deux dernières années, nous avons appris qu’un site Web peut servir à bien plus qu’à diffuser de l’information de base. Il peut devenir un centre à partir duquel ceux et celles qui nous appuient peuvent devenir partie prenante au processus.»

En complément de lecture, l’article de Gary Wolf dans le numéro de janvier 2004 de Wired Magazine How the Internet Invented Howard Dean.
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9.12.04

Écrire pour le Web : entre fond et forme

Qu’une présence Web prenne la forme d’un blogue, d’un site personnel, de grand média ou d’entreprise, certaines exigences sont incontournables, comme la qualité de l’écriture et son adaptation au médium Internet. Il est également intéressant de noter que ce thème a souvent été abordé, bien avant la déferlante des blogues.

Je me souviens qu’il y a plusieurs années, j’avais été invité à m’adresser à un groupe d’étudiants et d’étudiantes du niveau collégial pour parler de l’écriture sur le Web. Pour l’occasion, j’avais comme d’usage préparé une page référence pour illustrer le propos, page essentiellement constituée d’extraits des Chroniques de 1997 et 1998 dans lesquels j’abordais le sujet.

À ajouter à cette liste, la Chronique du 2 octobre 2001, Écriture Web : faut-il écrire pour les moteurs? Jill Whalen de la société RankWrite disait qu’il importe de glisser dans le texte d'une page Web une phrase ou une expression qui correspond, en langage naturel ou en mots clés, à ce qu'un utilisateur inscrira dans la case d'interrogation d'un moteur de recherche. On établit ainsi un plus haut degré de correspondance entre le contenu d'une page et l'interrogation éventuelle d'utilisateurs, ce qui se traduit par un meilleur positionnement de la page dans les résultats de recherche.

Whalen soutient que les concepteurs de contenus misent trop sur les balises meta (invisibles) des pages Web contenant des mots clés choisis, et pas suffisamment sur le fait que ces mots apparaissent ou non dans le contenu visible des pages.

Mais revenons à la question de savoir s’il faut écrire pour ou en fonction des moteurs de recherche. Amanda Watlington, conseillère en contenu Web auprès d’entreprises, reprend ce thème dans un article du numéro de décembre de e-marketing-news et l’adapte aux blogues. Elle écrit : «Ce que je suggère, c’est de créer intentionnellement sur un blogue du contenu qu’un moteur de recherche puisse facilement indexer, puis afficher en résultat, et ce à partir de mots clés que vous aurez déterminés à l’avance. Les blogueurs peuvent dynamiser leur blogue avant même de les créer en faisant une recherche de mots clés, et en s’inspirant de cette recherche pour rédiger le contenu.»

Watlington va plus loin. «La recherche efficace de mots clés pour un blogue nécessite de déterminer clairement au préalable, avant de produire du contenu, qui est l’auditoire visé par le blogue. Qui lira le blogue? Qu’en retireront ses lecteurs et lectrices? Quels sont leurs mots clés intuitifs?»

Je dois dire que j’ai de la difficulté avec cette approche d’écrire en fonction de mots clés, par et pour mots clés. Si l’idée est bonne pour un site Web d’entreprise qui cherche à rejoindre une «clientèle» intéressée à son «produit», vaut-elle autant pour un blogue? Watlington soutient aussi que puisque les blogues s’inscrivent dans des créneaux de sujets très pointus, leurs auteurs ont recours à un vocabulaire étroitement circonscrit. N’est-ce pas là nier aux blogueurs la possibilité de s’exprimer sur un vaste éventail de sujets, qui est un des avantages inhérents à la formule blogue?

Concernant les balises meta (invisibles) des pages Web contenant des mots clés choisis, disons que les moteurs de recherche (comme Google) se basent de moins en moins sur cet élément pour indexer et afficher des résultats. Et quant aux mots clés dans un texte, tout dépend de l’interrogation que saisira l’utilisateur, et du contexte. Épisode anecdotique sur l’effet Google que j’illustrais en mai dernier.

Heather Lloyd-Martin, aussi de RankWrite, y va d'une suggestion pour le moins intéressante pour évaluer un texte écrit pour le Web : le lire à voix haute. Il faudrait donc, selon elle, interpeller plus directement les lecteurs qui, en retour, sentiront que vous avez confiance en eux et que vous répondez à leurs attentes.

