16.10.04

À propos d’une devise

Port-au-Prince, 15 octobre 2004 (AHP) Le dirigeant du Comité des Avocats pour le Respect des Libertés Individuelles (CARLI), Renan Hédouville, s'est déclaré vendredi préoccupé par les déclarations du ministre de la Justice Bernard Gousse, selon lesquelles la police avait un nouveau slogan. Dans une déclaration jeudi le ministre Gousse avait indiqué que la PNH pouvait adopter désormais le slogan suivant «Nou pa pè, nou pap janm pè» (Ndlr. Nous n'avons pas peur, nous n'aurons jamais peur), comme le sien propre. Ce slogan avait été utilisé par l'ancienne opposition actuellement au pouvoir lors de leurs manifestations anti-Aristide. Selon Renan Hédouville, Bernard Gousse devrait rectifier ses propos, s'il s'agit d'un écart de langage.
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15.10.04

Pax Christi en Haïti

Une délégation de l’organisme Pax Christi (mouvement catholique international pour la paix) s’est rendue en Haïti du 27 au 30 septembre 2004 pour enquêter sur la situation des droits de la personne. Quelques extraits d’un rapport accablant.

«L’état des droits de la personne en Haïti est pire qu’il ne l’a été depuis des années. Nous convenons avec le peuple haïtien que l’exil forcé du président Aristide par les États-Unis était dans les faits un coup d’État contre un gouvernement dûment élu, et son remplacement par un gouvernement illégalement désigné par une minorité, disposant des pouvoirs économiques et militaires, et appuyé par les États-Unis, la France et le Canada.»

«La délégation a visité le Pénitencier national à Port-au-Prince. On y trouve 868 détenus, dont 847 sont en attente de procès, seulement 21 détenus ont été condamnés. Les autorités pénitentiaires déclarent que la majorité des détenus n’ont pas comparu devant un magistrat, et ne savent pas quand ils pourront comparaître.»

«La ministre Privert [Ndlr. Jocelerne Privert, ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Aristide] est emprisonnée depuis six mois sans avoir comparu devant un magistrat, alors que la loi prévoit la comparution d’un prévenu dans les 48 heures. [...] Le premier ministre Yvon Neptune, arrêté après avoir accordé une entrevue critique des autorités [...] est emprisonné depuis juin 2004. [...] Un député, Jacques Mathlier, a été arrêté pour incendie criminel mais disculpé par un magistrat le 12 juillet. Plutôt que de le libérer, le ministère de la Justice a alors ordonné son transfert au Pénitencier national où il est détenu depuis.»

«La délégation a également visité un poste de police local à Port-au-Prince où 36 hommes sont détenus dans une salle de 12 pieds par 12 pieds. Aucun d’entre eux n’est formellement accusé de quoi que ce soit, aucun n’est comparu devant un juge, un d’entre eux y est incarcéré depuis le 4 septembre. Ces personnes n’ont droit à aucun soins médicaux ni à aucune nourriture. S’ils ont accès à des vivres, ce sont leurs familles qui les apportent, et ces denrées sont ensuite partagées avec ceux qui n’ont pas de familles. Parmi les détenus on trouve des personnes souffrant de troubles mentaux et d’épilepsie. Des enfants sont incarcérés avec les adultes, dont garçon de 13 ans et deux jeunes de 15 ans.»

«Les dirigeants d’un gouvernement démocratiquement élu et ses partisans sont emprisonnés ou ont été transformés en réfugiés dans leur propre pays, alors que les militaires et des bandes armées associées au pouvoir agissent à leur guise. Il est clair que l’on assiste à un retour en force des militaires qui, historiquement, se sont opposés à une société civile indépendante et ont constitué une force d’oppression des classes démunies.»

