22.1.05

Marketing sur les blogues

On apprend dans NewsWeek que le cabinet de marketing The Stonebrick Group a dressé une liste de 100 personnes dont l’opinion compte en Silicon Valley, et entend leur fournir gratuitement des produits pour qu’ils en fassent l’essai et, surtout, pour qu’ils en parlent dans leur entourage.

Cette technique de marketing n’est pas nouvelle, mais Newsweek attribue sa remontée actuelle au journaliste Malcolm Gladwell et à son livre à succès «The Tipping Point» dans lequel il détermine trois types d’interacteurs sociaux en marketing, soit les connecteurs, les connaisseurs et les vendeurs (voir cette entrevue avec Gladwell). Qu’un produit se retrouve entre les mains d’un connecteur ou d’un réputé connaisseur, tout le monde voudra se le procurer.

Gladwell évoque la théorie des mèmes dont je vous parlais, dans un autre contexte, en octobre 1999. En bref, un mème est un objet mental qui, tel une créature biologique, lutte pour sa survie. Le mème se sert de l'individu qui en est porteur afin de se disséminer. Cette dissémination n'est pas, au contraire du domaine biologique, uniquement liée à une activité de reproduction mais dépend des moyens de communication offerts à l'individu. Or la variété de ces derniers, depuis la banalisation de l'accès aux moyens de télécommunication, est de plus en plus aisée.

Le groupe Stonebrick a donc identifié une centaine de ces «porteurs» en Silicon Valley, et leur distribuera sous peu un lot de nouveaux produits à la demande (et moyennant honoraires) de fabricants. Auren Hoffman, le patron de Stonebrick, a dit vouloir éviter d’inclure sur sa liste des «blogueurs de carrière» ou des journalistes.

En revanche, bon nombre des «porteurs» de bonnes nouvelles identifiés par Stonebrick tiennent des blogues, et non des moins consultés. Tenons pour exemple l’entrepreneure et technologue Esther Dyson, le promoteur et éditeur Tim O’Reilly, le financier Ross Mayfield, le technologue Joi Ito, etc.

Dan Gillmor trouve l’approche singulière et il se demande si les porteurs/blogueurs dévoileront le fait qu’ils reçoivent ces produits gratuitement, et qu'ils peuvent les conserver s’ils le veulent (à la différence des journalistes qui sont tenus de retourner les produits qu'ils ont mis à l’essai). Ito et Mayfield ont déjà commenté le billet de Gillmor. Ils précisent qu’ils ne sont pas tenus de parler de ces petits cadeaux (pour la petite histoire, le premier produit livré est un bidet high-tech), et que s’ils en parlent, ils dévoileront leur participation à ce réseau mémétique.
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Suivi : blogueurs justiciables

Dans l’affaire des blogueurs justiciables pour avoir publié les détails techniques d’une nouvelle interface audio pour les utilisateurs de Apple, l’auteur du site ThinkSecret, Nicholas Ciarelli, bénéficiera des services pro bono de Terry Gross du cabinet Gross & Belsky. Apple, qui poursuit Ciarelli pour avoir dévoilé des secrets commerciaux, exige aussi qu’il dévoile le nom de ses sources. Gross a déclaré que Ciarelli avait eu recours à des méthodes journalistiques reconnues et qu'il avait droit à la protection en vertu du premier amendement de la Constitution. Il entend demander le retrait de la plainte déposée par Apple. Détails dans InfoWorld et Mercury News.
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21.1.05

Blogues, journalisme et crédibilité

Ce vendredi et samedi se tient la conférence Blogging, Journalism & Credibility au Kennedy School of Government de l’Université Harvard.

Retenons quelques points marquants jusqu’à maintenant, comme le mémoire de Jay Rosen (PressThink) intitulé Bloggers vs. Journalists is Over et dans lequel il annonce la fin des «hostilités» entre blogueurs et journalistes. Il faudrait aborder davantage, selon Rosen, la question plus générale de la confiance, plutôt que de continuer à résumer trop sommairement le débat à la crédibilité des blogues et à savoir s’ils devraient se doter d’un code d’éthique.