Pour Jean-Marc Hardy de Redaction.be (à mon avis le site le plus complet sur la question), il convient d’adopter un style qui convient à la lecture en ligne, l’autre partie de l’équation écriture/lecture.
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8.12.04

À lire : Chryde sur les blogues et le journalisme

Le 7 décembre, à Paris, la société Six Apart (plate-forme de publication de blogues TypePad) tenait sa première soirée de conférence-rencontre sous le thème «Coulisses du Weblog». À cette occasion, on a parlé de journalisme et il faut lire les notes que Chryde (oui, il a un autre nom), participant invité à la rencontre, avait préparées pour l’occasion. Pourquoi? Pour les récoupements et compléments qu’on y trouve sur le le débat dont je vous faisais part il y a quelques jours.

En avant-goût : «Les journalistes ne doivent donc pas se sentir "menacés" par les weblogs, mais ils ne peuvent plus, aujourd'hui, ne pas les prendre en compte. Cela peut être leur massue, leur tremplin, leur poil à gratter, mais surtout le guide qui mènera les individus en réseau vers leur travail. Aujourd'hui, chacun personnalise son information, pioche selon ses intérêts, ses envies, les stimulations qui lui sont données. Les weblogs deviennent, peu à peu, la matrice de cette nouvelle consommation de l'information.»
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Gallup : Confiance à l’égard des journalistes

Depuis trente ans, la maison de sondages Gallup interroge les étasuniens sur le degré de confiance qu’ils manifestent à l’égard de différentes professions. Au haut de l’échelle de l’indice de confiance cette année, les infirmières avec une cote de 79 %.

Cette année ne fait pas exception, le public attribuant aux journalistes une note très faible. L’indice de confiance envers les journalistes de la télévision est de 23 %, et de 21 % pour les journalisrtes de la presse écrite. À titre de comparaison, il est de 9 % pour les vendeurs d’automobiles, de 10 % pour les publicitaires, de 18 % pour les avocats, de 24 % pour les propriétaires de foyers de retraite et de 26 % pour les mécaniciens automobiles. Données complémentaires chez Gallup.

Greg Mitchell, éditeur de la publication Editor & Publisher, se console. S’il y a une bonne nouvelle pour les journaux, dit-il, c’est que depuis 2000, le nombre de répondants accordant un degré de confiance élevé ou très élevé aux journalistes est passé de 16 % à 21 %.

Le sondage de cette année a été mené par téléphone auprès d’un échantillon de 1 015 adultes âgés de 18 ans ou plus, entre le 19 et le 21 novembre, et comporte une marge d’erreur de 3 %.
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7.12.04

La pub et les blogues

La publicité en ligne commence à s’intéresser aux blogues. L’hebdomadaire Business Week explique que la conjugaison de deux facteurs accélérera la tendance. D’une part, on prévoit que les budgets de publicité en ligne auront augmenté de 35 % cette année, et que 11 % des utilisateurs d’Internet consultent régulièrement les blogues.

La société Google, propriétaire de la plate-forme Blogger, a été vite à comprendre le potentiel avec son service de placement publicitaire AdSense qui permet d’afficher des publicités en rapport direct avec les informations consultées par les utilisateurs d’un site. Si AdSense arrime le contenu aux publicités sur une base de mots clés, l’agence Blogads sélectionne elle-même les blogues avant de les proposer à ses annonceurs qui comptent de gros noms comme Paramount Pictures, The Wall Street Journal, Penguin Books, The New Yorker, Random House, Oxford University Press, O'Reilly and Associates, Howard Dean et John Kerry. Il y a aussi la société canadienne Marqui qui a décidé de payer les blogueurs pour qu'ils publient des billets comportant un lien vers son site comme l’explique Cyril Fievet.

Pour le moment, la publicité est relativement discrète sur les blogues, sauf celle d’une agence de rencontre française qui «flotte» sur votre écran mais que l’on peut désactiver en cliquant sur le petit X en haut à droite. Agaçant, même si on comprend l’envie de certains éditeurs de rentabiliser leurs blogues.

