26.2.05

Recherche dans les blogues sur Turboscout

Un étudiant taïwanais a mis au point une page rassemblant plusieurs moteurs de recherche baptisée Turboscout qui simplifie tous les types de recherche. Depuis la page d’accueil, on a accès à sept catégories, soit Web, images, ouvrages de référence, nouvelles, produits, audio/vidéo et blogues.

La fonction d’intérêt ici pour nous est celle qui permet d’effectuer une recherche uniquement dans les blogues sur neuf services, soit blo.gs, Blogdex, Blogdigger, Blogwise, DayPop, Fastbuzz, Feedster, MSN Spaces et Technorati, en plus des groupes Google et Yahoo.

Une fois la recherche lancée, Turboscout s’affiche en deux écrans. L’écran inférieur rapporte les résultats de Google pour le ou les mots clés choisis, alors que l’écran supérieur conserve la fenêtre d’interrogation et les mots clés, ainsi que les noms des neufs services cités plus haut. Il ne s’agit alors que de cliquer sur l’un ou l’autre pour relancer la recherche spécifiquement dans ce service.

Le seul hic est que plusieurs des services qui permettent une recherche dans les blogues ont de la difficulté à digérer les caractères accentués, tout comme chez Blog Search Engine, problème auquel il serait intéressant de remédier.
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Le Gannongate et le silence des MT

Eric Boehlert dans le netmag Salon s’interroge à bon droit sur le silence des médias traditionnels (MT) dans l’affaire du Gannongate (voir Les blogues et l’affaire Wilson/Plame du 1er février, Daily Kos et le «gannongate» du 9 février et Gannon/Guckert : encore des retombées du 11 février.

Dans son article See no Gannon, hear no Gannon, speak no Gannon, Boehlert écrit : «Normalement, des révélations à l’effet qu’un ex-prostitué mâle, travaillant sous un faux nom (Jeff Gannon) pour le compte d’une fausse agence de presse ait eu accès à la Maison-Blanche, sans devoir se prêter à la moindre vérification de sécurité, dans le but de poser des questions complaisantes aux porte-parole de l’administration, constitueraient un grosse nouvelle.»

L’affaire refuse de s’éteindre. La fausse agence de nouvelles, Talon News, se dit en «restructuration». Le principal intéressé, James D. Guckert alias Jeff Gannon reprend son blogue et tente de recueillir des fonds pour riposter aux attaques de la «gauche».

Par contre, selon Boehlert, les chaînes ABC et CBS n’ont à aucun moment traité de l’affaire dans leurs nombreuses émissions d’information depuis son début. Pour sa part, la chaîne NBC a diffusé trois courts reportages. La situation dans l’imprimé n’est guère plus reluisante, la plupart des grands quotidiens ont été muets sur l’affaire. Ce n’est qu’hier (25 février) que le Los Angeles Times a abordé pour un première fois la question. Leo Wolinsky, adjoint au chef de la rédaction du Times, déclare  «C’est un peu tard. Peut-être avons-nous été un peu lent à reconnaître que l’affaire revêtait un intérêt public.»

Plusieurs qui suivent l’affaire, comme l’organisme de veille des médias Media Matters relèvent une dichotomie dans les MT face à l’affaire Gannon/Guckert. Aucun des cinq plus importants quotidiens (USA Today, le Wall Street Journal, le New York Times, le Los Angeles Times et le Washington Post) n’a consacré d’éditorial à quelque aspect que ce soit de l’affaire (propagande, sécurité, passé douteux de Guckert). En trevanche, une dizaine de journaux locaux ont traité de l’affaire en page éditoriale.

Boehlert met en contrepoint au Gannongate la nouvelle sur Edward Lee Pitts, correspondant en Irak du Chattanooga Free Times Press, qui aurait aidé un enrôlé de la garde nationale à formuler une question «difficile» au secrétaire d’État à la Défense Donald Rumsfeld en tournée d’inspection de troupes en décembre dernier. La question portait sur le manque de matériel adéquat de protection des militaires envoyés au front. En moins de 24 heures, la suggestion de question formulée par Pitts était devenue la grande nouvelle dans les MT, éclipsant le fait que les troupes manquaient effectivement de matériel. Boehlert écrit : «Contrairement à Guckert, critiqué pour ses questions complaisantes aux porte-parole de l’administration, Pitts a été accusé d’avoir aidé à poser une question trop “difficile”.»