«La constitution haïtienne et le droit international sont violés ouvertement. Il importe de restaurer un État de droit.»
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Le Canada demande à ses ressortissants d’éviter Ha&

«“La situation de sécurité en Haïti continue de se détériorer et la violence risque de s’intensifier au cours des prochains jours, particulièrement le 15 octobre (anniversaire du retour d’Aristide en Haïti, en 1994, ndlr) et le 17 octobre (anniversaire de la mort du héros de l’indépendance Jean-Jacques Dessalines, en 1806)”, souligne le ministère.»

Washington autorise le départ de ses diplomates non-essentiels de Haïti
«Les États-Unis ont annoncé jeudi qu’ils autorisaient leurs diplomates dont la présence n’est pas jugée indispensable à quitter Haïti en raison de la vague de violence dans ce pays. Le département d’État a indiqué dans un communiqué qu’il “autorisait le départ du personnel de l’ambassade non affecté à des missions urgentes”, ainsi que les familles des diplomates en poste à Port-au-Prince. Tous les ressortissants américains sont également invités à “éviter de voyager en Haïti en ce moment en raison de conditions de sécurité instables”, selon ce communiqué.

Secours d'urgence: Une nouvelle crise, politique et militaire celle-là, vient compliquer la situation en Haïti
«Après les ouragans qui ont sévi au nord de l’île, le pays est maintenant entraîné dans des violences politiques au sud. En conséquence, le Département d’État Américain a supprimé les vols vers Haïti. Or, si l’aide extérieure s’arrête, cela posera un gros problème pour les Gonaïves touchées par les ouragans. Comme le souligne Eva DeHart, de For Haiti With Love: “Je ne sais pas comment tout ça va tourner, car la plupart des troubles se situent à Port-au-Prince et on ne peut atteindre les Gonaïves que par le sud. Toutes les routes du nord ont été emportées par les flots.”»
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Haïti : chronique d’un coup annoncé

Disparue depuis quelques jours de l’écran radar des médias après la catastrophe de Gonaïves, Haïti risque de nouveau de se retrouver au premier plan de l’actualité.

Mercredi, l’arrestation du père Gérard Jean-Juste et de deux autres religieux soupçonnés de participation aux actes de violence récents a fait monter la tension d’un cran. Selon l’Agence Haïtienne de Presse (AHP), «Le ministre intérimaire de la justice Bernard Gousse, a fait savoir jeudi qu'il disposait d'informations selon lesquelles le père Gérard Jean Juste serait impliqué dans les violences enregistrées ces derniers jours dans la capitale haïtienne. Il accuse également le curé de la paroisse Sainte Claire d'avoir financé, et hébergé des terroristes.» Ce sont des policiers en uniformes et des civils en cagoules qui ont procédé à l’arrestation.

Notons au passage l’emploi récent dans le discours gouvernemental du mot «terroriste». Le patronat emboîte le pas en appelant la nation à protester vendredi contre le «terrorisme» du secteur Lavalas (le parti du président en exil Jean-Bertrand Aristide) en s’abstenant de toute activité durant la journée à Port-au-Prince. Traducteurs traduisez.

Toujours selon l’AHP, «Plusieurs cadres et parlementaires de Fanmi lavalas dont le sénateur Yvon Feuillé et l'ancien député Rudy Hériveaux ont été arrêtés pour les mêmes motifs que le père Jean-Juste. L'ancien premier ministre Yvon Neptune, l'ancien ministre de l'Intérieur Jocelerme Privert, la militante politique Annette Auguste ainsi que divers autres cadres et membres de Fanmi lavalas sont gardés en prison depuis plusieurs mois pour des motifs imprécis.»

Le 7 octobre dernier, le chef du gouvernement intérimaire, Gérard Latortue, avait indiqué que certaines fois c'est par la contrebande que son gouvernement arrivait à acheter des armes, en raison, disait-il, de l'embargo sur la vente des armes à Haïti. Ce jeudi 14 octobre, il annonce que que l'embargo sur la vente d'armes à Haïti a été levé et que le régime intérimaire a déjà placé des commandes pour l'achat d'armes et d'autres équipements pour la Police nationale d’Haïti. La levée de l’embargo sur les armes avait été également demandée ces derniers jours par le patronat haïtien qui a réclamé la «livraison immédiate» à l’État d’équipements, d’armes et de munitions, afin que «la force du droit puisse primer sur le diktat des terroristes».