Revenons sur un thème déjà abordé dans ces pages. Jakob Nielsen dans sa plus récente chronique Alertbox publie des données fournies par John Boyd de Yahoo! et Christian Rohrer de eBay sur ce qui irrite les utilisateurs dans les publicités en ligne.

Les répondants à un sondage ont réagi soit négativement ou très négativement aux éléments publicitaires suivants : l’ouverture de nouvelles fenêtres en «pop-up» (95 %), la lenteur de téléchargement (94 %), les astuces trompeuses pour inciter à cliquer sur l’élément (94 %), l’absence d’un bouton pour fermer l’élément (93 %), les pubs qui s’interposent entre l’utilisateur et le contenu (93 %), les pubs qui ne révèlent pas immédiatement l’objet ou le service annoncé (92 %), celles qui déplacent les contenus (92 %), qui occupent la majeure partie d’une page (90 %), qui clignotent (87 %), qui flottent sur l’écran (79 %), ou qui émettent automatiquement des sons (79 %).

L’irritation des utilisateurs face à l’ouverture des nouvelles fenêtres les incite à opter pour des logiciels «anti-popup» (26 % en avril 2003, 69 % en septembre 2004). Évidemment, cette fonction intégrée au fureteur Firefox n’est pas étrangère à son succès.

Et ce qui est d’une importance capitale, tant pour les annonceurs que pour les éditeurs de sites Web, est que cette irritation entraîne une perception très négative de l’annonceur pour 50 % des utilisateurs, et une perception très négative du site Web qui diffuse de telles pubs pour 40 % d’entre eux.

Les bonnes pratiques? Les études de perception des utilisateurs évoquent cinq points dont les annonceurs devraient tenir compte : indiquer aux utilisateurs ce qui arrivera s’ils cliquent sur une pub; établir un rapport avec ce que les gens sont en train de faire; exprimer clairement qu’il s’agit d’une pub; dire explicitement ce qu’est le produit ou le service annoncé; fournir des renseignements additionnels sans que l’utilisateur n’ait à quitter la page qu’il consulte.

Évidemment, l’autre donnée de l’équation est la fréquentation des blogues. Si on en compte un très grand nombre, combien ont un lectorat suffisant pour intéresser les agences et les annonceurs qui ont toujours misé sur les gros porteurs?

Mise à jour, 9 décembre

Ingrid Marson de News.com cite la société de technologie publicitaire allemande Adtech qui constate qu’en octobre et novembre, seulement 0,11 % des utilisateurs du fureteur Firefox ont cliqué sur un bandeau publicitaire, comparativement à 0,5 % des utilisateurs de Internet Explorer. On attribue cette différence à la fonction de blocage d’ouverture des fenêtres publicitaires (popup) de Firefox. Seuls les utilisateurs de Internet Explorer qui ont installé la mise à jour SP 2 du système Windows XP ont accès à cette fonction, à moins qu’ils n’aient installé un logiciel spécifique d’un fabricant tiers.
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6.12.04

Congrès FPJQ : relance du débat sur le statut de journaliste, et choc de cultures

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) tenait son congrès annuel en fin de semaine dernière à Québec. Pour le nouveau président (élu par acclamation) Alain Gravel, il faut relancer le débat sur le statut des journalistes.

On lit dans Le Soleil : «La débat n'a rien de nouveau, admet M. Gravel. Même s'il n'a pas encore d'opinion tranchée sur le débat, il se dit déjà opposé à l'idée d'une corporation ou d'un ordre des journalistes. “Ça restreindrait trop l'accès à la profession. Ce qui est intéressant dans ce métier, c'est que les gens viennent de tous les secteurs.”»

Et dans Le Devoir : «Je suis tout à fait disposé à reprendre cette discussion, indique Alain Gravel. Techniquement, il m'apparaît difficile de créer un ordre professionnel, ce qui voudrait dire un examen uniforme pour accéder au métier de journaliste, alors que c'est une profession ouverte où les gens viennent de partout. Mais, à la lumière de menaces qui pèsent sur notre métier, avec la confusion des genres, la mainmise des relations publiques, ou encore la concentration des médias et la convergence, on peut discuter des façons de mieux encadrer la profession.»

Une année chargée pour le nouveau président, si on tient compte des nombreux autres dossiers dans lesquels la FPJQ s’investit (présence aux tribunaux, dossier des radios poubelles, accès à l’information gouvernementale, etc.), et nous lui souhaitons courage et énergie.