«La confiance s’installe dans différents cadres, que ce soit dans l’univers en ligne ou physique, dans les blogues comme en journalisme, ou comme dans la vie de tous les jours» écrit-il. Autrement dit, que ce soit pour les journalistes ou les blogueurs, la confiance se mérite, et ils ne sont pas différents à cet égard.

Rosen cite Xeni Jardi de BoingBoing qui, répondant récemment à une question d’un journaliste du New York Times à savoir si les blogues allaient remplacer les médias traditionnels, a déclaré : «C’est un peu comme croire que les marchés champêtres allaient remplacer les restaurants. Dans les premiers on trouve des denrées de base, alors que les seconds se situent ailleurs dans le processus».

Le point de vue de Rosen sur la fin du conflit entre blogueurs et journalistes est contesté par Jon Garfunkel qui estime cette déclaration vaine et non avenue. «S’il y a un point commun entre tous les Jos Blogueurs» soutient Garfunkel, «c’est qu’ils vont continuer de critiquer les médias traditionnels et de crier victoire chaque fois que l’un d’eux commet une erreur. Et ce n’est pas qu’un rapprochement entre les deux puisse flotter dans une conférence qui se tient à Harvard qui changera la situation.»

Garfunkel va même jusqu’à affirmer que, pour bien comprendre la mouvance actuelle des médias, il faudrait éviter tout rapprochement entre blogueurs et journalistes, et entretenir la dichotomie. Il serait même salutaire pour le public que les médias traditionnels (MT) ne lâchent pas de vue les excès des blogues et les dénoncent.

Je lui donne par contre raison sur un des points qu’il souligne, soit que l’on mette tous les blogues dans une seule et même catégorie, ce qui fausse grandement l’analyse du phénomène.

Si vous voulez tout lire ce qui se dit sur les blogues au sujet de cette conférence, y compris les opinions de ceux et celles qui y participent ou y présentent des mémoires, cap sur Bloglines qui a regroupé 46 fils Web RSS.
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19.1.05

Feedster et la recherche d’emploi

Le moteur de recherche de fils RSS et XML Feedster vient d’inaugurer son service de recherche d’emploi, FeedsterJobs. En période de rodage, FeedsterJobs propose plus de 5 000 emplois par jour (voir le communiqué de presse). Ce ne serait que le premier service de recherche «vertical» que Feedster entend lancer.

Vérification faite, dans certaines disciplines, un grand nombre d’offres d’emploi provenaient de divers sites du très populaire réseau Craigslist (voir l’incarnation montréalaise), ce qui ne fera évidemment qu’augmenter sa popularité.

Ce qui m’amène à vous parler d’une information glanée en décembre dernier et dont j’avais oublié de vous parler. Le cabinet de consultation Classified Intelligence (CI) a publié un rapport (250 $) sur l’effet du service de petites annonces Craigslist (maintenant partenaire de eBay), y compris des offres d’emploi, sur les journaux de la région de San Francisco.

Quiconque peut publier une petite annonce gratuitement sur un site Craigslist, les seuls à payer pour une publication sont les entreprises à la recherche de personnel. C’est ainsi que Craig Newmark, qui travaille à ce réseau depuis 1995, finance ses opérations. Selon The Register, le Craigslist de San Francisco enregistre plus d’un demi million de visites par mois, plus de 150 millions de pages vues.

Or, soutient Classified Intelligence, alors que les grands quotidiens de San Francisco publiaient 4 900 offres d’emplois au cours de la semaine du 21 novembre 2004, Craigslist en proposait 12 000. Autrement dit, selon CI, «l’incidence financière directe de la publication d’un si grand nombre d’offres d’emplois sur la Craigslist est, pour les journaux imprimés de la région, la perte de revenus oscillant entre 50 et 65 millions de dollars par année.» Ce n’est pas rien.