Trois facteurs viennent compliquer l’équation haïtienne : le faible effectif de la mission de stabilisation des Nations Unies, le rôle des militaires «démobilisés», le retour en douce d’anciens dirigeants militaires.

Le 29 février, le président élu Jean-Bertrand Aristide quitte le pays dans les circonstances que l’on connaît. Des contingents de Marines des États-Unis et des militaires français, déjà en Haïti pour assurer la sécurité des ressortissants étrangers, tentent initialement de maintenir la paix dans le pays. Ils sont vite rejoints par des militaires canadiens et chiliens sous l’égide des Nations Unies (résolution 1529 du Conseil de sécurité). Cette première force multinationale n’a un mandat que de trois mois.

Le 30 avril 2004, le Conseil de sécurité adopte la résolution 1542 qui vise à établir la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) et demande que la passation des pouvoirs de la Force multinationale intérimaire à la MINUSTAH se fasse le 1er juin 2004. L’effectif maximum autorisé est de 6 700 militaires et jusqu’à 1 622 policiers.

Or, au 31 août, l’efectif déployé est de 2 989 personnel en uniforme, y compris 2 765 soldats, et 224 agents de police civile. En outre, l’autorisation de déploiement actuelle vient à échéance le 30 novembre 2004.

Les Forces armées d’Haïti (FAdH) ont été officiellement abolies en 1995 par le président Aristide. Les «démobilisés», lourdement armés on ne sait par qui (???), réclament depuis septembre la reconstitution de l’armée et s’emparent de casernes de police dans les régions. Ils constituent un groupe avec qui il faut composer. Manoeuvre annoncée depuis plusieurs jours par leur chefs, l’AFP confirme ce vendredi que «Des anciens soldats fortement armés basés à Port-au-Prince ont affirmé jeudi que des renforts arrivaient de tout le pays pour mettre fin à deux semaines de fusillades et de décapitations qui ont fait au moins 48 morts.»

Selon le Washington Post, l’effectif des «démobilisés» et des gangs de rue dépasserait celui de la Police nationale qui est de 2 500 hommes. D’autre part, l’«Armée cannibale» qui a mené l’insurrection contre Aristide, et qui était composée de nombreux anciens militaires, n’a jamais été désarmée. Wintner Étienne, un des leaders de l’insurrection armée du printemps dernier, a même été «récompensé» : on lui a attribué le poste de directeur de l’autorité portuaire des Gonaïves.

Selon Jessica Leight du Council on Hemispheric Affairs, on assiste à une «remilitarisation» en règle d’Haïti. Dans un document de recherche publié le 24 septembre dernier, elle aborde la question des «démobilisés» et explique aussi : «Au Ministère de l’Intérieur, le ministre et ex-général Hérard Abraham continue d’ajouter à son cabinet ministériel d’anciens complices. Parmi eux, l’ex-colonel Williams Regala, un des sinistres adjoints de l’ex-dictateur Henri Namphy et un des acteurs principaux du massacre des électeurs lors de l’élection avortée du 29 novembre 1987. Regala a donc rejoint un ancien collègue, le colonel Henri-Robert Marc-Charles, membre de la junte militaire dirigée par Raoul Cédras qui a renversé le président élu Jean-Bertrand Aristide en 1991.»

