31.3.04

Les gagne-petit enrichissent les gros

La BBC nous apprenait dimanche dernier que selon une étude la Banque interaméricaine de développement (BID), les travailleurs latino-américains expatriés envoient annuellement à leurs familles et leurs proches dans leurs pays d’origine 38 milliards de dollars. Ces envois d’argent viennent principalement des États-Unis (31 milliards) et du Japon (3 milliards).

Les principaux bénéficiaires sont le Mexique (13,2 milliards) et le Brésil (5,2 milliards). La BID estime que le chiffre de 38 milliards est probablement une sous-estimation des sommes réelles, certains experts parlent de 150 milliards. Néanmoins, la somme de 38 milliards dépasse celle des investissements directs et de l’aide publique au développement dans les pays récipiendaires. La difficulté d’établir des données précises repose sur le recours par un grand nombre de travailleurs à des réseaux de transfert informels pour réaliser des économies.

La BID observe toutefois que sur des transferts de 38 milliards, six milliards (22,8 %) ont été versés à titre de frais de transfert à des institutions financières et des banques. Le chiffre se passe de commentaire.

Par ailleurs, l’analyste des affaires latino-américaines du Miami Herald, Andres Oppenheimer, traite de la question de ces transferts sous un autre angle : la récupération politique.

Au Salvador se tenaient des élections il y a une dizaine de jours. On prévoyait une chaude lutte entre la gauche (Front national de Libération Farabundo Marti) représentée par Shafick Handal et la droite (ARENA, souvenez-vous de Roberto d’Aubuisson) avec à sa tête Tony Saca. Quelques jours avant le vote, l’ARENA a lancé une campagne publicitaire télévisée dont l’essentiel du message était : l’élection d’un gouvernement de gauche nuira aux relations du Salvador avec les États-Unis; les travailleurs salvadoriens seront expulsés; il n’y aura donc plus de transferts d’argent vers le Salvador. On parle ici d’une somme annuelle de 2,2 milliards. Le résultat est probant, le coude à coude entre les deux partis s’est transformé en une victoire de l’ARENA qui a recueilli 58 % des voix exprimées.

Résumons-nous. Des millions de travailleurs immigrants, souvent sans papiers, triment dur dans des économies prospères en occupant des emplois dont personne ne veut. De leurs maigres salaires, ils parviennent à envoyer à leurs familles et proches dans leurs pays d’origine au moins 38 milliards de dollars par année. Nos banques prélèvent en frais de services 22,8 % de cet argent durement gagné. En Amérique latine ce phénomène des transferts sert de levier politique à des partis de droite dont les programmes ne contiennent aucune mesure sociale et qui prônent l’ultra-libéralisme.

Et ensuite, on se demande pourquoi...

Ajout, 12h45.

Sur le thème des transferts au Salvador, le vénézuélien Henry Nava, directeur national du syndicat national des travailleurs, et observateur lors des élections au Salvador. «But the principal terror is based on the theme of remittances and repatriation for Salvadorians. Remittances are the money that Salvadorians who live outside send to their families and, to explain, this small country maintains itself with these remittances because neo-liberalism has failed so much that it hasn't even been able to develop an economic system in which the country can sustain itself with its own income. Then imagine a campaign for more than two months, everyday, “if the FMLN win the elections you won't have access to your remittance, vote for a secure country”.»

Et toujours de la BBC, mais cette fois sur l’importance des transferts pour le Mexique : «Remittances from Mexicans in the US have become one of Mexico's most important sources of income, second only to oil and surpassing the traditional tourism industry. According to Roberto Suro, director of the Pew Hispanic Center in Washington "remittances have probably benefited Mexico more than Nafta" (the North American Free Trade Agreement between Canada, the US and Mexico).»
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29.3.04

...et ça recommence à Radio-Canada!

Communiqué en date de ce matin, émis par le Syndicat des communications de Radio-Canada : «Ce matin, deux ans presque jour pour jour après un lock-out de neuf semaines à la SRC, un avion encercle la Maison de Radio-Canada en tirant une banderole portant la mention : “Radio-Canada : discrimination contre le Québec”. [...] La convention collective des 1400 membres du Syndicat des communications de Radio-Canada (FNC-CSN), représentant les employés en ondes et les employés de production de la société d’État au Québec et à Moncton, a pris fin le dimanche 28 mars. Les négociations avec les porte-parole du syndicat et de l’employeur ont commencé au début janvier et se poursuivent cette semaine, avec la présence d'un conciliateur.»

Et en plus, on annonce un nouveau blogue sur http://avectoutesnosforces.typepad.com.
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28.3.04

L’universitaire, le marchand et le pirate

L’universitaire, c’est Lawrence Lessig, professeur de droit à l’Université Stanford, et fondateur du Center for Internet and Society. Le marchand, dans ce cas-ci, c’est celui qui détient les droits sur un produit commercialisable de création. Le pirate, c’est vous et moi qui pouvons nous accaparer de ce produit et du fait même lui nier ses droits. Cette dernière prémisse est, du moins, l’attitude qu’adopte l’industrie de la musique un peu partout, le Québec n’y faisant pas exception.

ImaEn octobre dernier, l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) s’engageait à prendre des «mesures concrètes» pour contrer la gratuité «face au phénomène de l’appropriation sans droit de la musique (téléchargement illégal sur Internet)», entre autres, «à faire tout en son pouvoir pour que les fournisseurs d’accès Internet contribuent financièrement à la création de contenu canadien, contenu dont ils facilitent grandement l’accès.» Déjà, il y a problème avec cette formule. Si on force les fournisseurs d’accès à contribuer financièrement à la création, ils refileront les coûts à leurs clients, que ces derniers téléchargent ou non des fichiers musicaux. Dans son communiqué sur les statistiques sur le piratage de musique, et s’appuyant sur les données de l’étude NETendances 2003, l’ADISQ affirmait qu’au Québec en 2003, «près d’un million d’adultes ont écouté ou téléchargé de la musique en ligne soit 17 % des adultes québécois. En mars 2003, cette proportion a atteint un sommet de 20 %. De plus, chez les adolescents québécois (12-17 ans) cette proportion a atteint 70 % en 2003.» C’est donc dire qu’on pénaliserait 80 % des utilisateurs adultes, et 30 % des ados, avec une hausse de tarifs. Et sans compter l’ensemble des 40 % de branchés québécois qui ne disposent pas d’une connexion à haut débit, le poids des fichiers musicaux faisant obstacle à l’échange.

Le marchand est plus pragmatique. Une des doléances du public est que l’on doive parfois acheter un album complet, même si ce n’est qu’une ou deux chansons qui nous intéressent. Archambault a compris et offre maintenant, à la carte, les pièces individuelles à un dollar. Cette formule est d’ailleurs retenue par un nombre croissant de disquaires «zéro surface», Wal-Mart s’étant joint à iTunes (Apple), Virgin et autres, et une féroce concurrence s’annonce.

Lawrence LessigL’universitaire, pour sa part, aimerait qu’on prenne le temps de réfléchir à toute la question des oeuvres dites culturelles. Lawrence Lessig vient de publier un livre, Free Culture, dans lequel il soumet une donnée révélatrice sur l’attitude de la Recording Industry Association of America (RIAA) qui mène aux États-Unis la lutte contre le piratage de la musique. «Tenons pour acquis que la RIAA a raison, et que la cause de la diminution de la vente des disques compacts est attribuable à l’échange de fichiers sur Internet. Mais voilà où le bât blesse : au cours de la même période durant laquelle la RIAA estime qu’il s’est vendu 830 millions de CD, elle évalue que 2,1 milliards de CD ont été téléchargés gratuitement; bien qu’il y ait eu 2,6 fois le nombre de CD échangés que vendus, les revenus n’ont diminué que de 6,7 %. Il y a trop de facteurs qui jouent simultanément pour expliquer de manière formelle ces données, mais on ne peut échapper à une conclusion. L’industrie de la musique ne cesse de répéter qu’il n’y a pas de différence entre télécharger et voler un CD, mais ses propres données la contredisent. Si je vole un CD, il y a un CD de moins à vendre. Chaque CD volé est une vente perdue. Mais sur la base des données fournies par la RIAA, il est clair qu’il n’en va pas de même pour les téléchargements. Si chaque téléchargement équivalait à un vol [...] l’industrie aurait connu une baisse de ses ventes de 100 % l’an dernier, et non de 6,7 %. Si un ratio de 2,6 téléchargements pour chaque vente implique une baisse de 6,7 % des revenus de vente, il y a donc une différence énorme entre télécharger et voler un CD. Ce sont là, peut-être quelque peu exgérés, les torts qu’on impute au téléchargement, mais tenons-les pour vrais. Quels sont les avantages? L’échange de fichiers peut imposer des coûts à l’industrie de la musique. Mais quelle valeur vient équilibrer ces coûts?» (Op.cit. P.71)