Un autre des dossiers importants selon nous, question de perspective, est celui de l’attitude des journalistes face aux blogues et aux blogueurs. Certains journalistes (dont moi) publient des blogues, mais bon nombre de blogues sont publiés par des gens qui ne sont pas journalistes, et qui n’ont aucune prétention que ce soit à l’être. Il semble qu’il y ait là matière à confusion dans l’esprit de plusieurs.

Mario Asselin est directeur d’un établissement d’enseignement et anime le projet des Petits carnetiers du journal Le Devoir qui encadre de très jeunes blogueurs. Il écrit : «En ce qui me concerne, cette expérience me prouve que les jeunes y prendront goût, assurément. Alors, la question n'est peut-être pas tellement de savoir si les journalistes du Québec utiliseront d'une manière ou d'une autre les carnets Web, mais plutôt de savoir pendant combien de temps encore, pourront-ils ignorer le phénomène?»

Il semble bien que consciemment ou inconsciemment, une bonne partie de la classe journalistique québécoise soit en phase de déni face aux blogues. Clément Laberge, un de nos meilleurs spécialistes québécois en technopédagogie, était invité à participer au congrès à une table ronde sur les blogues. Ils nous fait part sur son site des notes préparatoires intitulées «Blogueurs ou blagueurs», et terminait celles-ci en disant : «Je n'ai évidemment pas de leçon à vous donner... Vous connaissez évidemment mieux votre univers que moi... Je ne peux que suggérer à quoi les carnets pourraient vous être utiles dans l'immédiat... Mais ce que je sais, hors de tout doute, c'est que pour garder confiance dans les médias pour lesquels vous travaillez, j'ai besoin de savoir de savoir que vous comprenez ce qui se passe dans l'univers des carnets et que vous savez y puiser des renseignements.»

Dans ses réflexions post-FPJQ Laberge semble déçu : «J'ai beau essayer de me convaincre du contraire depuis deux jours, je n'y arrive pas. Il m'apparaît tout bonnement incompréhensible qu'un journaliste ne connaisse pas l'existence des carnets et, pire encore, celle des fils xml-rss. Qu'il ne fasse pas appel aux ressources de cet univers, soit, c'est dommage, mais qu'il en ignore jusqu'à l'existence, ça non... vraiment, je ne comprends pas! Dans le cas des responsables de salles de rédaction (rédacteurs en chef, éditeurs, etc.) c'est tout bonnement inacceptable.»

La polyvalente Martine Pagé animait au congrès des journalistes un atelier sur les blogues (ses notes de référence) sont ici. Elle a suggéré l’idée d’un carnet ou blogue collectif spécialement consacré aux... carnets et blogues et au journalisme. Selon Martine, qui commente chez Laberge (et aussi sur son blogue), «Pour ce qui est de l'idée du carnet collectif, il y a de plus en plus de ressources sur le Web, même en français, concernant les relations entre le journalisme et le blogue, mais je crois qu'il est pertinent de se donner un espace québécois consacré à ce sujet.» Et Laberge qui renchérit, «S'ils y a des intéressés (écrivez-moi!), je me propose d'offrir gratuitement (via Opossum) l'hébergement, une interface de base et des accès pour les contributeurs potentiels.»

Gâtés, nos journalistes, non? Ils se font offrir gratos par les blogueurs un carnet/espace d’information et de discussion sur les blogues, alors que, si besoin il y a, tout cela pourrait être très adéquatement financé par le budget de perfectionnement professionnel des entreprises de presse. Comprenez-moi, je ne suis pas contre l’idée, bien au contraire, c’est seulement que, présenté de cette façon...

Je n’étais malheureusement pas au congrès. J’ai par contre suivi attentivement par médias et blogues interposés les enjeux dont on a discuté. En ce qui a trait aux blogues et à la perception dont en ont les journalistes, je pense que c’est un choc de cultures.