Il y a aussi dans le Gannongate, comme le souligne Boehlert, l’aspect sexe que les MT trouvent gênant d’aborder, malgré toutes les preuves à l’effet que Gannon/Guckert ait travaillé comme escorte mâle et ait posé en tenue légère sur des sites Web gays.

Je jasais de cette affaire de Gannongate cette semaine avec une amie qui a toujours une vue perspicace des choses. Son commentaire : «Et qu’est-ce qui serait arrivé si Gannon avait été une femme?»
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Stranger in a strange land, 2.0

Thomas Cantaloube, correspondant à Washington du Parisien, de Marianne et de La Vie, m’écrit pour m’annoncer la reprise de son blogue Stranger in a strange land laissé en friche depuis dix mois pour cause d’écriture d’un livre, Chirac contre Bush : L'autre guerre écrit en collaboration avec Henri Vernet.

La semaine dernière, Cantaloube écrivait : «Bush est toujours Président, Rumsfeld dirige toujours le Pentagone, Scott McClellan continue ses briefings pour ne rien dire, l'Irak ressemble toujours à un bourbier, on ne sait toujours pas qui a balancé Valerie Plame, les Frenchies n'ont toujours pas la côte (même si cela s'améliore)... Bref, rien de bien neuf. Alors, pourquoi reprendre ce blogue?» En clin d’oeil, quelques motifs : «Parce que je ne souhaite pas laisser le terrain libre à mes petits camarades de Libé, du Monde ou du Figaro. Parce que j'ai un nouveau projet de livre en cours et besoin de réfléchir à voix haute (c'est essentiellement cela un blogue).»

Welcome back, Stranger.
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24.2.05

La revue des blogues de Slate

Today's BlogsLe netmag Slate, propriété du Washington Post depuis décembre, vient d’ajouter une rubrique à son menu soit Today’s Blogs, une revue de presse de ce qui s’écrit sur certains des blogues d’actualité étasuniens. On lisait déjà la revue de presse des grands quotidiens, Today’s Papers, et cette nouvelle chronique tenue par Bidisha Banerjee est un ajout apprécié au panorama de l’actualité, en plus d’une reconnaissance de la qualité du contenu de plusieurs blogues.
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21.2.05

Hunter S. Thompson, 1939-2005

Hunter S. ThompsonLa semaine commence mal. De Reuters, «Le journaliste et écrivain américain Hunter S. Thompson, symbole de la contre-culture américaine, auteur notamment du roman "Las Vegas Parano", s'est suicidé dimanche soir dans sa maison d'Aspen, au Colorado, a-t-on appris de source policière.»

Extrait des Chroniques de Cybérie, 4 octobre 1996 : «Chaque présidentielle américaine me rappelle celle de 1968, l'année où l'hebdomadaire de la contreculture de l'époque, Rolling Stone, avait résolu de s'écarter en partie de ses thèmes habituels (musique, cinéma, arts, marijuana) pour accorder une place importante à la présidentielle Nixon/McCarthy dans ses pages. Mais encore fallait-il trouver une formule, qui plus est un chroniqueur à la mesure des attentes du lectorat assez particulier qu'avait Rolling Stone. Solution : un des pères du gonzo moderne, Hunter S. Thompson, qui avait déjà à l'époque commis un livre sur les Hell's Angels. Le gonzo, c'est un style qui favorise l'emploi de la première personne du singulier, où l'esprit de l'observateur se partage étroitement avec celui de ceux et celles qui le lisent, et qui trouve son origine chez H.K. Mencken circa les années vingt. À ne pas confondre avec une autre tendance populaire des années soixante, le néo-journalisme, que pratiquait Tom Wolfe et Truman Capote, très personnel aussi, mais quand même différent. Selon le literati Stephen Walt Pitalo, "le néo-journalisme est une recherche de la précision, le gonzo une quête de la vérité". Et comme toujours, tout est là, dans la nuance...»