Lessig nous invite à réfléchir non seulement aux statistiques, mais à l’essence même de la culture, à ses «produits», à l’utilisation que nous en faisons. Et tout comme son titre l’indique le livre est téléchargeable gratuitement en format PDF.
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27.3.04

Photo numérique et courbe d’apprentissage

dscn7551.jpgSelon la marque, les appareils-photo numériques enregistrent les images en ajoutant à un numéro séquentiel un préfixe; DSCN pour Nikon, DSCF pour certains modèle Fuji, IMGP pour la Pentax Optio, DC pour certains modèles Kodak et Minolta, etc. Par exemple, cette photo du chanteur sénégalais Zale Seck, prise au festival Mémoire et Racines le 27 juillet 2003, porte dans mes archives le nom de fichier dscn7551.jpg. Or, il est étonnant de constater que si certaines personnes diffusent des images sur le Web sans renommer leurs fichiers, cette pratique ouvre la porte à une observation intéressante.

Par exemple, ceci vaut pour Nikon (DSCN), une recherche dans Google Images sur l’expression dscn0001.jpg donne un peu plus de 4 000 résultats. À moins que les paramètres de l’appareil n’aient été rétablis à leurs valeurs implicites, il s’agirait là de la première photo prise avec l’appareil. Panorama éclectique de sujets s’il en est un, et on constate que les utilisateurs n’ont pas encore négocié la courbe d’apprentissage de l’appareil.

À la 250e photo (dscn0250.jpg), l’éventail de sujets est toujours aussi vaste, on le comprendra, mais la technique de prise de vue s’améliore un peu. Les premières applications techniques apparaissent. Quand on franchit le cap de la 500e photo (dscn0500.jpg), on note déjà dans bien des cas (un peu plus de 900 résultats au total) une amélioration marquée.

Pour la millième image, un peu plus de 600 résultats, peu de changements, tout comme pour la deux millième (350 résultats).

Bref, sans prétention scientifique, et basée sur ces critères d’appréciation totalement subjectifs, cette petite enquête permet de supposer qu’en général, la maîtrise des appareils photos arrive vers la 500e image, et qu’ensuite la plupart des utilisateurs plafonnent dans leur apprentissage.

Le numéroteur de prises de vues de la Nikon est fixé à 9999, après quoi il se remet à 0. Y a-t-il des utilisateurs qui se rendent au chiffre mythique de 9999? Oui, 69 résultats dans Google Images pour dscn9999.jpg, mais aucun rapport qualité/nombre discernable.
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Moteur de recherche pour blogues, Microsoft devancera Google

Michael Bazeley du Mercury News nous apprend que Microsoft offrira d’ici juin un moteur de recherche qui, contrairement à Google, n’indexera que les blogues.

Le lancement de ce service, provisoirement nommé Blogbot (voir plus pas), se fera simultanément à ceux des services Newsbot qui permettront des recherches sur les sites d’actualité et qui roulent déjà en versions beta française et britannique. Et encore, contrairement à Google News, les Newsbot de Microsoft élimineront les doublons dans les résultats de recherche. Heureuse initiative, car à quoi servent des dizaines de références, identiques en contenu, à une même dépêche.

Bazeley cite Karen Redetzki, gestionnaire de produit chez Microsoft, qui dit que le moteur n’indexera pas tous les blogues, mais bien ceux sélectionnés par Microsoft sur une base de crédibilité et de popularité.

Quant au nom retenu, Microsoft ne fait pas preuve d’originalité : il existe déjà depuis 2001 un projet blogbot de journal de liens puisés sur les canaux IRC et publiés sur le Web, un blogue (inactif) au nom de domaine blogbot.com enregistré en août 2003, et un domaine blogbot.net enregistré par une entreprise britannique en juin 2003. Évidemment, rien d’incontournable pour la société de Redmond.

Reste à voir comment Microsoft se positionnera dans le marché de la recherche dans les blogues où sont déjà présents Daypop, Popdex, Technorati, le module de recherche de Blogdex du MIT, sans compter les nombreux répertoires dont celui de Yahoo! en anglais. Quant à une éventuelle riposte de Google, rien ne filtre de la société qui s’est pourtant portée acquéreure de l’outil Blogger il y a quelques mois.

D’autres questions se posent, notamment sur l’indexation des blogues en français, sur la sélection des blogues que Microsoft choisira d’indexer, et sur ces critères de «crédibilité» et de «popularité» qu’évoque la porte-parole de Microsoft.
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26.3.04

«Le journalisme n’appartient à personne»

C’est sous ce thème que Jay Rosen, professeur de journalisme à l’Université de New York , essayiste et critique médias, place sa prochaine intervention à l’occasion de la conférence BloggerCon qui se tiendra sur le campus de la faculté de droit de l’Université Harvard le 17 avril prochain. La conférence porte sur les blogues en journalisme, éducation, science, politique et affaires.

Plus formellement, son intervention (toujours en cours d’élaboration) porte le titre de «What is Journalism? And What Can Weblogs Do About it?», ou librement traduit, «De l’essence du journalisme et de l’effet possible des blogues». Rosen campe son sujet : il parle de l’exercice de la fonction journalistique, et non de la profession (ou du métier, diraient certains). Il distingue aussi journalisme et médias : on sait à qui appartiennent les médias; le journalisme n’appartient à personne.

Il rejette l’idée que l’avènement des blogues constitue une révolution, estime que l’expression «blogosphère» est inélégante, mais reconnaît que les blogues sont un élément nouveau et important avec lequel le journalisme, et ceux et celles qui le pratiquent, doivent composer.

Vingt questions et un lien... lors de ma plus récente consultation de la page de son «plan de martch» pour la conférence, Rosen exprimait le souhait de dresser une liste de vingt questions à soumettre à la réflexion collective. Importance relative (et relativisée) des blogues par rapport au journalisme traditionnel. Potentiel des blogues pour le journalisme. Nouvelles avenues ouvertes par la puissance et le caractère distinct (interactivité?) de la technologie. Comment interpréter l’indépendance revendiquée par les blogueurs si l’essentiel de l’activité consiste à copier/coller les grands médias et à se citer l’un l’autre? Il n’en avait que dix, et invitait les lecteurs à compléter la liste.

Et le lien? Une lecture suggérée, celle d’un texte de James W. Carey, ex-professeur de journalisme à l’Université Columbia, The Struggle Against Forgetting, ou librement «La lutte contre l’oubli». Carey a livré ce texte, en 1955, lors de la cérémonie d’admission des nouveaux inscrits au programme de journalisme de l’Université Columbia. Il leur rappelait que le roman de John Steinbeck «Les raisins de la colère», qui valut à son auteur le Prix Pulitzer, était né d’une série d’articles qu’il avait écrits pour le magazine Time à l’époque de la grande dépression des années trente. S’inspirant de Kundera qui écrivait dans «Le livre du rire et de l’oubli» que la lutte de l’Homme contre le pouvoir est celle de la mémoire contre l’oubli, Carey disait que «Le journalisme est né en réaction à une autorité illégitime au nom d’un pacte social plus large, de la formation d’un espace de vie publique, et d’une véritable opinion publique.»