Il y a quelques années, presque au début de l’arrivée d’Internet grand public au Québec, deux cultures se sont affrontées. Il y avait les «puristes» du Net, ceux qui croyait à la profondeur du contenu et aux valeurs communicationnelles et académiques du réseau dans un cadre technique quasi minimaliste. Dans l’autre camp, les «multimédia», pour qui il importait d’enrichir les présentations Web, de les animer par tous les moyens techniques disponibles, souvent sans égard à la profondeur du contenu. Les deux camps se sentaient menacés. Les puristes craignaient que le fond se perde dans la forme; les multimédia avaient peur que l’on accuse un retard ou que l’on cesse d’innover sur le plan de la forme. Graduellement, les deux tendances se sont rapprochées, mais non sans qu’il n’y ait eu de longs (et parfois pénibles) débats.

Dans le débat blogues et journalisme, j’ai l’impression de revivre un peu ce choc entre deux cultures, mais à cette différence que les blogueurs ne se sentent pas menacés par les journalistes, alors qu’on ne peut présumer l’inverse.

Les blogueurs aimeraient peut-être un peu moins de cynisme à leur endroit, c’est vrai. Comme Laberge écrit en clin d’oeil, «Un journaliste qui demande, lapidaire: “oui, mais c'est quoi la différence entre citer ma belle-soeur et citer un blogueur?”... voulant probablement laisser entendre que pareils quidams ne méritent pas son attention (ou celle de ses lecteurs). Disons d'abord que c'est pas très gentil pour sa belle-soeur... mais surtout, quoi penser d'un pareil mépris quand on connaît les énergies que les médias mettent à faire des “micros-trottoir/vox-pop”... M'enfin, la peur de la nouveauté sans doute!»

Sans doute. Ça me rappelle une conférence en 1997 pour laquelle le directeur des communications avait refusé les accréditations d’usage aux représentants de la presse en ligne. «N'importe qui sur la Rive-sud ou à Brossard peut s'inventer un média en ligne, pour nous ça ne veut rien dire» avait-il déclaré.

Un débat à suivre.
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5.12.04

Polytechnique : 15 ans

Ruban blancLe 6 décembre 1989, un tireur s’introduit dans une salle de cours de l’École polytechnique de Montréal, armé d’une arme semi-automatique. On connaît la suite. Deux jours plus tard, à l’émission «Ici comme ailleurs», diffusée à l’antenne radio de Radio-Canada, réalisée par Louise Carrière et animée par Michel Desautels, on invite Pierre Bourgault à commenter. «Je n’ai aucun commentaire : tout ce que je ressens, c’est de la peine. Avec ce qui s’est passé ces derniers jours, c’est encore cela que je ressens le mieux : c’est de la peine. Et je trouve que le Journal de Montréal de ce matin a fait un grand titre en première page qui résume bien ce que je ressens et probablement ce que beaucoup de gens ressentent : “Le Québec blessé”. On a l’impression d’une immense blessure qui mettra beaucoup de temps à se refermer.» Lire ici la transcription intégrale. Aussi, document audio sur le site des archives de Radio-Canada.
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Firefox : on approche du 40 %

Firefox, 5 dec. 2004Comme cette saisie d’écran du rapport statistique de fréquentation de ce blogue l’indique (en jaune), 37 % des personnes qui consultent ce blogue utilisent le fureteur Firefox. Autres statistiques : les versions 5 et 6 d’Internet Explorer totalisent 48 % des consultations, suivi de Safari avec 8 %. Soulignons qu’au 25 novembre dernier, la part de marché de Firefox sur ce site était de 21 %. Pour ce qui est des systèmes d’exploitation, 64 % des consultations se font sur des systèmes roulant sous Windows XP, 16 % sous Mac OS X, et 8 % sous Windows 2000. Sympatico.ca est le fournisseur de 19 % des personnes qui consultent ce site, Videotron.ca 17 %, et Wanadoo.fr 15 %.
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4.12.04

Blogues Microsoft, ou l’illusoire mécanisme de la censure

Le temps ne m’a pas permis cette semaine de mettre à l’essai la plate-forme de publication de blogues de Microsoft MSN Spaces. En toute franchise, j’ignore si j’aurais eu le goût de le faire, même si j’en avais eu le temps. Et beaucoup de temps. Si un type comme Duncan Riley du Blog Herald a mis 10 heures à concocter son propre essai en raison de lenteurs de serveur et de pépins divers, je ne pouvais espérer moi-même faire un meilleur chrono. À la décharge de Microsoft, disons que le service est en version bêta, mais dix heures, c’est long.