Extrait des Chroniques de Cybérie, 3 octobre 1997 : «Nous vous avons déjà dit pourquoi nous tenions l'oeuvre de Hunter S. Thompson en haute estime. Mis à part les souvenirs personnels, le personnage a influencé tout un pan de génération du journalisme américain dans les années soixante et soixante-dix, père de l'école de journalisme gonzo qu'il définit comme un style fondé sur l'idée de William Faulkner que la bonne fiction littéraire est tellement plus "vraie" que n'importe quelle forme de journalisme. Le gonzo, c'est le reportage devenu psychodrame. C'est le journalisme en immersion totale, loin des 400 canaux push et cast commandités par les relationnistes de presse et de la prévisibilité du clique de la souris ou de la télécommande qui caractérise notre fin de soirée, de décennie, de siècle, de millénaire.

Irrévérencieux comme l'époque et ses figures politiques le méritaient, mis au ban par les autres journalistes qui n'en continuaient pas moins de le lire attentivement, de le citer, de le caricaturer et d'envier secrètement sa liberté de pensée, l'homme a marqué une époque.

Verrait-on sur le radar météo du journalisme l'approche d'un système de perturbations venant tout droit de Woody Creek, Colorado? Pas vraiment, le confort et l'indifférence se sont trop bien ancrés dans les moeurs journalistiques; la rectitude politique, bien que décriée, fait en sorte que le pire écart aux bonnes moeurs d'un membre de la presse d'aujourd'hui équivaut à peu près au gamin qui prononce le mot "pipi", à table, devant les invités de ses parents horrifiés. Cependant, on édite la correspondance de Thompson, on réédite ses livres, on tourne un film sur un des classiques de son oeuvre, Fear and Loathing in Las Vegas avec en vedette dans le rôle de Thompson, nulle autre que la star montante Johnny Depp.

[...]

Fear and Loathing, la peur et le dégoût. C'est un des thèmes récurrents de l'oeuvre de Thompson et, d'après le biographe Sven Birkerts, c'est "ici que l'on perçoit le véritable registre de Thompson. Comme Lenny Bruce, Norman Mailer ou Allen Ginsberg à leur meilleur, il a trouvé une façon de dire ce qui méritait d'être dit. Peu de gens ont la témérité de dévoiler ainsi la profondeur de leur rage."

Pour Birkerts, c'est un ensemble de documents prenants, saisissants, passionnants, où on apprend entre autres l'origine du fameux Fear and Loathing. C'est l'assassinat de John F. Kennedy, en novembre 1963, qui a cristallisé chez Thompson sa perception de peur et de dégoût pour la société américaine, ses establishments et "powers that be" et leurs intendants.»

À consulter, le site de Christine Othitis Bennett The Great Thompson Hunt.

Mise à jour, 23 février :

As Gonzo in Life as in His Work
No one categorization covers this new form unless it is Hunter Thompson's own word, gonzo. If so, in the 19th century Mark Twain was king of all the gonzo_writers. In the 20th century it was Hunter Thompson, whom I would nominate as the century's greatest comic writer in the English language.
- Tom Wolfe

The minuteman of the Rockies
I'm not that crazy about the gonzo school, or any other version of the new journalism either, but Thompson's signature style was not always, or not entirely, about faxing unedited notes or having his life insurance cancelled by Jann Wenner. He was, above all, a highly polished hater, and could fuel himself as well as ignite others with his sheer contempt for Richard Nixon and all that he stood for.
- Christopher Hitchens

To Write Like Hunter S.
The greedy little hustlers are still running this country, 32 years later. Good writing only goes so far, no matter how compelling the opening paragraph.
- Ed Quillen
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20.2.05

Typologie de blogueurs

À propos de mon billet du 21 janvier (Blogues, journalisme et crédibilité) dans lequel j’écrivais qu’il fallait éviter de confondre les divers types de blogues, Jon Garfunkel m’a écrit pour porter à mon attention sa typologie des blogues, Deconstructing Blogs: Presenting Blogger Archetypes.