Menu costaud, donc, le 17 avril au BloggerCon pour la séance animée par Jay Rosen. Personnellement, je formulerais ma question ainsi : Comment les blogues, qui s’inspirent du journalisme, peuvent-ils contribuer à façonner l’opinion publique, créer un espace d’échange de l’opinion citoyenne et, dans un médium où règne l’éphémère, à lutter contre l’oubli?
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25.3.04

Le blogue de Noam Chomsky attaqué

Noam ChomskyLe blogue du philosophe, penseur et linguiste Noam Chomsky, Turning the Tide, fait l’objet d’attaques virulentes depuis qu’il a été lancé il y a à peine plus de 24 heures. Par exemple, lors de notre plus récent passage sur le blogue, un court billet sur l’inéquité des mesures d’ajustement structurel qu’impose le Fonds monétaire international (FMI) aux économies en développement a attiré plus de 250 commentaires, pour la plupart hargneux. L’un d’eux accuse même Chomsky d’avoir supprimé un certain nombre de commentaires, et ajoute «pas étonnant, la censure est un de tes fétiches». À forte saveur anti-sémite, certains intervenants menacent d’inonder l’espace commentaires du site avec le texte intégral du Coran.

On ne pourrait qualifier Noam Chomsky de blogueur; l’idée du blogue est venue du groupe de publications alternatives ZNet qui lui a proposé de publier certains de ses billets ainsi que des contributions à ses espaces de forum. On peut présumer que c’est l’équipe de ZNet qui a décidé d’élaguer un peu la section commentaire, et non Chomsky lui-même.

Pour sa part, Infoshop News invite ses lecteurs a répliquer aux «casseurs» de droite, et/ou à manifester leur soutien aux éditeurs du blogue, soit ZNet.

Prélude à un affrontement dans la blogoshpère?
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24.3.04

Le blogue comme outil de justice?

Danah BoydUn événement qui, pour certaines raisons personnelles, a retenu mon attention. La semaine dernière, Danah Boyd se fait dérober ses cartes de crédit, ses papiers d’identité et son téléphone cellulaire alors qu’elle était à une soirée entre «amis». Six inconnus se présentent, disent avoir été invités, personne n’en fait grand cas, ils prennent un verre et repartent. Très... Californie. Par contre, Boyd constate qu’on lui a pris des choses dans son sac à main laissé à la salle de bain. Il y a un témoin qui confirme avoir vu, etc.

Elle relate l’incident sur son blogue; ses cartes de crédit ont été utilisées, on s’est servi de son cellulaire pour avoir accès au Web, l’affaire dépasse le délit mineur, on parle de vol d’identité. Puis une des personnes qui étaient présentes à la soirée lui fait parvenir une photo qu’elle a prise d’un des six inconnus. Boyd s’empresse de la diffuser sur son blogue, espérant que quelqu’un reconnaisse le «suspect».

Boyd est étudiante à l’université de Californie à Berkeley, et poursuit un doctorat sur les thèmes de l’articulation des réseaux sociaux, de l’identité numérique, de la négociation des rapports contextuels. Elle relate la démarche de parler de l’incident et de publier la photo, et se pose des questions importantes : «Peut-on avoir recours au réseau/blogosphère pour demander justice à titre personnel? Et si je peux demander justice pour moi, pourrais-je le faire pour d’autres aux prises avec le même problème? Les citoyens peuvent-ils avoir le dessus sur les voleurs? C’est désarmant de se voir voler son identité. C’est déprimant d’attendre de voir si les policiers estimeront important de poursuivre l’affaire. J’ignore si faire connaître ce qui s’est passé résoudra quoi que ce soit, mais j’en tire satisfaction d’essayer. Et je me pose des questions à savoir quel est le pouvoir de l’InterWeb.»

Histoire à suivre, si ce n’est que pour le cheminement de la réflexion.
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22.3.04

Right Politics and the Decay of Canada

VLC Robin Mathews- Right Politics and the Decay of Canada

"Right Politics is happening in Canada, in B.C. Relentless 'disinformation' is undertaken by Right monopoly media saying that neo-liberalism, privatization, and globalization (the same things) are all necessary and correct and the way to assure a happy future. All are lies. (...) The case of Haiti would be comic if it wasn’t so heart-wrenching. The U.S. became dissatisfied with Jean Bertrand Aristide’s progressivism (more schools operating than ever before in Haitian history, etc.). And so the U.S. kidnapped Aristide, took him to Africa where he insisted he was kidnapped. He continues to say that though he is back in the West Indies in 'sanctuary'. Meanwhile France, the U.S., and Canada are shipping troops to Haiti to ‘pacify’ the people. For the most part, the Canadian press and media report the U.S. overthrow of the elected leader of Haiti as a fine “democratic” move. In Haiti, once again, the people, unable to employ democratic means of dissent, are being taught to employ the only instrument of resistance left to them: violence."
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Un militantisme à repenser?

22 mars 2003Samedi dernier, le Collectif échec à la guerre invitait à manifester pour la fin de l’occupation de l’Irak. À Montréal, comme dans la pulpart des villes du monde où des manifestations semblables se tenaient, la participation a été très faible à comparer aux grands rassemblements de l’an dernier. Doit-on y voir un désabusement de la part de ceux et celles qui avaient manifesté en si grand nombre l’an dernier? Y a-t-il perception d’échec? Est-il encore possible de faire sortir la population dans la rue, et si oui pour quelle cause? On ne saurait qualifier trop vite d’échec l’expression de l’opposition à la guerre annoncée de 2003. Certains diront que si l’invasion n’a pas été évitée, l’opposition aura influencé la manière avec laquelle elle s’est déroulée et, pour le Canada, les apparentes distances prises à l’égard de Washington. Insistons ici sur le fait de l’«apparence» de ces distances. Le 25 mars 2003, l’ambassadeur étasunien à Ottawa, Paul Cellucci, disait devant le Economic Club de Toronto que le Canada soutenait davantage, mais indirectement, l’invasion en Irak que la plupart des 46 pays ayant manifesté ouvertement leur appui aux États-Unis. (Voir Canada’s “Secret” Contribution to the War in Iraq de Richard Sanders).

Aux États-Unis, le militantisme anti-guerre aussi se trouve en plein questionnement. La fin de semaine dernière, Mark Engler dans son article The Momentum of the Movement posait les deux questions essentielles : «Qu’avons-nous accompli, et quelle sont les prochaines étapes?» S’il est vrai qu’en février 2003, le New York Times qualifiait l’opinion publique de «deuxième superpuissance mondiale», cette opinion n’aura pas fait le poids devant les va-t-en guerre de la Maison Blanche. Mais, comme le souligne Engler, les manifestations publiques d’opposition auront façonné de manière sensible la perception des enjeux. Distinguons aussi, aux États-Unis, l’opposition à la guerre qui se confond à l’opposition à George W. Bush, même si on se demande si la situation serait bien différente avec John Kerry à la Maison blanche.

Revenons au Québec et reposons la question : Est-il encore possible de faire sortir la population dans la rue, et si oui pour quelle cause? La construction de la centrale du Suroît a mobilisé quelques milliers de personnes, le gouvernement a reculé temporairement, mais y a-t-il cause à effet pour autant? Le renversement de Jean-Bertrand Aristide en Haïti, orchestré par Paris et Washington et avalisé par Ottawa, n’a eu aucune répercussion marquante dans les rues. Certes, il y a bien la quelque dizaines de manifestants pro-Palestine, chaque vendredi, pour une vigile silencieuse devant le consulat israélien, mais c’est peu si on considère l’énormité de la situation.

Je me souviens d’un graffiti vu il y a plusieurs années sur une rue attenante à Saint-Laurent. «If voting could change anything, it would be illegal». Serait-ce l’état d’esprit qui s’est emparé du public à l’égard des manifestations, et qui force les organisations militantes à repenser leur action?
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20.3.04

Étude sur les blogues

Un des sites les plus populaires de la blogosphère ces jours-ci, au palmarès Blogdex, est celui des résultats d’une étude sur les blogues réalisée par Fernanda Bertini Viégas du Sociable Media Group du M.I.T.pointeurDe phénomène marginal à tendance forte, il n’aura fallu que quelques années aux blogues pour s’inscrire de manière distinctive dans l’espace Internet. Mais comment la liberté d’expression et les impératifs juridiques propres à ce moyen de diffusion sont-ils perçus par les blogueurs? C’est ce qu’a cherché à savoir Fernanda Viégas. Pour ce faire elle a recueilli en ligne, du 14 au 21 janvier 2004, les réponses à un questionnaire de 480 blogueurs et blogueuses (326 des États-Unis, 148 de l’extérieur des E.-U., et 12 dont l’origine n’est pas précisée).