Beaucoup de commentaires, cependant, de la part de gens qui ont du temps à eux, sur les fonctionnalités de MSN Spaces. On critique l’uniformisation et le peu de choix dans les gabarits proposés (limités à 15 pour le moment), l’impossibilité de les modifier, leur «air de famille» qui les rend semblables aux autres sites MSN, l’obligation de déjà posséder un passeport .NET de Microsoft, etc.

Pour sa part, Xeni Jardin, co-éditrice du blogue techno Boing Boing, s’est penchée sur les titres de blogues censurés automatiquement par MSN Spaces. Il n’en faut pas plus pour relancer le débat sur la censure robotisée basée sur les mots-clés.

Lorsque vous décidez de créer un blogue sur MSN Spaces, vous devez choisir un titre, puis vérifier s’il n’est pas déjà retenu par quelqu’un d’autre; cette démarche se fait depuis le formulaire d’inscription et est gérée par un robot. Mais ce titre doit être conforme à la politique d’utilisation de MSN qui dispose des suivantes : «Vous ne pouvez utiliser les services de communication MSN pour publier, envoyer, diffuser ou distribuer des informations et documents diffamants, interdits voire obscènes ou tout autre document ou information à caractère illégal ayant trait, spécifiquement, et sans se limiter, à la pornographie infantile, aux mauvais traitements et à l'inceste, les drogues illicites, le piratage informatique et le harcèlement.»

Des lecteurs de Boing Boing avait signalé le refus par le robot censeur de Microsoft du titre «Corporate Whore» (Pute d’entreprise). Xeni Jardi s’est vue refuser le titre «Corporate Whore Chronicles» (Les Chroniques d’une pute d’entreprise), mais celui de «Corporate Prostitute Chronicles» (Les Chroniques d’une prostituée d’entreprise) a passé la rampe.

Jardin a essuyé d’autres refus. «Pornography and the Law» (La pornographie et la loi), qui pourrait bien être le blogue d’un juriste ou d’un chercheur, a été refusé. Aussi, le très littéraire «Lolita is a novel by Vladimir Nabokov» (Lolita est un roman de Vladimir Nabokov) ne plaît pas à Microsoft. Dans ces deux cas, on voit que le robot a réagi défavorablement aux mots pornographie et Lolita (nymphette en pornolang).

Mais comment expliquer qu’un titre comme «Smoking Crack: A How-To Guide For Teens» (Fumer du crack :Guide pratique à l’intention des ados) soit accepté?

C’est donc ce vieux débat sur la censure automatisée et les logiciels filtres qui refait surface, mais cette fois dans le contexte des blogues, et sous la férule de Microsoft.

Par ailleurs, autre point intéressant, en lisant les conditions d’utilisation des services Microsoft, qui incluent les blogues MSN Spaces, un article a retenu mon attention. «Pour les documents que vous publiez ou fournissez à Microsoft en rapport avec les Sites Web MSN (un “Envoi”), vous accordez à Microsoft l'autorisation (1) d’utiliser, copier, distribuer, transmettre, afficher publiquement, présenter publiquement, reproduire, éditer, modifier, traduire et reformater votre Envoi, dans le cadre des Sites Web MSN, et (2) de sous-concéder ces droits, dans toute la mesure permise par la réglementation applicable. Microsoft ne paiera pas pour votre Envoi. Microsoft peut supprimer votre Envoi à tout moment.»

En clair, votre blogue et son contenu sur MSN Spaces ne vous appartient pas, il appartient à Microsoft.

Bon, allons voir si je peux convaincre Blogger de publier ce billet (=_=).

Mise à jour : 7 décembre

Les réponses à certaines critiques sur le blogue de Michael Connolly, gestionnaire du groupe MSN Spaces.
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3.12.04

Hommage Boomerang à Patrick Pierra

Patrick PierreLe 1er décembre se déroulait la soirée annuelle des Prix Boomerang visant récompenser les meilleures créations en publicité, marketing et média Internet au Québec. À cette occasion, on a remis à Patrick Pierra, fondateur et président de Branchez-Vous!, un Prix Boomerang Hommage à titre de pionnier des médias Internet au Québec. Du bulletin par courrier électronique lancé en 1995, puis à l’aventure Web qui a vu par la suite le lancement de nombreux sites et services, B-V est devenu un incontrounable de l’Internet québécois, Et Patrick mérite largement l’hommage rendu.