Et sur cette toile de fond, le preminier ministre intérimaire Gérard Latortue se dit confiant que «son gouvernement provisoire remettrait, au plus tard le 7 février 2006, le pouvoir au gouvernement issu des élections générales prévues en 2005» et que ce calendrier serait respecté.
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11.10.04

Blog Story

Blog StoryRassurez-vous, ce n’est pas une nouvelle émission de téléréalité, mais bien le très récent ouvrage de Emily Turrettini et Cyril Fievet de pointblog.com. Laissons la parole à Cyril : «Emily et moi avons le plaisir d'annoncer la sortie officielle de “Blog Story”, le premier livre en français consacré au phénomène des blogs. Le livre est en vente sur Internet, et sera progressivement disponible, dans les jours qui viennent, en librairies (France et pays francophones). Il ne s’agit pas d’un ouvrage expliquant comment créer son blog (un mini-guide pratique fournit juste quelques adresses et conseils), mais qui vise davantage à expliquer pourquoi les blogs représentent un phénomène majeur, tant d’un point de vue social que politique ou technique.»

Chez le libraire français Eyrolles, des extraits du livre (format PDF) : Table des matières, Avant-propos : qui n'a pas son blog? Chapitre 4 - 4e raison : tout est "bloguable", et Postfaces de Howard Rheingold et Dan Gillmor.
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Bush était-il «branché»?

Lors du débat Bush/Kerry du 30 septembre à Miami, Dubya portait-il oui ou non un dispositif radio qui permettait de lui souffler «à distance» des arguments, des données ou des faits pour répondre à son adversaire? C’est le débat qui a cours ces derniers jours, phénomène qui a pris naissance sur Internet.

Bush de dosLe 3 octobre, un site apparaît sur le Web, IsBushWired.com (librement traduit, «Bush est-il branché?». On y présente des saisies d’images du débat télévisé où on voit Bush de dos. Ce qui intrigue est une saillie de forme rectangulaire sous le complet autrement impeccablement taillé du président. Les auteurs du site (anonymes) affirment que Bush était relié par dispositif radio à des conseillers, et offrent des témoignages qui soutiennent leurs affirmations, tant sur le plan des possibilités techniques que de l’inhabituel rythme d’élocution parfois hachuré du président. La théorie du branchement se propage alors à la vitesse d’Internet et prend de l’ampleur. Le netmag Salon reprend l’information le 8 octobre, puis suivent les grands médias.

Le 9 octobre, dans le New York Times cite Nicolle Devenish, une porte-parole de la campagne Bush, qui répond aux accusations : il s’agissait probablement d’une froissure dans le tissu du complet. Elle ne peut expliquer pourquoi ce faux pli est de forme rectangulaire qui ne saurait être attribué à un gilet antiballe car le président n’en portait pas ce soir-là.

La BBC interroge même le tailleur de Dubya, Georges de Paris, qui déclare qu’il s’agit d’un faux pli accentué par la position penchée du président. Pourtant, dans le journal The New Yorker du 27 septembre (repris sur un autre site), de Paris explique avec force détails la minutie apportée à la confection des complets du président. Pourrait-on laisser passer un faux pli, rectangulaire de surcroît, de la taille d’un baladeur?

Bush de dos - 2Sur un forum de discussion de Démocrates, on compare les images du premier débat avec celles du deuxième, et on constate que la forme rectangulaire s’est «arrondie». On évoque la possibilité d’un dispositif médical. On cite le dispositif «RC-216 Receive-A-Cue» (voir description sur le site Cryptome) qu’utilise en certaines occasions la Maison blanche. On cite un interprète de l’anglais au bahasa (indonésien, malais) qui travaillait le soir du débat et qui a été étonné de l’érudition de Bush sur l’Indonésie, alors que le sujet ne figurait même pas sur la liste des thèmes qui seraient abordés.

Dans la plupart des médias on parle de la machine à rumeurs qu’est Internet et on se demande si on n’est pas témoins d’une autre de ses éruptions. Quoiqu’il en soit, le site IsBushWired.com ne répond plus depuis deux jours. Certains évoquent la possibilité d’une attaque de déni de service (DoS), d’autres une panne due au trop fort achalandage. À suivre.
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