D’abord, la grande majorité des blogueurs s’identifient soit nommément (55 %) ou plus discrètement par un prénom, un surnom ou autre signe distinctif qui leur est propre (20 %). Mais 36 % disent avoir eu des ennuis liés à quelque chose qu’ils avaient publié, 34 % connaissent un blogueur qui a eu pour cette raison des problèmes avec des parents ou des proches, et 12 % qui ont eu des ennuis juridiques ou professionnels pour les mêmes motifs.

Les deux tiers des répondants disent ne jamais demander à des personnes qu’ils connaissent la permission de les mentionner dans leurs écrits; 9 % affirment ne jamais parler dans leurs blogues de personnes qu’ils connaissent.

Les blogues ont toutefois évolué vers une forme très personnelle d’écriture; 83 % des répondants les qualifient ainsi, alors que 20 % les décrivent comme étant principalement composés de liens vers d’autres sites (le total supérieur à 100 % tient compte des réponses multiples à cette question).

Conclusion de Viégas : «Les blogueurs qui mont participé à cette étude ne s’inquiètent pas de la nature quasi permanente de leurs écrits, un aspect important de la responsabilité, pas plus qu’ils ne croient pouvoir faire l’objet de poursuites à cause de ce qu’ils écrivent. Par contre, 75 % des répondants disent avoir dans le passé modifié certains de leurs textes. La plupart expliquent qu’il s’agissait de fautes de frappe ou d’erreurs grammaticales, mais 35 % d’entre eux ont dit avoir changé le contenu, estimant leurs propos trop personnels ou mesquins, ou pour retirer les références à de personnes qu’elle nommaient. Ces résultats ne sont pas sans révéler une certaine naïveté des blogueurs quant au caractère durable de ce qu’ils écrivent, et au fonctionnement de l’espace réseau où l’information est constamment mise en mémoire.»

Viégas fait évidemment référence ici aux moteurs de recherche qui conservent en mémoire la plupart des pages Web indexées. Par exemple, extrait des Fonctionnalités de Google : «Lorsque Google explore le Web, il crée une copie de chaque page examinée et la stocke dans une mémoire cache, ce qui permet de consulter cette copie à tout moment, et en particulier dans le cas où la page originale (ou Internet) serait inaccessible. Lorsque vous cliquez sur le lien “Copie cachée” d’une page Web, Google affiche celle-ci dans l’état où elle se trouvait lors de son indexation la plus récente.»

Pour Viégas, l’accroissement du nombre de blogues et de leur auditoire, conjugués à la nature persistente de l’information diffusée établissant un lien de responsabilité juridique, pourrait éventuellement porter à controverse.
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Pause de l’actualité haïtienne pour jeter un coup d’oeil ailleurs.

pause/breakLancement cette semaine du site Web référence The State of the News Media 2004 qui dresse un bilan de l’état des médias aux États-Unis. Cette étude est publiée par le Project for Excellence in Journalism, un institut affilié au Graduate School of Journalism de l’Université Columbia University, avec l’aide financière du Pew Charitable Trusts.

S’il y a une tendance forte constatée, c’est la diminution du degré de confiance de la part du public envers les médias depuis quelques années. Les chercheurs établissent qu’en 1985, 72 % des répondants à des sondages estimaient que les organismes de presse étaient hautement professionnels; en 2002, ils ne sont plus que 49 % à le croire. Le pourcentage de ceux qui croient que les médias manquent de transparence et essaient de camouffler leurs erreurs est passé de 13 à 67 %. Quant à la perception de parti-pris politique, elle est passée de 45 % à 59 %.

Les grands médias se disputent un marché au mieux statique, certains affirment qu’il est en diminution constate, et subissent une concurrence des médias en ligne, de ceux qui desservent les collectivités ethniques, et enfin de ceux que l’on dit «alternatifs».

Cette concurrence, qui fait baisser l'auditoire et donc les recettes publicitaires, a pour effet de forcer les grands médias à imposer aux salles de rédaction des coupures budgétaires qui se reflètent sur la qualité de l’information. S’il y a de nouveaux investissements, ils vont davantage dans les moyens de diffusion que dans la collecte et l’analyse de l’information. À cet égard, la collecte de l’information semble cependant s’en tirer mieux, surtout avec les chaînes d’information continue, mais au détriment de la qualité et de la mise en contexte.

Bref, les médias font face à des difficultés économiques; la réaction instinctive a été de sabrer dans les coûts de production; le public n’apprécie pas cette «information à rabais» et continue de s’éloigner des grands médias, ce qui ne fera qu’excerber les baisses de revenus. Cercle vicieux s’il en est un.
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Agence Haïtienne de Presse, 19 mars 2004

"Port-au-Prince, 19 mars 2004 -(AHP) - Le Comité des Avocats pour le Respect des Libertés Individuelles (CARLI), s'est déclaré vendredi profondément préoccupé par l'impunité dont juissent certains auteurs d'exactions contre la population pendant la période du coup d'État militaire de 1991. Selon le CARLI, ces individus dont Louis Jodel Chamblain et Jean Pierre alias Jean Tatoune représentent une véritable menace pour la société haïtienne. Ces deux hommes avaient été d'un grand support pour l'opposition dans sa lutte pour le renversement du président Aristide. Le secrétaire général du CARLI, Renand Hédouville, a fait savoir qu'en matière de droits humains, les crimes de droits communs ne peuvent pas être prescrits. Les auteurs des massacres perpétrés durant le coup d'état de 1991 qui courent les rues en toute impunité doivent être poursuivis conformément à la loi, a déclaré Renand Hédouville."

"Port-au-Prince, 19 mars 2004 -(AHP) - La Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR), a exigé vendredi l'arrestation et l'emprisonnement sans autres formes de procès du numéro deux du FRAPH Louis Jodel Chamblain et de Jean Pierre alias Jean Tatoune, tous deux condamnés, a-t-elle dit, à perpétuité pour avoir participé dans des massacres contre le peuple haïtien. Cet appel de la NCHR intervient environ 22 jours après que ces deux repris de justice eurent été accusés d'avoir participé dans l'assassinat de plusieurs policiers et de civils dans le cadre du mouvement armé qui visait le renversement du président Aristide. (...) Le responsable de la NCHR a annoncé pour bientôt l'ouverture d'une enquête sur le cas de militants Lavalas qui auraient été tués au Cap Haïtien le 22 février lors de la prise du Cap Haïtien par les rebelles. Les victimes auraient été enfermées dans un container avant d'être basculés à la mer. Une enquête est aussi ouverte sur les événements sanglants survenus à Saint-Marc avant et après le départ du président Aristide au cours desquels des partisans et opposants du président Aristide ont été assassinés et sur l'assassinat de plusieurs autres citoyens par l'équipe de Guy Philippe à Petit-Gôave et aux Cayes."
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19.3.04

Quelques lectures

Deux articles dans le plus récent numéro du Black Commentator.

Time for Kerry to Set Up on Haiti
par Stan Goff
Perhaps the only thing more depressing about Haiti than the still-unconsolidated coup there is the refusal of the US press to even investigate the circumstances of it. I mean, said investigation would require more effort than walking a dog but less effort than mating a hamper full of socks.
drapeau
Commentary: US Builds Gangster State in Haiti
"Henceforth, the Haitian authorities will not allow other countries to trample upon the rights of Haitians," huffed Gerard Latortue, the erstwhile South Florida "consultant" and talk show host installed as Prime Minister by foreign soldiers and homegrown gangsters who were at that very moment snuffing out the rights and lives of Haitians. (...) Meanwhile, the ever-splintering micro-parties fielded by Haiti’s tiny elite fought gun battles among themselves for the privilege of an audience with Guy Philippe, the U.S-armed warlord, who is touring the country cementing alliances and executing opponents.