Qui plus est, selon CI, des entreprises de presse de la région comme le Chronicle ou Knight-Ridder Digital ont recours elles-mêmes au Craigslist pour embaucher du personnel. La solution pour les imprimés, selon CI, serait d’innover en proposant des forfaits imprimés/en ligne aux annonceurs.
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Les «carnets» de La Presse

On a droit depuis un certain temps à des «carnets» sur le site Web du quotidien montréalais La Presse. D’abord le Carnet de voyage en Indonésie (2 billets) de Marc Thibodeau et Karim Benessaieh dépêchés sur place pour couvrir les effets des tsunamis, le Carnet de voyage du Sri Lanka de Nicolas Bérubé (5 au 9 janvier) sur le même sujet, et le Carnet de voyage du Japon de Nathalie Collard qui y couvre la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles.

On les appelle donc les carnets de voyage, même si la formule s’apparente aux blogues. Pas de commentaires directs sur ces carnets, les courriels sont dirigés à la rédaction et non aux journalistes, les URL défient tout exercice mnémotechnique, on n’échappe pas aux gabarits de cyberpresse, l’environnement est très aseptique, la publications de billets est parfois assez espacée, mais on est près de la formule blogue.

Verra-t-on une suite à ces carnets? Est-on en période de rodage de la formule? Osera-t-on appeler un chat un chat? À suivre.
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18.1.05

Florence Aubenas et Hussein Hanoun al-Saadi, mise à jour

«Interviewé hier par la chaîne satellitaire Al-Arabiya, le président irakien par intérim, Ghazi al-Yaouar, a mentionné, sans fournir le moindre élément susceptible de l'étayer, la piste crapuleuse. “Je ne pense pas qu'il y ait une partie politique qui aurait intérêt à enlever un Français. Je pense que l'affaire [Aubenas] pourrait être liée à une rançon ou quelque chose de ce genre”, a-t-il dit, tout en reconnaissant ne pas disposer à ce stade d'“information sur la journaliste”. Un silence motivé, selon lui, par la volonté des éventuels ravisseurs d'«accroître la tension avant de poser leurs conditions... Lors de sa visite à Paris, jeudi, Ghazi al-Yaouar avait promis de “tout faire” pour retrouver Florence Aubenas et son guide irakien. Dans un entretien avec la direction de Libération, il avait déjà évoqué un acte de brigandage sans pour autant écarter la possibilité d'un rapt politique.»

Source : Libération

Voir, aussi, le dossier complet de Libération., et notre billet initial (6 janvier).
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17.1.05

La presse en dépression

Merci à mediaTIC pour nous avoir souligné le texte de José-Manuel Nobre-Correia paru dans la revue Politique, livraison de décembre 2004, sous le titre Journalisme : une certaine mort annoncée. Selon l’auteur, après avoir effectué des bonds en avant avec chaque nouvelle technologie qui apparaissait, l’art d’informer s’est heurté à des mécanismes de freinage et de distorsion et risque maintenant un retour en arrière.

À propos d’Internet, Nobre-Correia estime que «jamais comme aujourd’hui, tout un chacun a eu la possibilité d’émettre des messages à des coûts si bas, tout en parvenant à toucher une audience potentielle si vaste. Les médias et les éditeurs “traditionnels”, tout comme les journalistes “classiques” ont ainsi perdu leur “monopole” séculaire de la fonction d’informer. La récente vague des “weblogs” est à cet égard significative.»

La conclusion est sombre : «Autrement dit : tout porte à croire que le journalisme comme métier d’information de masse est en voie de disparition. Restera toutefois le journalisme comme métier d’information des élites ou du moins de groupes sociaux restreints. D’autres techniques, immémoriales, reprendront du service, telle la rumeur; d’autres, très anciennes, retrouveront le terrain perdu, telle la propagande; d’autres encore, plus récentes sur les formes que nous leur connaissons aujourd’hui, gagneront encore de l’importance, telle la publicité. Des techniques qui ne relèvent pas du métier d’information, mais qui ont toujours prétendu et prétendront encore informer.»