Dans son allocution de circonstance, Patrick a remercié son associé, Jean Sanche, et les membres de son équipe, puis a eu ce bon mot : «Mais ce n'est pas seulement une réussite d'équipe, c'est une réussite d'industrie. Quand j'ai lancé Branchez-Vous!, sur mon petit Powerbook d'Apple, avec un modem 28,8 et une adresse de courriel du service eWorld, je ne savais pas qu'il existait déjà, depuis quelques mois, les Chroniques de Cybérie, le bulletin de Jean-Pierre Cloutier. Si je l'avais su, j'aurais sans doute pensé que la place était déjà prise.»

Cette dernière phrase m’a rappelé de bons souvenirs, tant de l’époque que de l’homme. Je me souviens d’un salon spécialisé, fin des années quatre-vingt-dix, où Patrick et moi étions en conversation. Quelqu’un s’est approché et nous a dit, sourire en coin, «Tiens, deux concurrents qui se parlent!». Nous nous sommes tous les deux esclaffés de rire, ne nous étant jamais perçus comme tels.

Malgré quelques approches initiées mutuellement, nous n’avons jamais travaillé ensemble; c’est une question de circonstances ou de disponibilité, et non de volonté. Il y avait, et nous l’avons toujours compris, de la «place» pour tout le monde, et nous avons toujours respecté nos orientations respectives.

Félicitations Patrick, cet hommage qu’on t’a rendu est bien mérité.
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2.12.04

Pourriel : Militants ou miliciens?

Une des nouvelles du Web cette semaine est certainement l’offensive anti-pourriel lancée par la société Lycos il y a quelques jours. Baptisée «Diffusez l'amour, arrêtez le spam» (Make Love Not Spam), la campagne est basée sur le téléchargement d’un écran de veille (screensaver) qui, lorsque l’ordinateur est inactif mais toujours branché au réseau, bombarde de requêtes des sites Web de polluposteurs connus. Les adresses de ces sites figurent sur des «listes noires» compilées par des sociétés spécialisées.

Ce très haut volume de requêtes (plus de 100 000 exemplaires de l’écran de veille auraient été téléchargés, chacun d’une capacité de saturation de 3,4 Mo par jour) a pour but d’augmenter la facture de bande passante des polluposteurs. Voir les détails chez Pourriel.ca et Branchez-vous.

Retombées immédiates : selon la société de surveillance des rendements en ligne Netcraft, deux sites de polluposteurs hébergés sur des serveurs chinois auraient croulé sous le volume de demandes d’accès, et plusieurs autres sites auraient été affectés. L’Empire du pourriel contre-attaque? Le site de Lycos permettant le téléchargement de l’écran de veille semble inaccessible depuis des heures. Les rumeurs courent à l’effet qu’il aurait été victime de h@cking, d’autres sources penchent pour l’hypothèse d’une riposte des polluposteurs qui auraient monté une attaque par saturation (DOS ou DDOS) contre le site de Lycos.

On verra certainement plus clair dans cette affaire d’ici quelques jours. Entre temps, examinons quelques questions inhérentes à cette affaire.

Le pourriel nous exaspère tous, coûte une fortune aux fournisseurs de services Internet (et donc à nous, les abonnés) et aux entreprises qui disposent d’infrastructures internes importantes. Il a fait l’objet de lois adoptées aux États-Unis et en Europe, mais la nature fluide et transfrontalière d’Internet permet la plupart du temps aux polluposteurs d’esquiver les poursuites.

La question qui se pose ici est de savoir si Lycos était en droit de proposer son écran de veille pour saturer les serveurs de polluposteurs connus.