Ailleurs, Debunking the Media's Lies about President Aristide par Justin Felux dans Dissident Voice.
If you believe the stories of the corporate media and the Bush administration, you would think Aristide is getting what he deserves. He is a "corrupt dictator" who abuses human rights. He is a "psychopath" who advocated "necklacing" his opponents. He didn't do anything to bring Haiti out of poverty; in fact, he made Haiti more poor than ever. All of these statements are distortions or outright lies. Aristide's true crime was the same crime committed by L'Ouverture 200 years ago: he stood up to the powers that be.

Aussi, retrouvé au fond du tiroir à signets, un article du American Enterprise Institute (dont Richard Perle est l'expert en défense en résidence). L'article est signé par Michael Ledeen, l'expert en matière de "liberté" de l'AEI. Sous le titre The French Interventionist Itch, Ledeen écrivait le 18 février 2004 :
Humanitarian interventions only work if the international community has a clear vision of what is to be achieved and the will to impose the kind of political and moral order that any country needs to live decently. The sort of half-baked approach used to install Mr. Aristide will always lead to the current unhappy situation. So let's try the old-fashioned way. Let's join with the French, proclaim a pox on both houses in the current conflict, depose Mr. Aristide and let him face the judgment of his own people, arrest and try the killers on the other side, install an interim government by force of arms, organize a serious privatization and aid program, and then conduct elections in six months or a year, under international auspices, with guarantees of future elections at regular intervals. And let's call it a democratic revolution.
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Autour de la drogue

Selon la BBC (Haiti’s drug money scourge, 19 mars), la participation présumée du gouvernement Aristide dans le trafic de drogue aurait été une des raisons pour lesquelles les États-Unis souhaitait qu’il quitte le pouvoir. On mentionne un rapport du State Department selon lequel des membres du gouvernement, de la Police nationale, des forces de sécurité présidentielles étaient activement impliquées dans le trafic de drogue.

La BBC mentionne que de telles accusations avaient fait surface au sujet du régime de Jean-Claude Duvalier, et du régime Cedras après le renversement d’Aristide en 1991. À ce moment, ce serait le chef de police Michel François qui était de mèche avec les cartels colombiens. Bien sûr, il est question des déclaration de Beaudoin Kétant, un ancien proche d’Aristide, récemment condamné en Floride pour trafic.

On note cependant, dans le reportage, que les «rebelles» auraient aussi trempé dans ces activités illicites. Le visa étasunien de Guy Philippe aurait été révoqué en raison de son implication dans le trafic de drogue alors qu’il était commissaire de police à Cap Haïtien. Jodel Chamblain était un proche de Michel François à l’époque du FRAPH.

On lit dans l’article : «Des sympathisants de l’ancien président [Aristide] maintiennent que les rebelles qui ont assuré leur mainmise sur Haïti en février 2004 étaient directement financés par l’argent de la drogue, mais on ne détient jusqu’à présent aucune preuve.»

Retour en arrière de quelques jours, lundi 15 mars, à une dépêche de l’Associated Press publiée dans la section des nouvelles locales du Miami Herald. On rapporte la découverte à Miami de 100 kilos de cocaïne, valeur évaluée à 1,8 million de dollars, dans la citerne sanitaire d’un cargo, le M/V ANICIA. Le navire avait quitté les Gonaïves le 10 mars et était arrivé, cales vides, à Miami le 13 mars. Les huit hommes d’équipage (cinq Haïtiens, deux Nicaraguayens et un Guyanais) ont été retournés dans leurs pays respectifs.

Gonaïves n’est-elle pas contrôlée par les rebelles depuis plus d’un mois, les militaires de la force internationale n’y étant pas encore présents? Pourquoi la libération sans autre forme de procès des hommes d’équipage? Étrange affaire.
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Haïti et les grandes chaînes de télé étasuniennes

Andrew Tyndall dirige le cabinet de recherche ADT qui publie hebdomadairement depuis 1987 le Tyndall Report. C’est un relevé du contenu des bulletins d’information de début de soirée des trois grandes chaines de télévision aux États-Unis (ABC, CBS, NBC), du lundi au vendredi. Si on exclut les publicités et les autopromotions, les bulletins de 30 minutes offrent à l’auditoire, en moyenne, 19 minutes de contenu d’information, soit environ 285 minutes par semaine pour les trois chaînes réunies. Le bilan du dernier mois est révélateur sur l'importance accordée par les grandes chaînes à la question d'Haïti.

Tyndall Report, 16 au 20 février
Haïti occupe 16 minutes dans les grands bulletins au cours de la semaine, derrière les primaires du Wisconson (19 min.), les efforts de reconstruction en Irak (18 min.), et le débat sur la légalisation du mariage entre personnes du même sexe (18 min.). Jeffrey Kofman de ABC interviewe le président Aristide qui reconnaît que le pays pourrait être au bord de la guerre civile. CBS n’a même pas de correspondant sur place, mais son correspondant au Pentagone déclare : «Les États-Unis n’ont pas d’autre choix que de soutenir Aristide parce qu’il a été élu démocratiquement». Tyndall note que la semaine du 16 au 20 février a été celle au cours de laquelle, depuis un an, les bulletins des trois chaînes ont présenté le moins de contenu international.

Tyndall Report, 23 au 27 février
Les chaînes ABC, CBS et NBC consacrent 33 minutes à Haïti et à la progression des «rebelles» dans le nord du pays. Le lundi 23 février, on consacre 11 minutes à la «chute» de Cap Haïtien aux mains des «rebelles». Le journaliste Mark Strassmann de CBS commente : «En quête d’appuis internationaux, Aristide se butte à l’indifférence, voire au refus : la France estime qu’il devrait démissionner; Washington refuse d’intervenir»

Tyndall Report, 1er au 5 mars
Les trois grandes chaînes ont consacré 21 minutes à la situation en Haïti. Selon les données de Tyndall c’est, chez les trois chaînes confondues, la troisième semaine la moins étoffée sur le plan de la politique étrangère depuis un an. On a fait peu de cas du rôle présumé des États-Unis dans le «départ forcé» du président Aristide, Colin Powell qualifiant les allégations d’«absurdes et sans fondement». Au cours de cette même semaine, à comparer au 21 minutes d’Haïti, les 25 minutes accordées au procès de la diva du lifestyle Martha Stewart.

Tyndall Report, 8 au 12 mars
On ne parle plus d’Haïti, le sujet est disparu du radar Tyndall.

À suivre.
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18.3.04

VOIR.CA: Haïti dans la tourmente - Le retour du Baron Samedi

"Contrairement au sentiment général qui prévalait il y a quelques semaines parmi les classes politiques, notre ami Ted Rall, prolifique critique de la politique étrangère américaine, accuse l'Amérique et la France de poursuivre en Haïti une politique aveugle amorcée en Afghanistan. En chassant le - certes - déficient président Aristide, la petite île des Caraïbes s'enfoncera un peu plus dans le chaos et prêtera le flanc aux pires dictatures."
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VOIR: Haïti, réplique - Liberté, iniquité, fatalité

"Après avoir été longtemps journaliste au Québec, JACQUELIN TELEMAQUE est retourné dans son pays natal, Haïti, en 1986, un mois après la chute de Duvalier. Observateur de longue date de la politique haïtienne, il réagit aux propos de Ted Rall. Selon lui, la CIA a bien eu un rôle à jouer dans le départ d'Aristide, mais la colère de toute une population également."
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Haïti: le nouveau gouvernement souhaite recréer une armée

Canoe Infos: Haïti: le nouveau gouvernement souhaite recréer une armée

"Le nouveau gouvernement haïtien, qui a été investi hier, souhaite recréer une armée régulière dans le pays, a annoncé le nouveau ministre de la Défense. Herard Abraham, ancien chef de l'armée, a expliqué lors d'un entretien avec l'Associated Press qu'une commission devra étudier les moyens de reformer une armée régulière, qui avait été démantelée par l'ancien président Aristide en 1995. M. Abraham a d'ailleurs estimé que le président déchu avait violé la constitution en agissant ainsi."
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17.3.04

Le sénateur Dodd veut des éclaircissements

Le sénateur démocrate du Connecticut Christopher Dodd veut savoir si l’argent des contribuables étasuniens a servi à entraîner les Haïtiens qui ont comploté pour renverser le président Jean-Bertrand Aristide, voire à leur fournir des armes.