Garfunkel met la table pour son exposé en citant Robert Cox, un des organisateurs de la conférence Blogging, Journalism & Credibility qui dans son blogue se penche sur la terminologie des blogues. Cox écrit : «Je m’inquiète de l’utilisation trompeuse du terme générique “blogueur”. C’est un terme vide de sens. Au mieux, c’est une expression fourre-tout pour laquelle chacun a sa propre définition.[...] Si on est incapable d’en arriver à une définition adéquate de ce qu’est “bloguer”, nous devrons élaborer une nouvelle terminologie pour décrire les personnes, les organismes, les logiciels, les services, et les motivations que, de manière paresseuse, nous confondons tous en un seul lot, les “blogues”.»

Abondant dans le sens de Cox, Garfunkel soumet qu’il faut cesser de décliner le substantif blogue. «Sur le plan linguistique, c’est un piège. Le substantif générique (blogue) s’est décliné en verbe (bloguer) puis en substantif de rôle (blogueur), ce qui donne qu’un blogueur blogue sur son blogue.»

Il y a eu évolution depuis l’arrivée des blogues note Garfunkel. En 2000, les blogues servaient à filtrer ou à écumer le Web. L’arrivée de logiciels plus conviviaux a vu la possibilité de publier des billets de style journal, et arrive alors la dichotomie entre ceux qui ne diffusaient que des liens, et ceux qui ajoutaient des commentaires de leur crû (linkers vs. thinkers). Mais cette typologie précoce n’a pas tenu la route bien longtemps, surtout à cause de la nature et des motivations très diverses des commentateurs.

Ceci nous amène à la conférence sur les blogues, le journalisme et la crédibilité, et au rôle des blogueurs improvisateurs (wingers) qui selon Garfunkel exacerbent l’apparent conflit entre blogueurs et journalistes. Très vite émerge une seconde catégorie, les carillonneurs (ringers) qui n’ont pas a défendre leur crédibilité, et les enfileurs (stringers) qui cherchent à s’en construire une. Le tout n’aurait pas été complet sans les bardes (singers) et les spécialistes (fingers), ces derniers s’apparentant aux improvisateurs, mais en mieux.

Tentons de nous y retrouver.

Les bardes (singers) constituent la majorité de ceux et celles qui bloguent. Caractéristique première : ils ne traitent jamais de politique. Si Garfunkel les appelle les bardes, c’est en référence à la poésie de Walt Whitman qui utilisait cette notion pour décrire la célébration de soi, de l’égo, de son petit monde. À cet égard, la notion rejoint celle de David Weinberger et du complexe d’athenticité.

Puis, Garfunkel identifie les improvisateurs (wingers) qui dans la majorité des cas bloguent sur l’actualité en écrivant chaque jour de nombreux billets relativement courts. Il souligne que la plupart des doléances des journalistes à l’égard des blogueurs ont trait aux improvisateurs, surtout ceux qui bloguent sur la politique.

Il y a ensuite les spécialistes (fingers). Comme les improvisateurs, ils commenteront certains volets de l’actualité, mais ils connaissent à fond les sujets dont ils traitent, les mettront en contexte, vérifieront leurs sources, seront plus sélectifs. Ils affichent habituellement moins de parti pris et plus d’indépendance que les improvisateurs.

Les carillonneurs (ringers) jouissent déjà d’une notoriété et utilisent leurs blogues comme voie alternative d’expression. Personnalités publiques, ils n’ont pas à commenter la nouvelle, ils la font. Pour eux, selon Garfunkel, un blogue est une manifestation symbolique de leur statut. Ils adorent la blogosphère car elle leur permet de briller sur une autre plate-forme que celle à laquelle ils sont habitués.

Enfin, les enfileurs (stringers) sont un peu les coureurs de fond de la blogosphère. Ils ne sont ni bardes ni spécialistes, mais espèrent se tailler une crédibilité à force de travail et de patience et ils ne publient presque uniquement que des textes originaux. Ils seraient mêmes les moins attachés à la formule blogue, misant avant tout sur la publication de leurs écrits, peu importe la plate-forme.

C’est sans prétention que Garfunkel nous propose cette typologie qu’il reconnaît sommaire, mais dont on voit l’utilité pour tenter de cerner ce qui motive la tenue d’un blogue. On pourrait ajouter les formes hybrides de blogues, selon les dispositions changeantes de leurs auteurs. D’ailleurs, Garfunkel écrit : «Je crois que les résultats les plus intéressants seront ceux qui réussiront à combiner des éléments empruntés à divers types».
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