Dans Les Échos du Net, on est critique : Lycos se prend pour le Don Quichotte Antispam : «Lorsque l’écran de veille se met en route, il envoie des attaques DDOS, méthode parfaitement illégale, aux serveurs de pourriels, de sorte que les sites sont ralentis, voire paralysés. [...] Le principe des requêtes lancés sur les sites de spam est de les surcharger afin de les ralentir. Si 10 millions d'ordinateurs sont actifs, cela pourrait générer près de 33 To de données transférée, cela aura non seulement un impact certain sur les serveurs visés, mais cela aurait aussi pour effet de ralentir le réseau internet...[...] nous avons décidé de ne pas fournir l'url du site de téléchargement, car nous désaprouvons ces méthodes qui, rappelons le, sont totalement illégales.»

ZATAZ, site consacré au h@cking et à la sécurité, commente sur la possibilité de contre-attaque et fait lui aussi un rappel à l’ordre : «Seulement avant de vouloir se la jouer Zorro, Lycos a juste oublié de protéger son site web qui a été fermé ce mercredi. Un pirate, ou un hacktiviste, à vous de choisir [...] À noter que cette barre anti spams est litigieuse côté législation. On vous déconseille son utilisation.»

Même son de cloche chez Présence PC qui, bien qu’il qualifie l’initiative de Lycos d’«originale», estime aussi qu’il «faut savoir que la démarche de Lycos, même si elle semble plutôt noble au premier abord est tout à fait illégale, en effet, elle consiste en une attaque de type DDos (Distributed Denial Of Service).»

Pour sa part, PC Inpact se montre plutôt d’accord avec la stratégie : «Lycos se lance dans la lutte contre le Spam, mais là où les autres cherchent à s'en protéger, Lycos a pris le parti de la maxime "La meilleure défense, c'est l'attaque".» Puis dans une dépêche subséquente, «Méthode directe, efficace et peu scrupuleuse, mais ô combien jouissive pour certains: sous le nombre de requêtes, les serveurs (spam) explosent et les sites passent hors ligne.»

La démarche de Lycos est également critiquée par Graham Cluley, conseiller principal au cabinet de sécurité informatique Sophos. Cité par la BBC, il a déclaré : «Si vous parvenez à inonder les polluposteurs, vous vous exposez à des contre-attaques. L’installation de cet écran de veille au bureau pourrait ralentir la connection Internet de toute l’entreprise. Et puis, qu’est-ce qui permet d’éviter qu’une erreur se produise et qu’un site qui n’a rien à voir avec le pourriel se retrouve sur la liste des sites ciblés?»

Beau débat de fin d’année en perspective.

Mise à jour, 3 décembre, 10h00.

Saty tuned...

Accès toujours intermittent au site de Make love not spam de Lycos, mais on nous demande de rester syntonisé, sans plus d’explication.
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Le Monde blogue

Via Cyril qui le tenait de Loïc, on apprend que le quotidien français Le Monde a rassemblé les références à ses blogues sur une seule page, ce qui est une excellente idée.

Mais la grosse nouvelle est que le journal a ouvert son service de blogues aux abonnés à la version Web du journal (6 euros/mois). Voila qui lance un nouvel élément dans le débat, soit une importante entreprise de presse qui met à la disposition de ses abonnés un service de publication et d’hébergement de blogues. Une expérience à surveiller.
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1.12.04

Microsoft flaire les blogues

Selon Mary Jo Foley du netmag Microsoft Watch, la division MSN de Microsoft s’apprête à dévoiler son service d’édition et d’hébergement de blogues, MSN Spaces. Le service est en période de rodage depuis août dernier au Japon. Autre annonce à surveiller chez Microsoft, la mise en service sous peu d’un moteur de recherche spécifique pour les blogues, MSN Blogbot.

Évidemment, c’est Google qui est dans la mire de Microsoft avec ces nouveaux services. On sait que Google s’est portée acquéreure de la plate-forme Blogger (Pyra Labs) et que le moteur de recherche le plus utilisé indexe le contenu des blogues, bien qu’il ne soit pas destiné uniquement aux blogues contrairement à Feedster, Daypop ou Technorati.

Pour se constituer une clientèle, Microsoft miserait sur la possibilité de bloguer depuis la prochaine version de MSN Messenger (version 7, attendue au début de 2005), et d’échanger plus facilement des albums photo et des listes de pièces musicales.

Mise à jour, 2 décembre : c’est ouvert, en version bêta (avec ce que cela comporte) et en français, et certains y sont déjà, comme Bruno, Benou, Simara.
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