Autre son de cloche, plus réconfortant pour la presse celui-là, celui du chroniqueur William Safire dans l’édition du 17 janvier du New York Times (inscription requise). Safire reconnaît que la fonction journalistique traverse une période difficile; la crédibilité des médias est mise en cause, les juges veulent forcer les journalistes à dévoiler leurs sources, le président «Yahoo» (l’expression est de Safire) se moque de la presse, et que dire de l’arrivée en masse des blogueurs dans le champ d’attention du grand public.

Or, selon Safire, le journalisme traditionnel (mainstream journalism) est promis à un avenir meilleur. Pour ce qui est des blogueurs, les perspectives de revenus les feront «rentrer dans le rang» et leurs activités s’assimileront à celles des journalistes traditionnels sur le plan de l’actualité locale. En matière de nouvelles nationales ou internationales, les médias traditionnels n’ont rien à craindre des blogues. Safire aborde les autres questions qui hantent le journalisme de nos jours et n’y trouve pas de problème insurmontable. Il faudrait, selon lui, attendre le retour du balancier.

Et si l’avenir s’inscrivait entre le pessimisme de Nobre-Correia et les lunettes roses de Safire? L’enjeu est cependant de taille car comme le souligne le premier, «L’histoire a en effet mis clairement en évidence la parfaite interdépendance entre les avancées du système démocratique et le degré d’autonomie de l’information. Et il est pour le moins douteux que l’avenir de nos sociétés puisse échapper à un tel principe...»
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16.1.05

Le Joblog

Bien d’accord avec Martine quand elle dit qu’il n’y a pas de «comité d'accueil de la blogosphère québécoise», mais je souhaite tout autant qu’elle la bienvenue à Josée Blanchette dans le merveilleux monde des blogues. Elle a profité d’une de ses chroniques dans le quotidien Le Devoir pour lancer son blogue (sous l’oeil bienveillant de Benoît Munger, me disait-elle).

Et d’accord aussi avec Martine qui écrit de Josée, «Avant que les blogues ne fassent leur apparition, les chroniques de Josée dans les journaux et magazines avaient déjà ce ton personnel et provocateur que l'on cherche souvent à reproduire dans les blogues.» À titre d’exemple, une nouvelle définition des blogues selon Josée : «On appelle ça du journalisme citoyen ou du journalisme participatif, voire de la néochronique ou de l'éditorial à compte d'auteur.» Yes, shooting from the hip.

Ce qui est à déplorer, cependant, c’est que si peu de journalistes des médias traditionnels (MT) québécois fassent l’expérience du blogue. J’aime beaucoup celui de Charles-Albert Ramsay (journal Les Affaires) qui m’en apprend sur le centre hospitalier projeté pour Montréal, ou sur un premier partenariat public-privé. Chez Bertrand Hall (Radio-Canada), on oscille entre ton perso et commentaires sur l’actualité, ce qui n’est pas un tort. Belle résonnance dans ce commentaire sur un gouvernement «qui donne $125,000 pour le tsunami et dépense 30 millions$ pour hésiter à construire un hôpital…» Il y en a d’autres, mais ils sont rares. La France est mieux servie du côté des blogues de journalistes, et aux États-Unis on compte au moins 450 journalistes de MT qui ont des sites perso ou des blogues.

C’est vrai qu’on peut difficilement demander à des cumulards de prendre le temps de bloguer. Entre la chronique à écrire, l’autre article pigé, l’émission à animer, la présence à l’émission d’un ou d’une collègue, le commentaire occasionnel parce qu’ils sont à portée de micro, et que sais-je encore, leurs semaines sont déjà bien chargées. On ne peut être partout à la fois, même si on le voudrait.
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