Dans un article du quotidien Newsday, Dodd a déclaré vouloir savoir si la République dominicaine avait servi de base aux comploteurs par laquelle des armes en provenance des États-Unis avaient été acheminées. Il dit détenir des documents du ministère de la Défense selon lesquels 20 000 fusils d’assaut de type M-16 avaient, au cours des deux dernières années, été livrées à la République dominicaine. La semaine dernière, au cours d’une audience d’un sous-comité du Sénat, Dodd avait interrogé le sous-secrétaire d’État Roger Noriega à cet effet, et ce dernier avait nié que la transaction ait été complétée. Dodd veut donc savoir si ces armes auraient servi à équiper les rebelles qui ont assuré leur mainmise sur le nord du pays.

Le sénateur du Connecticut entend également demander à l’inspecteur général de l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID) d’enquêter sur les agissement du International Republican Institute (IRI). Cet institut, une filiale de la National Endowment for Democracy, aurait reçu de l’USAID 1,2 millions de dollars pour «former» 600 Haïtiens en République dominicaine.

Dodd s’inquiète également des agissements de Stanley Lucas, un Haïtien, au sein de l’IRI. Selon lui, Lucas a miné les efforts internationaux déployés en vue de faire accepter à l’opposition haïtienne des positions plus conciliatrices à l'égard du président Aristide. Dodd insiste donc pour obtenir de Noriega et des dirigeants de l’IRI des assurances formelles que Lucas et l’Institut n’ont eu aucun rapport avec le chef déclaré des rebelles Guy Philippe.

Le 2 mars dernier, Christopher Dodd avait démandé une enquête sur les événements au cours des 48 heures qui ont précédé le départ de Jean-Bertand Aristide d’Haïti, et sur ses allégations de «départ forcé».
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Un cabinet

Le premier ministre provisoire d’Haïti, Gérard Latortue, a annoncé la composition de son gouvernement. Le nouveau cabinet comprend 13 membres, dont deux femmes mais ne compte aucun membre du Lavalas, le parti d'Aristide.

Quelques commentaires.

Le ministère de la Justice et de la Sécurité publique sera dirigé par Bernard Gousse, un avocat professeur de droit de 45 ans. Me Gousse est un ancien conseiller principal de la International Foundation For Electoral Systems (IFES), un organisme basé à Washington qui reçoit des fonds de la National Endowment for Democracy (voir la fiche de l’IFES) notamment pour ses activités au Nicaragua.

Yvon Siméon, un économiste de 66 ans, prendra la tête du ministère des Affaires étrangères, des Cultes et des Haïtiens vivant à l'étranger. M. Siméon était porte-parole de la Convergence démocratique en France. On pourrait l’inviter à faire preuve d’un peu plus de ... diplomatie. Extrait d’entrevue avec un journaliste de Jeune Afrique le 23 février 2004 :
J.A.I. : Parmi ses soutiens étrangers, il y a le Black Caucus, qui regroupe les élus noirs du Congrès américain...
Y.S. : Savez-vous comment on appelle les membres du Black Caucus en Haïti? Les «Blacks coquins».
(...)
J.A.I. : Vous ne dénoncez donc pas le recours à la lutte armée?
Y.S. : Non! Mieux, on la comprend.

À l’Éducation nationale et à la Culture, Pierre Buteau, éducateur de carrière et historien. M. Buteau est membre du Groupe des 184 et co-signataire du premier communiqué de l’organisme. En 2002, dans AlterPresse il qualifiait le régime d’Aristide de «pouvoir bizarroïde» et notait la «difficulté de renouvellement du personnel politique et l’absence d’éthique» dans les pratiques politiques. Le voilà confronté à un beau défi.

Selon l’Agence Haïtienne de Presse, «plusieurs membres de l’OPL (Organisation du Peuple en Lutte*) et de la Convergence font partie du gouvernement Latortue: Yves André Wainwright, Adeline Magloire Chancy, Philippe Mathieu et Yvon Siméon, respectivement ministre de l’Environnement, de la Condition féminine, de l’Agriculture et des Affaires étrangères. Pour sa part, le groupe des 184 compte Bernard Gousse, de la Justice, Danièle Saint-Lot, du Commerce et de l’Industrie et Pierre Buteau de l’Éducation nationale. L’ancienne plateforme politique de l’opposition compte donc au moins 7 ministres sur un total de 12 portefeuilles, sans compter les postes de secrétaires d’État. Les autres ministres sont des technocrates réputés proches de l’opposition ou des amis du premier ministre.»

* Créée en 1991 sous le nom de Organisation Politique Lavalas, l’OPL fut, pendant des années, une formation pro-Aristide prônant l’idéologie lavalas. Aux élections législatives de 1995, elle remporta 17 des 27 sièges au Sénat et 66 des 83 à la Chambre des Députés. Aujourd'hui, ses membres militent dans l’opposition.
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16.3.04

Désinformation et plastronnage

Heureusement que malgré tout, certains éléments de la crise haïtienne font sourire.

Désinformation. L’envoyé spécial du Figaro en Haïti, François Hauter, signe ce mardi 16 mars un article sous le titre «Guy Philippe bluffe les Américains». Hauter écrit : «“Les Américains se sont complètement fait avoir par Guy Philippe”, affirme Jean-Robert Lalanne (qui se prétend chef de l’armée du nord), en expliquant que le chef des rebelles est arrivé de la République dominicaine avec “un ou deux pistolets”, et qu’il est entré dans la ville des Gonaïves sans armes et sans rencontrer la moindre résistance, puisque les policiers avaient alors déserté leurs postes devant les forces rebelles locales, commandées alors par un chef de gang sans envergure. Le même scénario s’est reproduit peu après au Cap haïtien, la seconde ville du pays.»

On comprend la manoeuvre des mercenaires. D’une part, si on n’a jamais eu d’armes, pourquoi nous demanderait-on de les rendre. D’autre part, ce récit loufoque permet de nier que les mercenaires avaient été armés et équipés par des forces occultes dans leurs repaires en République dominicaine. Mais ça ne tient pas la rampe.

Ce qui est moins drôle, c’est qu’un journaliste d’un média influent publie ces propos, sans contre vérifier auprès des autorités sur place.

Plastronnage. Gérard Latortue, premier ministre désigné d’Haïti, qualifiait il y a deux jours de «geste inamical» la décision de la Jamaïque d’accorder un droit de séjour à Jean-Bertrand Aristide. Puis, il annonce le gel des relations entre les deux pays, et le retrait de l’ambassadeur en poste à Kingston, Jean Gabriel Augustine, gestes habituellement lourds de sonséquences dans le monde diplomatique.

Or, on apprend ce matin du Jamaica Observer qu’il n’y avait pas d’ambassadeur à rappeler. Un porte-parole du ministère des Affaires extérieures de Jamaïque a fait savoir que les autorités intérimaires de Port-au-Prince avaient rappelé de l’étranger tous les diplomates en poste à des fins de «consultations». C’est pourquoi l’ambassadeur haïtien en Jamaïque avait quitté en fin de semaine dernière.
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14.3.04

Assiste-ton à une reprise de 1991?

En septembre 1991, le général Raoul Cedras mène un coup d’État et renverse le président Jean-Bertrand Aristide. Le chercheur Laurent Jalabert de l’Université des Antilles et de la Guyane, dans son ouvrage Les violences politiques dans les États de la Caraïbe insulaire (1945 à nos jours), dresse un sombre bilan de la période Cedras.

«Autant les précédents coups d’État n’étaient suivis que de répressions ponctuelles et axées sur des objectifs précis, autant le putsch de septembre 1991 est le point de départ d’une répression systématique contre les opposants et contre les manifestants. Selon la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (rapport du 14 février 1992), dans les 48h00 qui suivent le coup d’État, on aurait assisté à plus de 1 500 assassinats. Toujours selon la même commission, toutes les caractéristiques de la répression se développent : exécutions sommaires ou extrajudiciaires (3 010 cas officiellement), disparitions, tortures, viols… un “véritable terrorisme d’État” difficile à quantifier (on parlerait d’au moins 5 000 morts entre septembre 1991 et septembre 1994). Selon le HCR, le nombre d’exils forcés avant l’intervention des Nations-Unies serait d’au moins 55 000 personnes (30 000 en République Dominicaine, 20 000 sur la seule base américaine de Guantanamo à Cuba), certainement bien davantage.»

En 1993, la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme précise ces données : «d'octobre 1991 à août 1992, le nombre d'exécutions sommaires a atteint 3 000 dont 89 % ont eu lieu à Port-au-Prince [...] 5 096 cas de détentions illégales d'octobre 1991 à novembre 1992.»

En 1994, les États-Unis sous l’égide des Nations Unies réinstallent le président Aristide. Les faits précités sont déjà connus et documentés, mais plutôt que de poursuivre Raoul Cedras et de le tenir à tout le moins partiellement responsable de ces exactions, le gouvernement des États-Unis lui offre un «parachute doré» d’un million de dollars, en plus de louer trois de ses propriétés immobilières pour un an, payé à l’avance. (Los Angeles Times, 14 octobre 1994)

Le 29 février 2004, le Conseil de sécurité des Nations Unies adopte la résolution 1529 autorisant le deploiement immediat d’une force multinationale intérimaire en Haïti pour trois mois pour, entre autres, «Faciliter l’instauration de conditions de sécurité et de stabilité dans la capitale haïtienne et ailleurs dans le pays [...] Faciliter la fourniture d’une assistance internationale à la police et à la Garde côtière haïtiennes afin d’instaurer et maintenir la sécurité et l’ordre publics et de promouvoir et protéger les droits de l’homme».

Que se passe-t-il aujourd’hui en Haïti? Les grands médias ont retiré leurs correspondants et laissé sur place quelques «antennes» dans la capitale. Quand les mercenaires sont entrés au pays, les journalistes étaient partout : Gonaïves, Cap-Haïtien, Saint-Marc, etc. Maintenant, on n’entend parler que de ce qui se passe à Port-au-Prince.

Or, des rapports inquiétant commencent à filter des provinces, notamment de la région de Cap-Haïtien.

Le 9 mars, l’Agence haïtienne de presse (AHP) rapporte ce qui suit : «De nouveaux groupes de citoyens du Cap-Haïtien réfugiés à Port-au-Prince ont critiqué jeudi le silence observé par les organismes haïtiens de droits humains sur le sort de présumés partisans de Fanmi lavalas qui auraient été kidnappés puis jeté à la mer à l'intérieur d'un container par les rebelles qui ont pris le contrôle de la ville du Cap-Haïtien le 22 février. Ces citoyens qui ont sollicité l'anonymat pour des raisons de sécurité estiment irresponsable le fait que certains secteurs veuillent faire passer un tel drame sous silence. Plusieurs autres habitants de la deuxième ville du pays avaient appelé mardi Amnesty international et Human Rights Watch à diligenter une enquête autour de cette affaire. Ces personnes, disaient-ils, arrrêtées après l'incendie du commissariat de police auraient été enfermées plusieurs jours dans un container avant d'être basculés à la mer à l'intérieur du container. Selon les mêmes informations, le jour de cettte attaque plusieurs policiers et des partisans de Fanmi lavalas auraient été assassinés.»

Le 12 mars, l’agence Pacific News Service diffuse le témoignage du maire de Milo, collectivité de 50 000 habitants près de Cap Haïtien. Il dit avoir été contraint de prendre le maquis pour échapper à la répression menée par des hommes en tenue militaire contre les personnes associées au parti lavalassien. Au Cap Haïtien, on enregistrerait une cinquantaine de morts par jour. Ceux qui ne sont pas tués sont enfermés dans des conteneurs, la prison ayant été incendiée et détruite. De dire le maire : «Je ne peux comprendre comment un groupe de militaires dont l’institution a été démantelée aient accès à de l’équipement lourd et sophistiqué. Ils disposent de deux hélicoptères et de deux avions. Les hélicos servent à déplacer leurs troupes, et munis de puissants projecteurs, à traquer la nuit les gens qui ont pris le maquis.» Selon certaines informations, des événements similaires se produiraient dans le Plateau central et en Artibonite.

D’où la question : assiste-t-on à une reprise de 1991?
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12.3.04

La beauté des archives

L’organisme de veille des médias Fairness and Accuracy in Reporting (FAIR) souligne son dossier qui date de l’édition de novembre/décembre 1994 de son magazine Extra. Intitulé «Enemy Ally: The Demonization of Jean-Bertrand Aristide» (L’allié ennemi : la diabolisation de Jean-Bertrand Aristide), le dossier recense ce que la grande presse étasunienne écrivait peu après le retour du président haïtien sous la protection des forces U.S.

Étonnant de voir que dix ans après, le commentaire de Jim Naureckas, auteur du dossier, est toujours d’actualité : «Bien que les vieilles accusations sans fondement persistent toujours, une nouvelle désinformation fait surface, bien souvent basée sur des efforts journalistiques peu convaincants.»

Un dossier à lire.

Également, toujours de FAIR, le billet de Norman Solomon sur le droit à l’intervention tel que vu par les médias étasuniens. L’auteur conclut : «Le choix ne se situe pas entre, d’un côté, des actions musclées et un chantage économique, et de l’autre une égoïste indifférence. Une politique extérieure vraiment humanitaire, offrant sans condition préalable une aide alimentaire et médicale, et ce à grande échelle, est une option qui mérite de faire partie du discours des médias aux États-Unis.»
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Des Nations Unies

Haïti : le Conseil a agi sur la base d’une lettre de démission de l’ancien Président, indique Kofi Annan
10 mars – Le Conseil a agi sur la base d’une lettre de démission, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU à la presse canadienne en réponse à des questions sur les conditions du départ de l’ancien Président de Haïti, Jean-Bertrand Aristide. Lettre «Le Conseil de sécurité a agi sur la base d’une lettre de démission qui lui a été remis selon laquelle il transférait le pouvoir au Président du Conseil constitutionnel», a répondu hier Kofi Annan aux journalistes qui l’interrogeaient sur les circonstances du départ de l'ancien Président de Haïti. Le Secrétaire général, qui s’exprimait hier dans le cadre d’une conférence de presse à la suite de ses entretiens avec le Premier Ministre du Canada, Paul Martin, a précisé que c’était sur cette base et «également en raison de la situation instable dans le pays» que le Conseil avait pris sa décision, a indiqué aujourd’hui son porte-parole à New York.

Haïti : seul le Conseil de sécurité peut demander des éclaircissements sur le départ d'Aristide
11 mars - Le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a indiqué aujourd’hui que c’était au Conseil de sécurité de demander si une enquête devait être lancée sur les conditions dans lesquelles l'ancien Président haïtien avait quitté le pays. «C’est une question qu’il revient au Conseil de discuter et éventuellement de décider si oui ou non il s’en saisit», a indiqué Kofi Annan à son arrivée au Siège de l’ONU, en réponse aux questions concernant la demande d’éclaircissements émanant de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et de l’Union africaine (UA). «S'ils veulent s’engager dans une enquête et qu’il me donne le mandat pour cela, il sera de mon devoir de la conduire. C'est une question que nous devons discuter avec le Conseil», a-t-il déclaré.
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11.3.04

Quelques lectures

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US Press Torpedoes Aristide

«The most extraordinary part of the coup in Haiti was not the fact that the Bush Administration was directly involved in the deposing of a democratically elected leader. No, that type of criminal behavior is almost a requirement of the office at this point in time. The real surprise is that not one major newspaper in the country has spoken out in favor of restoring Aristide to power. [...] The media has responded with such frightening uniformity that even skeptics must be shocked

Ce commentaire de Mike Whitney, publié dans Counterpunch, est une des rares critiques adressées aux grands médias dans leur couverture de la crise haïtienne. Il poursuit en écrivant que la similarité étonnante dans la description des détails sur le coup d’État, et les omissions prévisibles de toute implication des États-Unis, auraient eu de quoi impressionner les rédacteurs en chef de la Pravda.

Whitney s’en prend aux grands médias étasuniens, mais n’y aurait-il pas dans nos médias québécois une attitude semblable à celle qu’il déplore chez nos voisins du sud?

À l’égard des faits, Denise Bombardier dans Le Devoir du samedi 6 mars résume bien l’ensemble de clichés que l’on a pu lire ou entendre dans nos médias : «Aristide, l’ex-prêtre formé à la démocratie, premier président élu, a lui-même sombré dans la corruption et la violence et s’est en peu de temps transformé en chef exécuteur des meurtres et tortures si caractéristiques du régime depuis plus de cent ans.» Même au Québec, où on est beaucoup moins enclin aux litiges juridiques qu’ailleurs, on intenterait une poursuite pour bien moins s’il ne s’agissait d’un président haïtien en exil forcé.

Il y a aussi des attitudes que l’on pourrait qualifier de généralement méprisantes à l’endroit des Haïtiens. Par exemple, le 10 février dernier, René Mailhot parlait au micro de Marie-France Bazzo du degré de politisation des Haïtiens, et disait qu’en somme «les Haïtiens sont très politisés, ils n’ont que ça à faire». Vraiment?

Puis, il y a le non dit, les réalités passées sous silence, mais qui pourraient mieux éclairer la situation, aider à la comprendre. MADRE, un organisme de défense des droits des femmes et enfants a publié un dossier d’information très étoffé sur l’historique de la crise. Par exemple, pourquoi ne nous a-t-on pas dit que les États-Unis avaient bloqué une enveloppe d’aide totalisant 650 millions de dollars US (le budget annuel de l’État haïtien est de 361 millions de dollars) à la suite des élections contestées en 2000? Ah oui, ces élections «frauduleuses» sans supervision internationale...

Pourrait-on souligner que la Coalition internationale des observateurs indépendants (International Coalition of Independent Observers, ICIO) était sur place à surveiller le déroulement des élections? Citons du dit rapport : «In conclusion, despite democratic barriers such as the traditional political system, scrutiny from the international community - particularly the United States - that was often unreasonable, and the challenges presented by severe illiteracy, poverty and substandard infrastructure, two elections were held successfully, both with a large voter turn out rate.»

Parlons aussi des bourdes journalistiques. Le journaliste Étienne Leblanc dans son reportage «La désillusion des jeunes Haïtiens de Montréal» diffusé à l’émission «Désautels» (Première chaîne de Radio-Canada) le mardi 24 février interviewait de jeunes Haïtiens d’ici. Mais que venait donc faire, sans mise en contexte, un extrait du discours de départ de Jean-Claude Duvalier prononcé dans la nuit du 6 au 7 février 1986? J’ai reconnu l’extrait, qui figure dans mes archives personnelles, j’étais à Port-au-Prince lors de cette «longue nuit». Et d’enchaîner, toujours sans préciser l’origine de cet extrait sonore, avec une question à savoir sur qui rejeter la responsabilité de la situation actuelle, alors qu’on ne parle que du président Aristide depuis le début du reportage.

Le public québécois a été fort mal servi par ses médias durant cette crise, et continue de l’être. Mais si, entre les faits inventés, les réalités passées sous silence, les attitudes méprisantes et les bourdes, on nous a présenté une image fausse de la situation en Haïti, les médias ne font-ils pas face à une crise de crédibilité lorsqu’ils nous parlent, ou nous parleront, d’autres points chauds du globe?
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10.3.04

Présence haïtienne sur le Web

On évoque depuis quelque temps la possibilité d’un retour en Haïti de Jean-Claude Duvalier qui séjourne depuis son départ en 1986 en France. On ne sait si le climat politique sera propice, mais reconnaissons que l’homme, ou du moins ses proches, sont bien présents sur le Web.

Deux sites proposent des revues de presse sur l’actualité haïtienne, soit Haïti-Info.com et Haiti-News.com.

Le domaine Haiti-Info.com a été créé le 9 juillet 2000 et enregistré au nom de Véronique Roy qui a fourni l’adresse de l’Hôtel Claridge à Paris. Selon un article du Wall Street Journal en date du 16 mars 2003, Véronique Roy serait citoyenne française, porterait une étrange ressemblance à Angelina Jolie, serait la petite amie de Jean-Claude Duvalier, et militerait pour son retour en Haïti. Elle aurait à cet effet rencontré des groupes de partisans de Jean-Claude Duvalier à Boston, Miami, New York ainsi qu’en République dominicaine.

Pour ce qui est de Haiti-News.com, dont le contenu est essentiellement un miroir de Haïti-Info.com, le domaine a été créé le 27 juin 2003 et enregistré au nom du CHADES, soit le Centre haïtien de développement économique et social. Il s’agit là d’un organisme qui, selon un article de l’hebdomadaire Haïti-Progrès de septembre 2000, milite pour le retour de Jean-Claude Duvalier en Haïti.

Le répondant pour le CHADES, selon l’enregistrement du site, est Nicholas Duvalier, fils de Jean-Claude et Michelle Bennet (voir à cet effet nos notes de l’époque). Et l’adresse de courriel est du domaine Duvalier.net, créé en juillet 2000 et lui aussi enregistré au nom de Nicholas Duvalier. Le site Web Duvalier.net, que l’on désigne «site officiel» est toujours en construction.

Pour sa part, le «Groupe des 184» a lui aussi pignon sur Web, et adresse postale pour le nom de domaine à Miami. Le domaine a été créé le 30 juillet 2003 au nom de Gilles Sassine. Sassine est notamment l’auteur d’un document, Information Technology in Haiti, publié sur le site Web de la American University (Washington). Il a aussi été à l’emploi en 1998, à titre de professeur invité, du Center for International Private Enterprise (CIPE), qui comme le International Republican Institute (IRI) est un organisme financé par la National Endowment for Democracy très présente en Haïti et plus largement en Amérique centrale.

Nous reviendrons sous peu sur ces divers organismes.

Tiens, aux dernières nouvelles, on apprend la désignation de Gérard Latortue au poste de premier ministre. En mars 2003, Latortue signait un article, «Haïti : suggestions pour le développement politique et économique» dans lequel on lit «Les accrocs à la bonne gouvernance commencèrent en Haïti dès 1995, lors de l’organisation d’élections non transparentes ou frauduleuses à l’ombre de la Constitution de 1987». Et pour appuyer son propos, Latortue s’en remet aux rapports du Centre Carter et de... l’International Republican Institute.

Ça promet.
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9.3.04

«Luck, qui paie les gardes du corps?»

Luck MervilleSamedi, 28 février, devant le Complexe Guy-Favreau sur le boulevard René-Lévesque. Les nouvelles en provenance d’Haïti sont mauvaises. Les «rebelles armés» menacent la capitale, l’«opposition politique» réclame le départ du président, le chaos règne dans les rues. À Montréal, les opposants du président Aristide avaient prévu depuis une bonne semaine un rassemblement pour exiger son départ. Le Centre canadien d’étude et de coopération internationale (CECI) profite de l’occasion pour lancer une campagne humanitaire d’urgence en faveur de la population haïtienne, et exposer le porte-parole de la campagne, le chanteur Luck Merville, aux médias présents. Ce dernier arrive vers 15 h 00, les journalistes se précipitent pour obtenir leur «clip»; il sera le même pour tous, peu importe, il l’aura dit à «leur» micro.

Après que la journaliste de TQS ait obtenu son bout d’entrevue, un journaliste/photographe intervient :

- Luck, juste une question?
- Oui, bien sûr.
- Qui paie les gardes du corps?
- Comment?
- Qui paie les gardes du corps?

Merville est, selon la formule journalistique consacrée, visiblement embarrassé. Il esquisse néanmoins un sourire et un début de réponse.

- Les gardes du corps. Oui. Enfin, les gardes du corps, qu’est-ce que je peux vous dire...

Et à ce moment précis, Luck est tiré d’embarras par l’arrivée inopinée du maire Gérald Tremblay. Salutations, échange de poignée de mains, retour en force des caméras pour saisir l’instant. Mais toujours pas de réponse à la question «Qui paie les gardes du corps». On ne saura pas, non plus, si Gérald Tremblay était présent à titre personnel ou à titre de maire.

Dans le contexte, la question était pertinente. Pourquoi un porte-parole de campagne humanitaire sent-il le besoin de se présenter à un événement médiatique en compagnie de trois gardes du corps? Qui a insisté pour cette démarche? Le CECI? Son agent? Lui-même?

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